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Metro Express: «Il faut être technicien pour comprendre…»

21 août 2018, 23:00

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Metro Express: «Il faut être technicien pour comprendre…»

 

Gaz naturel, compteurs intelligents, nouveaux projets solaires, coupures électriques sur le tracé du tram: il y a de l’électricité dans l’air. Pour Shamshir Mukoon, directeur général par intérim du Central Electricity Board (CEB), l’instance met les bouchés doubles pour que ces projets soient bel et bien sur les rails. Et pas que ceux du métro.

Le gaz naturel prend son envol. Comment ce projet fonctionnera-t-il?

Actuellement, 40 % de notre électricité provient du charbon. Bien sûr, tout le monde s’insurge contre ce matériau. On scande que ça doit changer, on adhère à des conventions internationales sur l’environnement etc. Dans les sucreries, on brûle de la bagasse. Mais quand il n’y en a pas pendant six mois, on doit faire du charbon.

Certains designs peuvent minimiser ce type d’usage et augmenter la biomasse. Mais on connaît tous les problèmes de la canne à sucre. Parallèlement, en 2013, diverses mesures ont été formulées dans un rapport de la Banque mondiale, dont la «combined cycle gas turbine». Celle-ci privilégiera le diesel et le gaz naturel, qui est de plus en plus prisé étant plus propre que le charbon.

Des études sont effectuées pour déterminer le système le moins onéreux pour emmener du gaz naturel chez nous. Ce projet peut être réalisé en deux phases. D’abord, on met les turbines à gaz pour pallier la demande. Et simultanément, on aura des centrales de diesel, comme à Fort George. Cette première étape coûtera de Rs 3 milliards. On attend la faisabilité du gaz naturel pour déterminer si on injectera de plus amples investissements.

Le CEB installe actuellement des compteurs intelligents. Quel est l’avancement de ces remplacements?  

Cela a commencé depuis deux à trois ans. Les compteurs existants étaient électromécaniques. Maintenant, les versions électroniques font toujours le comptage énergétique. Mais le côté «smart», c’est qu’on y rajoute un modem pour lire la consommation, entre autres informations, à distance.

À ce jour, environ 15 000 compteurs sont en fonction et contiennent une SIM card. Une communication se fait entre ordinateur et compteur pour l’obtention des données. La facturation se fait plus rapidement. De plus, 70,000 autres déjà installés peuvent être pourvus de ce modem. Comme nous avons  440 000 consommateurs à Maurice, il faudra déployer tout cela.

«Plusieurs projets, d’une capacité variant entre 5 et 15 mégawatts chacun, sont en cours. Six projets solaires seront concrétisés vers le début de 2019.»

Qui paiera pour ces travaux?

En fait, un tel compteur revient entre Rs 3 000 et Rs 4 000. C’est le CEB qui le financera. Le meter rent, qui est d’environ Rs 10, est imputable au consommateur, couvre les frais sur le temps. Nous prévoyons un remplacement de 20 000 compteurs annuellement.

Est-ce pour pallier la falsification des anciens compteurs?

Effectivement, le système mécanique d’avant était plus «prone to fraud», donc plus facile à falsifier. Par contre, il est plus complexe de truquer les versions électroniques. En sus de la communication à travers la SIM card, on y procédera par fibre optique. Un autre réseau est fin prêt mais pas encore déployé chez les clients. On le fera au plus vite.

Venons-en au Metro Express. En février, vous déclariez qu’un «travail compliqué s’annonçait» pour le réalignement du réseau. Entre bruit, l’enlèvement des poteaux électriques et les coupures de courant, où en est-on aujourd’hui?

Après presque six mois, on a complété l’enfouissement du réseau, notamment sur la rue Vandermeersch, site le plus décrié et contesté. On a enlevé les lignes aériennes sur le tracé, libéré l’espace et ôté une cinquantaine de poteaux électriques. On a installé une distribution souterraine. Maintenant, c’est Larsen and Toubro qui prend le relais.

Pour les interruptions de fourniture électrique, nous faisons une planification. Nous avions dû faire des demi-journées de coupure le temps de basculer l’ancienne ligne à la nouvelle.

 

«La ‘combined cycle gas turbine’ privilégiera le diesel et le gaz naturel, qui est de plus en plus prisé étant plus propre que le charbon. Des études sont effectuées pour déterminer le système le moins onéreux pour emmener du gaz naturel chez nous.»

 

Quelle est la prochaine étape pour les travaux du métro?

Après Vandermeersch, nos techniciens sont à l’œuvre à Richelieu, futur dépôt du métro pour une étude. Une fois cette étape finalisée avec le «contracteur», les travaux débuteront. D’autres sites ont été identifiés, mais la priorité est faite selon la demande de Larsen and Toubro.

Six mois après, on a relevé le défi. Mais la complication vient des interfaces de l’alimentation des autres aménités comme l’eau, le tout-à-l’égout également en souterrain. Il faut veiller à tout risque de cafouillage.

À Vandermeersch par exemple, il y avait une concentration de services et c’était plus compliqué. À Richelieu, peut-être que ce sera moins complexe vu que c’est loin du centre-ville. Tout ce que nous avons vécu nous aidera à améliorer les choses.

En juillet, des questions ont été soulevées au Parlemen, notamment par Osman Mahomed, sur les câbles électriques aériens. N’a-t-on pas occulté les risques d’accidents avec les vents et cyclones?

