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Irlande: vers un «oui» massif en faveur de l’avortement

26 mai 2018, 17:58

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Irlande: vers un «oui» massif en faveur de l’avortement

Le Premier ministre irlandais Leo Varadkar a salué samedi «l’aboutissement d’une révolution tranquille» en Irlande, pays catholique où le «oui» arrive largement en tête du référendum sur la libéralisation de l’avortement, selon les premiers résultats officiels partiels.

«Ce que nous voyons aujourd’hui, c’est l’aboutissement d’une révolution tranquille qui s’est déroulée en Irlande au cours des 10 ou 20 dernières années», a déclaré Leo Varadkar.

«Le peuple a dit que nous voulons une Constitution moderne pour un pays moderne, que nous faisons confiance aux femmes et que nous les respectons pour prendre les bonnes décisions concernant leur propre santé».

66,36% des électeurs se sont prononcés pour une libéralisation de la législation sur l’IVG, actuellement l’une des plus restrictives d’Europe, selon des résultats partiels portant sur quatre circonscriptions dépouillées, sur un total de 40. La participation s’élève à 62,18%.

Les résultats définitifs devraient être dévoilés en fin d’après-midi au château de Dublin, trois ans après la légalisation, par référendum également, du mariage homosexuel, qui avait déjà provoqué un séisme culturel dans ce pays de 4,7 millions d’habitants.

Le gouvernement a proposé d’autoriser l’avortement pendant les 12 premières semaines de grossesse, et jusqu’à 24 semaines pour raisons de santé. Leo Varadkar, premier chef de l’exécutif ouvertement homosexuel, a indiqué que la nouvelle législation serait en place «avant la fin de cette année».

Le ministre de la Santé Simon Harris a précisé à l’AFP que l’exécutif se réunirait mardi pour discuter du projet de loi avec l’objectif de le présenter «à l’automne» au Parlement, où il devrait être adopté sans difficulté, les chefs des deux principaux partis d’opposition, Fianna Fail et Sinn Fein, soutenant la réforme.

Fin de «l’âge des ténèbres»

Deux sondages de sortie des urnes publiés vendredi soir donnent le «oui» gagnant, l’un à 68%, et l’autre à 69,4%.

Selon l’étude de l’institut Ipsos/MRBI réalisée pour le journal Irish Times, il arrive largement en tête chez les femmes (70%) comme chez les hommes (65%).

Mais le changement de législation est particulièrement plébiscité chez les jeunes: ils sont 87% à l’avoir soutenu chez les 18-24 ans et 83% chez les 25-34 ans, tandis que les personnes de plus de 65 ans ont voté majoritairement contre (60%).

La fracture est moins nette qu’attendu entre les centres urbains (favorables à l’avortement à 71%, voire 77% à Dublin) et les zones rurales (60%) traditionnellement plus conservatrices.

«Nous nous sommes sortis de l’âge des ténèbres. Nous ne sommes plus un pays arriéré, comme l’Eglise voulait nous le faire croire», s’est réjouie Catherine Claffey, une fleuriste de Dublin âgée de 53 ans, auprès de l’AFP.

«Cela montre juste combien nous sommes progressistes», a commenté John Kelly, un Dublinois de 62 ans qui s’est dit «très fier».

«Immense désir de changement»

«Le vote pour le oui montre un immense désir de changement que personne n’avait prévu», écrit l’Irish Times. «La victoire de la campagne pour le oui semble n’être ni étroite ni basée sur quelques segments seulement de la société irlandaise».

Cora Sherlock, porte-parole de la «Pro Life Campaign», a elle fait part de sa déception. «L’avortement à la demande est une chose horrible à travers le monde, et maintenant il a été voté en Irlande», a-t-elle déploré. «C’est un jour désastreux pour nous».

Quelque 3,5 millions d’électeurs étaient appelés à se prononcer vendredi à l’issue d’une âpre campagne, dont un des grands axes fut la mobilisation de l’électorat, les militants anti-avortement tablant sur un sursaut de l’Irlande rurale, tandis que les pro-choix ont fortement encouragé les jeunes à voter.

La consultation posait précisément la question de l’abrogation du 8e amendement de la Constitution irlandaise, introduit en 1983, qui interdit l’avortement au nom du droit à la vie de «l’enfant à naître (...) égal à celui de la mère».

Après le décès de septicémie d’une femme enceinte, une réforme a été introduite en 2013 permettant une exception lorsque la vie de la mère est menacée.

Mais l’IVG reste interdite dans tous les autres cas, contraignant des dizaines de milliers de femmes à aller avorter à l’étranger au cours des trente dernières années.

La consultation, qui intervient à trois mois d’une visite du pape François en Irlande, traduit le déclin de l’influence de l’Église catholique, dont la puissante tutelle s’est érodée en raison des bouleversements économiques et sociaux. Elle paie aussi le prix des affaires de pédophilie impliquant des prêtres.