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Dean Ah Chuen: «L’industrie automobile évoluera grandement dans les 10 à 15 ans»

29 mars 2018, 00:30

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Dean Ah Chuen: «L’industrie automobile évoluera grandement dans les 10 à 15 ans»

Le directeur exécutif d’ABC Automobile profite de la bonne performance en 2017 de la vente de Nissan, une des marques que propose sa société, pour aborder des problématiques associées au marché de l’automobile à Maurice, dont la stratégie en matière de nouveaux modèles, le poids du concessionnaire face aux fabricants, l’impact du Metro Express sur la vente de voitures privées.

Cette année encore, avec une performance de 2017 unités, ABC Automobile sort en tête de liste des vendeurs de voitures. Comment devient-on le n°1 de ce marché extrêmement compétitif ?

Ce n’est pas un hasard que Nissan soit la marque la plus vendue à Maurice pour la 18e année avec un total de 1 694 véhicules écoulés en 2017. Cette performance confirme que les consommateurs continuent à faire confiance à Nissan. Le design, le marketing et les équipements de série sont, certes, des facteurs importants mais la fiabilité, la valeur de revente et notre proximité avec le client sont les mots clés qui reviennent sur toutes les lèvres dès que la marque Nissan est évoquée. Il y a aussi la fierté de développer des affinités avec une marque gagnante.

«Au cas où le «rapid transit system» prouve son efficacité, les gens pourraient bien être amenés à moins utiliser leur voiture.»

La force et la différence d’ABC Motors et, par ex- tension, la division automobile du groupe ABC, se sont construites sur la qualité du service et du service aprèsvente. Ce contact humain que nous engageons chaque jour avec notre clientèle, nous le devons beaucoup à nos employés qui apportent, chacun à sa façon et dans sa dis- cipline, cette petite touche qui fait toute la différence. Le service reste donc un élément clé de notre chaîne opérationnelle et de notre modèle économique. Mais nous ne dormons pas sur nos lauriers, nous restons à l’écoute du client et nous savons que nous devons sans cesse nous améliorer. C’est ça notre philosophie de kaizen, et notre volonté à donner le meilleur à nos clients n’a d’égale que notre passion pour l’automobile.

Votre performance en tant que concession- naire de voitures de cette marque, entre autres, permet de constater que les Japonais dominent le marché local. Pourquoi cet intérêt, sinon cette pré- férence, pour les marques japonaises ?

La fiabilité et le coût d’entretien restent les facteurs clés. Les utilisateurs à Maurice ont réalisé que la promesse de garantie d’une voiture sur papier peut être différente de la réalité. Et quand arrive le moment de la revente, les voitures japonaises ont toujours la cote. De plus, les pièces de rechange originales sont proposées à des prix très compétitifs permettant des économies aussi bien au moment de l’achat que sur le long terme. Au-delà des goûts et des désirs en matière d’automobile, l’aspect finan- cier à long terme est un facteur essentiel pour les familles mauriciennes. Pour résumer, le facteur déterminant c’est le coût d’entretien et non pas le prix d’acquisition. Parmi les Japonaises, Nissan émerge, comme les chiffres tendent à le démontrer, pour un taux de satisfaction globale supé- rieur chez l’utilisateur.

«Nissan voulait faire de maurice un exemple de la mobilité zéro émission. malheureusement, quelques académiciens n’ont pas vu le véritable potentiel et on a tergiversé pour signer le protocole d’entente.»

Venons-en à un point qui, de notre avis, devrait constituer une source de réflexion. Lorsque vous importez des voitures, votre motivation se limiterait-elle à votre performance de marché ?

Que ce soit avec Nissan, Porsche ou les autres marques que nous commercialisons, nous avons des objectifs fondés sur le court et long terme avec des straté- gies définies où le lancement de nouveaux modèles est un facteur très important. Par exemple, quand nous avons démarré la commercialisation de Porsche en 2009, nous nous étions fixé l’objectif de 12 véhicules sur l’année. Aujourd’hui, nous avons la capacité de faire le même chiffre en un seul mois et, avec plus de 200 Porsche sur nos routes, notre atelier roule à plein temps.

Beaucoup de clients s’interrogent sur les modèles qui ne sont pas commercialisés dans le pays. Il faut savoir que le marché mauricien est quand même limité. Avant de dé- cider de la commercialisation d’un modèle, nous devons étudier le potentiel de ventes car le stockage des pièces de rechange pour différentes parties d’une voiture, y compris la carrosserie, peut s’avérer difficilement soutenable s’il n’y a pas de volume. C’est ce qui, d’ailleurs, fait la dif- férence entre un concessionnaire agréé et un simple commerçant de voitures qui, lui, n’a pas ce souci.

Quelles sont les considérations qui auraient pu entrer en jeu et qui, pour une raison ou une autre, ne peuvent pas faire partie de votre straté- gie de marketing ?

