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Fête de la musique: Industrie ou PME de la musique locale

18 juin 2018, 22:25

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Fête de la musique: Industrie ou PME de la musique locale

La Fête de la musique, c’est le jeudi 21 juin. Si le secteur musical est des plus bouillonnants, quatre producteurs affirment qu’il reste l’un des plus mal lotis. Certains affirment qu’on ne peut pas encore parler d’industrie, mais que le terme «PME» serait plus approprié.

Jimmy Veerapin, Culture Events & Production : «Les ventes de Mr Love et Désiré François ont diminué de moitié»

Avec la baisse de vente des CD, la planche de salut, c’est le live. Concerts, mais aussi soirées d’entreprises, mariages, anniversaires. «Bizin trasé. Mo napa koné kouma lézot fer», dit Jimmy Veerapin.

Se produire au moins deux fois la semaine peut rapporter, «entre Rs 15 000 et Rs 20 000». Il regrette que l’État ne propose que «deux live par an, le Festival International Kreol et la fête de l’Indépendance».

Comparé à l’industrie du film, l’industrie musicale est délaissée, note-t-il. «Les ventes de chanteurs comme Mr Love et Désiré François ont diminué de moitié». Il affirme que la tranche d’âge encore susceptible d’acheter des CD est celle des 35 à 50 ans. «Après 50 ans, les gens disent qu’ils ne veulent pas écouter la musique des jeunes.» Les plus jeunes se tournent vers Internet et n’achètent pas de CD. «Demandez autour de vous combien de personnes ont acheté un CD original depuis le début de l’année.»

Les producteurs Gérard Louis et Richard Hein.

Stephan Jauffret-Rezannah, Jorez Box : «Quelle industrie ? C’est une PME de la musique locale»

«Il n’existe pas réellement une industrie musicale à Maurice. C’est plus une PME de la musique locale. Nous sommes plus proches du modèle artisanal que professionnel.» Stephan Jauffret-Rezannah est d’avis que nous cultivons «une philosophie de l’amateurisme. On trace sa route pour survivre et exister».

Selon lui, une jeune génération de producteurs travaille pour structurer le milieu musical et professionnaliser les acteurs culturels. Le but : «arriver à un modèle qu’on pourra appeler industrie musicale».

Il estime que la priorité, c’est la formation. «Le statut d’artiste n’aura tout son sens qu’après cette étape, pas avant.» Les maigres subventions de l’État force le milieu à ne compter que sur ses fonds propres et le secteur privé. Il souligne que le marché de musique mauricien (Momix) s’est fait avec le soutien du privé et de la Commission de l’océan Indien. Le marché de la musique à La Réunion (Iomma) est soutenu à plus de 50 % par l’État.

«Ici, les décideurs ne comprennent rien à la chose musicale, comment leur expliquer l’importance d’un marché de musique et le besoin de formations ?» Son espoir : les subventions du National Art Fund.

Gérard Louis de Geda Music : «Depuis quatre ans, mes activités de producteur ne sont plus rentables»

«Depuis quatre ans, mes activités de producteur ne sont plus rentables. Si mo ti gagn enn lot zafer ki raport plis, mo ti pou aret ar prodiksion». Constat accablant de Gérard Louis. Il fait les comptes pour un concert au J&J Auditorium. Location de la salle : Rs 575 000, son et lumière inclus. Pour des effets supplémentaires : Rs 50 000.

Le cachet des artistes qui tourne autour de Rs 180 000, dépendant de leur réputation. Les frais administratifs (Rs 33 000 pour la police, autour de Rs 45 000 pour l’ambulance, les pompiers et la MASA). En tout : Rs 883 000.

Sans oublier la location de la salle pour les répétitions et le transport à Rs 30 000, la collation pour toute l’équipe à Rs 20 000, la conception de l’affiche de l’événement à Rs 20 000 et les publicités à Rs 10 000. Total : Rs 943 000.

«La vente des billets ne couvre pas les frais», affirme Gérard Louis. Pour le J&J Auditorium, c’est 2 000 places payantes. Le reste est offert aux sponsors. Cela fait «600 places à Rs 500, 900 places à Rs 400 et 600 places à Rs 300». Recettes : Rs 840 000.

Richard Hein de Studio Kapricorn : «Le disque n’est plus un business, il est devenu une carte de visite»

«Faire des disques aujourd’hui, c’est pour continuer d’exister en tant qu’artiste et non pas pour se faire de l’argent», affirme Richard Hein. «Le disque n’est plus un business, il est devenu une carte de visite.» Une carte de visite qui coûte cher, mais qui est indispensable, selon le producteur.

Selon lui, la musique live n’est pas une solution à long terme. Un artiste qui a fait un tube reçoit plein d’invitations pendant un moment, après ce n’est plus le cas. «On ne peut pas dire qu’il y a vraiment une industrie musicale à Maurice. Le secteur est mal organisé, on se rapproche plus de l’artisanat que de l’industrie. Nous sommes encore amateurs.»

Richard Hein affirme que c’est pour trouver des solutions qu’il s’est porté candidat à l’élection du board de la MASA. Il a été élu dans la catégorie producteur. Il rappelle que depuis 1997, la loi concernant la diffusion publique n’est pas appliquée. L’application de cette loi aurait pu combler les pertes subies à cause de la chute de la vente des CD.

À l’officiel: Ce que les autorités proposent

Ce jeudi, jour de la Fête de la musique, aura lieu l’inauguration d’une médiathèque à la Bibliothèque nationale. Il s’agit d’une collection de 5 000 CD et DVD. La Bibliothèque nationale aura quatre ordinateurs où le public pourra écouter et regarder ces chansons. La médiathèque était l’une des mesures du Budget 2017-2018. Le but : préserver le répertoire de chansons folkloriques. Du séga, au geet gawai, en passant par le qawwali. Le conservatoire de musique François Mitterand propose une scène ouverte, le dimanche 24 juin, entre midi et 14 h 30. La journée se terminera par un concert gratuit à partir de 15 heures.