Ces câblages-là alimenteront le métro et font partie du design des promoteurs. Ce ne sont pas des lignes du CEB. Je n’ai pas eu le design final du métro mais ce serait aérien à ce qui se dit à l’extérieur. En fait, le tram sera posé sur des rails métalliques. Ce n’est pas du ressort du CEB mais de Larsen and Toubro.

Au CEB, nous avons des poteaux électriques aériens depuis une cinquantaine d’années. On a connu divers cyclones. Pendant ces intempéries, il y a des arrêts mais on reprend après. Techniquement, les poteaux et les lignes d’alimentation du métro sont bien différents…

Comment?

Les pylônes du CEB transportent de l’électricité à 66 000 volts. En revanche, les lignes d’alimentation en aérien se font avec du courant direct. Elles sont bien plus basses en voltage. Le CEB fournira l’alimentation électrique à un poste précis mais sans doute Metro Express Ltd (MEL) va gérer l’opération.

 

«À Vandermeersch par exemple, il y avait une concentration de services et c’était plus compliqué. À Richelieu, peut-être que ce sera moins complexe vu que c’est loin du centre-ville.»

 

Cette gestion sera-t-elle fiable?

Je ne suis pas trop inquiet. On a voyagé partout dans le monde et notamment en métro. Pour n’importe quelle activité industrielle, le CEB emmène l’électricité à 22 000 volts à une station de conversion. Cela convertit à 415 volts en triphasé. Notre rôle s’arrête là.

C’est comme si on vient chez vous, on installe le compteur et on approvisionne votre maison. Si vous voulez y suspendre des guirlandes ou brancher un appareil, c’est à votre guise.

Pour revenir au métro, il ne faut pas confondre les lignes d’alimentation électriques avec celles du CEB. Il y a des gens qui commentent au Parlement, il faut être technicien pour comprendre. On a l’expertise dans l’électricité dans les hautes tensions. Mais celle en courant direct, on n’en a pas. En cas de panne, je crois que MEL prévoira une équipe d’opération et de maintenance. 

Trois sous-stations électriques sont actuellement en construction. Quel en sera le fonctionnement?

En fait, nous sommes en train d’«upgrade» la technologie utilisée dans ces sous-stations. Aussi, nous allons passer de l’Air Insulated Switchgear (AIS) au Gas Insulated Switchgear (GIS). Cette technologie de pointe est pratiquement «maintenance free» et favorise une plus grande fiabilité du système et une réduction d’espace.

À ce stade, un consultant étranger apportera son expertise. On a environ huit sous-stations à La Chaumière, Ébène, Fuel, entre autres, qui en seront pourvues.

Une concentration des vols de câbles électriques en cuivre sur les morcellements est observée ces temps-ci. Pourquoi?

Effectivement, ce phénomène devient plus récurrent sur les morcellements. Pour des raisons cycloniques et de sécurité, il a été demandé que les câbles soient enfouis sur ces sites. Le promoteur paie le coût d’installation des câbles et transformateurs de distribution pour ces lotissements au CEB.

Quand le morcellement est tout nouveau, il n’y a pas d’habitation. Hélas, certains saisissent l’occasion d’y perpétrer des vols. Ils viennent, sectionnent les câbles, les boîtes de distribution et même les portes de celles-ci. Il y a un marché d’aluminium et de cuivre clandestin qui opère, en dépit de l’interdiction de la loi.

Face à ces vols, on doit remplacer ces câbles. Il faut faire provision d’une assurance dans le coût pour couvrir les frais de cambriolages. On a fait des plaintes auprès de la police, qui fait des patrouilles plus régulières.

Puisque ces câbles sont sous tension électrique et qu’une expertise est nécessaire pour les enlever, y aurait-il connivence entre les voleurs et des professionnels?

Je ne dirai pas complicité. Disons que des électriciens, qui font de grosses installations dans les industries, ont des compétences. Ils peuvent donner des indications à ces gens-là. L’électricité dans les lotissements, c’est de la basse tension. En même temps, cela pourrait être l’œuvre d’un électricien qui s’y connait…

Ou de votre personnel?

Oui. Cela peut être de n’importe où à Maurice, dans le secteur privé, etc. Pas nécessairement du CEB, de n’importe où.

Au niveau du rapport salarial, le courant passe mieux avec les syndicats?

Ça va mieux. La relation n’est pas tendue. Chacun a ses droits. Au niveau de la direction, on fait ce qu’il faut faire dans la limite qu’il faut. On est en pleine discussion pour finaliser le rapport avant la fin de l’année.

Où en sont les productions d’électricité vertes?

Plusieurs projets, d’une capacité variant entre 5 et 15 mégawatts chacun, sont en cours. Six projets solaires seront concrétisés vers le début de 2019. Puis, on avait lancé le «Small scale distributed generation» pour l’installation des panneaux solaires et la production électrique sur les résidences. Un millier d’installations sont déjà opérationnelles.

Parallèlement, le CEB construit un parc solaire de 2 mégawatts à Henrietta qui devrait être prêt d’ici à décembre 2018. On compte rajouter 8 mégawatts.

Bio express

Originaire de Port-Louis, Shamshir Mukoon a étudié au Mahatma Gandhi Institute. Il a fait des études d’ingénierie à l’université de Maurice et son «Master in Business Administration» à distance. Il suivra plusieurs formations, dont en ingénierie et comptabilité. Employé au CEB depuis 1989, il a débuté comme «Trainee engineer». Il a été promu ingénieur puis responsable de département. Aujourd’hui, Shamshir Mukoon occupe la fonction de directeur général par intérim.