Ce sont toujours les facteurs externes, et il faut être très prudent quand il s’agit d’investir dans de gros projets à Maurice. Comment va réagir l’État est toujours la grande interrogation. Prenez, par exemple, le lancement de la Nissan Leaf, la première voiture électrique, à Maurice en 2012. En devenant la première voiture électrique dans l’hémisphère Sud, Nissan voulait faire de Mau- rice un exemple de la mobilité zéro émission. Malheureusement , quelques académiciens de Maurice île durable n’ont pas vu le véritable potentiel de la voiture électrique et on a tergiversé pour signer le protocole d’entente avec Nissan. Singapour, avec un an de retard, nous a finalement devancés et a bénéficié de tout le know-how et du potentiel de Nissan par rapport aux avantages et implications de la voiture électrique.

Autre exemple : le métro léger. En 2014, on annonce l’abandon du projet au profit de l’option Bus Lane. On parle même d’un potentiel de 500 nouveaux autobus pour la CNT. Suivant cette annonce, en bon entrepreneur ABC Automobile entame les démarches pour étudier la faisabilité de la mise en place d’une unité d’assemblage d’autobus à Maurice avec un vrai potentiel de création d’emplois et d’exportation sur l’Afrique de l’Est. Avec un potentiel de quelque 1 000 unités par an, c’est un projet faisable. On démarre même le projet avec la venue d’une dizaine d’experts du constructeur Yutong et on réalise l’assemblage de deux autobus semi-low-floor à Maurice. Avec la réintroduction du projet Metro Express, l’assemblage d’autobus modernes à Maurice n’est plus d’actualité. Ce sont là des projets qui méritent non seulement l’attention mais aussi la détermination de l’État.

L’entrée en opération du Metro Express risque-t-elle de faire chuter l’intérêt des Mauri- ciens pour les voitures ?

Chez ABC Automobile, nous ne pensons pas que le passenger car continuera à cohabiter en bonne intelligence avec tout mode de transport de masse, quel qu’en soit le type. Le Metro Express, n’étant qu’une alternative au transport en commun par autobus, ne fera aucune concurrence à la voiture. Ce sont deux modes de mobilité complètement différents, avec chacun sa pertinence dépendant des besoins de l’usager.

«la force et la différence d’abc motors et, par extension, la division automobile du groupe abc, se sont construites sur la qualité du service et du service après-vente.»

En matière de voiture privée, il faut bien faire la dis- tinction entre la possession et l’usage. Au cas où le «rapid transit system» prouve son efficacité, les gens pourraient bien être amenés à moins utiliser leur voiture. Cependant, ils n’hésiteront pas à la sortir du garage dès qu’ils réalisent qu’il leur faudra rentrer l’après-midi avec des courses à faire ou pour faire un crochet par le gymnase. En week-end, la voiture reprendra ses droits pour des sorties en famille. La voiture procure une autonomie vis-à-vis de son temps. C’est l’utilisateur qui décide du mo- ment où il souhaite se déplacer. Par ailleurs, les Mauriciens voudront préserver cet avantage qui consiste à pouvoir véhiculer les personnes vulnérables (enfants en bas âge et personnes malades, en situation de handicap ou âgées).

Quel serait l’impact sur le marché automobile si, dans le but de réduire les facteurs qui contribuent à envenimer le problème de bouchons, le gouvernement décidait d’introduire cer- taines mesures drastiques – dont une hausse du coût des vignettes, l’instauration d’un système de péage progressif par rapport aux risques d’embouteillage, le recours à un système de circulation alternée basé sur plusieurs critères dont le numéro d’immatriculation pair/impair, la restriction de circulation – associées au degré de la propension des véhicules à polluer l’environnement ?

La réglementation des activités de l’ensemble d’un secteur ou d’une activité spécifique n’est pas forcément synonyme de restriction ou d’interdiction. Si les pouvoirs publics considèrent que certaines mesures peuvent contribuer à rationaliser un usage devenu trop encombrant, celles-ci doivent être encouragées. Aujourd’hui, à Maurice, face aux multiples effets qu’entraîne l’accrois- sement vertigineux du parc automobile, la rationalisation de l’usage peut être une bonne chose. Mais devenir propriétaire d’un véhicule doit toujours être un droit personnel irrévocable. Toutes les mesures – si je me fie à la liste que votre question énumère – ne sont pas applicables dans toutes les situations. Chacune mérite une attention au cas par cas. Dans n’importe quel cas de figure, je ne vois personne remettre en cause l’utilité d’un véhicule du fait qu’il est appelé à rester parfois au garage. Avec l’arrivée de la voiture électrique, de la voiture autonome et des drones, l’industrie automobile va subir sa plus grande transformation dans les 10 à 15 prochaines années. Étant directement impliqués, nous suivons de très près tout ce qui se passe et nous nous y préparons car il y aura certainement des implications sociales. D’autre part, de nou- velles opportunités vont se présenter et il nous faudra un gouvernement visionnaire pour faciliter cette transition. Permettez-moi ici de citer Charles Darwin : «it is not the strongest of the species that survive, nor the most intelligent, it is the one that is most adaptable to change». On ne va certainement pas aller se plaindre sur tous les toits que nos 1 500 emplois sont menacés si on ne s’adapte pas pour ne pas périr.