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Le combat de femmes noires brésiliennes au nom de Marielle Franco

12 avril 2018, 14:30

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Le combat de femmes noires brésiliennes au nom de Marielle Franco

L’assassinat de Marielle Franco le 14 mars dernier a suscité une vive émotion au Brésil et dans le monde, cette femme noire de 38 ans issue d’une favela de Rio de Janeiro ayant surmonté tous les obstacles pour devenir conseillère municipale.

Elle a été tuée de quatre balles dans la tête et son assassinat, toujours impuni, n’a fait que raviver la flamme d’autres femmes qui luttent pour dénoncer le racisme, les inégalités, l’homophobie et la violence policière.

Un mois après le drame, l’AFP a rencontré à Rio de Janeiro quatre femmes militantes qui représentent le renouveau de l’engagement politique au Brésil.

Buba, activiste de la favela

«C’est dur, on dirait que ma vie s’est arrêtée», affirme Buba Aguiar, 25 ans, entre deux sanglots, en voyant un reportage sur Marielle Franco à la télévision.

Depuis son assassinat, cette militante très active sur les réseaux sociaux a dû quitter la favela d’Acari, où elle vit, «pour des raisons de sécurité».

Étudiante en sciences sociales, Buba a dû prendre des précautions quand Marielle Franco a publié sur les réseaux sociaux une vidéo dénonçant la violence policière à Acari, quatre jours avant sa mort.

Malgré les menaces fréquentes, elle continue à critiquer fortement les forces de l’ordre.

«Je ne trouve pas que les policiers manquent de formation, bien au contraire. Ils sont formés pour poursuivre une politique d’assassinat des Noirs, des pauvres et de toutes les populations marginalisées».

«La situation va empirer, mais nous allons continuer notre combat pour honorer le sang versé», conclut-elle.

Marina, chanteuse de samba

«Je dis ce que je pense/ Je brandis des étendards»: les paroles de la chanson «Rueira» (de la rue) définissent la trajectoire de Marina Iris, qui n’hésite jamais à s’exprimer librement en musique sur les questions de genre, de race et de classes sociales.

«La musique a le pouvoir de parler à beaucoup de gens, c’est un instrument pour changer la société. En tant que militante, je ne me sens pas obligée de chanter uniquement des chansons engagées, mais je me sens utile quand j’arrive à toucher les gens».

Marina a participé à un projet commun avec quatre autres femmes noires, pour montrer «la diversité des trajectoires de chacune, pour sortir du stéréotype de la femme noire».

La chanteuse a pris part activement à la campagne qui a permis l’élection de Marielle Franco en 2016, distribuant des tracts et créant même un jingle.

«L’exécution de Marielle représente une tentative pour faire imploser un mouvement qui tend vers la diversité, vers une société plus égalitaire. Mais le symbole que Marielle est devenu nous donne de la force».

Thula, professeure d’université

Thula Pires est la seule professeure de droit noire de la PUC-Rio, prestigieuse université privée et catholique où Marielle Franco a étudié la sociologie.

A 38 ans, elle ne se sent pas à l’aise dans le milieu universitaire, qu’elle fréquente pourtant depuis 15 ans.

Elle se dit «en transit» entre la dure réalité de Sao Gonçalo, banlieue pauvre de Rio où elle a grandi et vit encore aujourd’hui, et cette faculté majoritairement fréquentée par de jeunes Blancs des quartiers chics.

«Pourquoi les gens nous regardent de travers? Je vis dans un pays où plus de la moitié de la population est comme moi», s’insurge-t-elle.

«Effondrée» après l’assassinat de son amie, cette jeune femme souriante aux longues tresses africaines assure qu’elle a «perdu beaucoup de choses, y compris la peur».

Même si elle avoue avoir été déconcertée quand sa fille de cinq ans lui a demandé: «Maman, ils vont te tuer toi aussi?».

J.Lo, plasticienne

J.Lo Borges, plasticienne et militante LGBT née dans le quartier populaire d’Iraja, au nord de Rio, se sentait représentée par Marielle Franco à un point qu’elle n’aurait jamais imaginé dans la politique brésilienne.

«Aujourd’hui, je n’arrive pas à faire de l’art sans connotation politique. Je tente toujours de donner plus de visibilité à la cause lesbienne», explique-t-elle.

Également grapheuse et tatoueuse, elle offre toujours des prix réduits à ses clientes noires.

Elle tente aujourd’hui de «faire vivre ses idéaux» grâce à des ateliers d’art et des événements culturels, sans savoir toutefois «comment gagner la sphère politique».

Depuis la mort de Marielle, elle se sent plus vulnérable que jamais. «Depuis que j’ai 15 ans, les gens changent de trottoir en pensant que je vais les voler».