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Des millions de litres de rosé espagnol vendus pour du vin français

9 juillet 2018, 16:42

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Des millions de litres de rosé espagnol vendus pour du vin français

Des millions de litres de rosé espagnol vendus comme du vin français: cette tromperie massive, mise au jour par la répression des fraudes illustre l’âpreté de l’affrontement entre viticulteurs espagnols et français.

Après avoir reçu des alertes fin 2015 sur la francisation de vins espagnols, la Direction de la répression des fraudes (DGCCRF) a lancé une enquête en 2016 et 2017.

Selon la DGCCRF, les cas de francisation relevés lors de son enquête concernaient plus de 70.000 hectolitres de vin, soit l’équivalent de 10 millions de bouteilles de rosé.

Selon les établissements, les quantités de vin présentées frauduleusement allaient de 2.000 hectolitres à 34.500 hectolitres. «Des vins espagnols étaient ainsi revendus en vrac en tant que +vin de France+ voire en usurpant un nom d’IGP française», indique la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes dans son rapport d’enquête dévoilé lundi.

Au total, 743 établissements ont été contrôlés en 2016/2017: «22% des établissements visités en 2016 et 15% des établissements visités en 2017 faisaient l’objet de non-conformités allant de la présentation confusionnelle à la francisation», précise la DGCCRF.

Une fleur de lys, une cocarde française, la mention «Produced in France» ou encore la mention «Embouteillé en France» étaient mises en avant alors que la mention d’origine «Vin d’Espagne» ou «Vin de la communauté européenne» figurait au dos de la bouteille et de façon peu lisible, selon le rapport.

L’enquête de la répression des fraudes a été «étendue aux cafés, hôtels et restaurants pour vérifier notamment l’origine des vins vendus au pichet ou au verre», 2.414 établissements ayant été ainsi contrôlés.

Les enquêteurs ont constaté parmi les manquements «l’absence de mention d’origine du vin sur la carte des vins alors que la confusion est entretenue par l’utilisation de dénominations commerciales à consonance française», mais aussi «des francisations volontaires de l’origine», alors qu’il s’agissait de vin d’Espagne.

La raison de cette fraude ? «C’est une question de prix», répond à l’AFP Jérôme Despey, secrétaire général de la FNSEA et viticulteur dans l’Hérault. «Le rosé en vrac espagnol se vendait en 2016 autour de 0,35 euro le litre, au niveau français on était en moyenne à 0,85 euro le litre, ça allait du simple au double !», rappelle-t-il.

- Peines de prison -

Une distorsion de concurrence due en grande partie à d’importants excédents de production en Espagne en 2016, qui se sont traduits par des baisses de prix.

La situation s’est toutefois rétablie à la récolte 2017, très petite dans toute l’Union européenne, note M. Despey, pour qui ces contrôles vont «dans le bon sens»: «il faut continuer à avoir une pression des contrôles pour que des choses pareilles ne puissent plus se reproduire», a-t-il demandé, appelant également le gouvernement à mettre en place «un étiquetage plus clair sur l’origine des produits».

«J’ai demandé à la DGCCRF (..) de poursuivre ses contrôles dans le secteur de manière régulière», a assuré Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d’Etat à l’Economie, rappelant que la France est le deuxième producteur mondial de vin.

Cette guerre entre viticulteurs du sud de la France et espagnols s’était traduite par des tensions très fortes en 2017: les actions de viticulteurs pour protester contre ces importations s’étaient multipliées dans le Gard, l’Hérault, l’Aude et les Pyrénées-Orientales.

Les ministres de l’Agriculture français et espagnol s’étaient rencontrés il y a presque un an jour pour jour à Paris, pour tenter d’enterrer la hache de guerre. Cette rencontre a permis, depuis, la mise en place d’outils pour limiter la volatilité des prix, selon M. Despey.

Dans le cas des fraudeurs dépistés, des injonctions de mises en conformité, des procès-verbaux et des procédures pénales pour tromperie ont été lancés par la DGCCRF, qui précise que si «des manquements graves» ont été relevés, «pouvant porter sur de grands volumes», «les contrôles ont montré que la réglementation était correctement appliquée dans la majorité des cas».

«Les peines encourues en matière de pratique commerciale trompeuse sont de deux ans de prison et 300.000 euros d’amende, ce montant pouvant être porté à 10% du chiffre d’affaires moyen annuel, de manière proportionnée aux avantages tirés du manquement», indique la DGCCRF.