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Mondial-2018: en Australie, la longue route pour l’acceptation du football

14 juin 2018, 13:30

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Mondial-2018: en Australie, la longue route pour l’acceptation du football

Longtemps considéré comme un passe-temps pour immigrés, le football fait enfin partie du paysage sportif en Australie, mais tout n’est pas parfait pour autant.

Fin du XIXe siècle. L’Australie découvre, avec l’arrivée des migrants britanniques ou venant des rives de la Méditerranée, le football, ce sport encore méconnu du côté-là du globe. Pratiqué par les immigrés, le football ne joue pas encore dans la même cour que le rugby ou le cricket, bien plus populaires.

Après la seconde guerre mondiale, une nouvelle vague d’immigration européenne installe un peu plus le football en Australie. Ce qui n’empêche pas les clichés. Les migrants sont appelés «les wogs» (mot péjoratif qu’on pourrait traduire par «basanés») et le football moqué en «wogball».

Les médias assimilent déjà le supporter à un hooligan, toujours enclin à se battre. Le football? Un sport qui manque d’impact physique et qui souffre de la comparaison avec le rugby.

«Plutôt que le football, c’étaient les immigrés qui étaient visés par ces attaques», explique à l’AFP Roy Hay, historien spécialiste du football.

Pour comprendre la défiance locale envers le football, un livre résume la situation. «Sheilas, Wogs and Poofters» («Gonzesses, basanés et pédés») écrit par l’ancien joueur de football Johnny Warren, décédé en 2004.

«Sheilas, Wogs et Poofters représentaient les citoyens de seconde zone. Et si vous jouiez au football, vous étiez l’un d’eux», expliquait Warren. «Voilà comment le football était considéré à l’époque. Aujourd’hui (2004), c’est encore un peu ça».

- Génération dorée -

Pour le journaliste Les Murray, le regard des Australiens a changé avec la Coupe du Monde 2002, disputée en Corée et au Japon, qui a permis au pays de profiter de matches diffusés en prime time.

Malgré l’absence des Socceroos, les audiences TV avaient dépassé celles du rugby, prouvant ainsi l’intérêt du pays pour le football.

Quatre ans plus tard, en dépit de l’élimination de l’Australie en huitièmes de finale de la Coupe du monde 2006 face à l’Italie, sur un pénalty litigieux accordé en fin de match, Tim Cahill, Harry Kewell, Mark Viduka et les Socceroos étaient devenus des héros nationaux.

Dans le même temps, l’Australie avait quitté la zone Océanie pour rejoindre la zone Asie. Tout bénéfique pour sa sélection, et ses clubs qui pouvaient dorénavant participer à la Ligue des champions asiatique.

En parallèle, une révolution était en marche. Sous la houlette du président de la nouvelle fédération australienne (FFA), le milliardaire Franck Lowy, les clubs basés sur les origines (une pratique courante à l’époque) étaient bannis pour créer une nouvelle ligue de franchises (A-League).

Le but? Amener les fans de football à supporter leur équipe, plutôt que l’équipe censée représenter leur communauté. Pour mener à bien le projet, des joueurs de la trempe d’Alessandro Del Piero, David Villa, Robbie Fowler et Shinji Ono avaient été recrutés.

- Le foot, vecteur d’intégration -

La stratégie s’est avérée payante. Le football australien est devenu plus performant, et soutenu par de nombreux fans.

Mais en contrepartie du succès grandissant du football, certains ont été marginalisés. La fin des clubs communautaires dans le football australien a crée un sentiment de rejet chez quelques uns.

Pour Roy Hay: «Cela a eu un effet dévastateur sur les gens, parfois encore vivants, qui avaient popularisé le football depuis la seconde guerre mondiale».

Aujourd’hui, les nouvelles populations qui immigrent en Australie, principalement depuis l’Asie, l’Afrique et le Moyen-Orient, ne peuvent plus créer de clubs, comme l’avaient fait les Croates, Grecs ou Italiens avant eux.

Hay soulève la problématique de l’intégration: «Ces clubs créaient un lien avec la société australienne».

C’était aussi un vivier important de jeunes talents. «Le football est très présent dans ces communautés, mais malheureusement c’est en dehors de la FFA. A la place de profiter du système, des arbitres, ils jouent dans les parcs».

«Plutôt que de tourner le dos à son héritage, l’Australie devrait saisir cette opportunité, au niveau local, pour former des jeunes qui serviraient ensuite au haut-niveau», conseille Hay. En Australie, malgré sa popularité, le football a encore du chemin à faire.