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Réseaux ferroviaires: le dernier survivant

13 mars 2018, 02:30

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Réseaux ferroviaires: le dernier survivant

Seesaram Suntah marque un temps d’arrêt. Il tient à nous expliquer comment fonctionnait le MGR. «Bann zenn zamé pou koné kouma travay ti été sa lépok-la.» Plaine-Lauzun était le lieu où toute la maintenance se faisait sur les locomotives. Pendant le siècle où les locomotives ont sillonné le pays, ce «garage» n’a pas «dormi» un seul moment. Il y avait toujours une pièce à changer, une autre à nettoyer, encore une autre à forger. «On devait travailler tous les jours. C’était cinq années sans congé. Évidemment, le premier qui rechignait se voyait débarquer.» Il a fallu attendre 1944 pour qu’il y ait un semblant de première grève. Mais la vie ne s’arrêtait pas qu’au travail. Les lundis et samedis, Seesaram Suntah poursuivait ses études. Après la forge, il a connu les réparations des machines, la mécanique et la fabrique de pièces de rechange.

Salaire de… 50 sous

Ses stages sont rémunérés. Il commence avec 50 sous par jour. Après cinq ans, son salaire passe à Rs 1,75. «J’étais le premier non ‘fils de’ qui a pu accéder aux postes à responsabilités», se remémore-t-il, non sans une pointe de fierté. Après l’apprentissage, il est promu au poste d’Assistant Train Foreman Task 2. Il lui incombe de vérifier que les trains sont en état, de préparer les emplois du temps des locomotives, des travailleurs. À la fermeture du MGR Seesaram Suntah est Assistant Locomotive Carriage et Wagon Inspector, autant dire un chef. Mais en 1964, la compagnie ferme. «J’ai reçu ma feuille de route en 1965.» En un instant, ses yeux se remplissent de larmes. Ses rides se creusent un peu plus. Il est contraint de changer de vie…

Garrath, Dragons, Cabris…

Malgré le demi-siècle écoulé, Seesaram Suntah parle des trains avec la même passion. Dès qu’il évoque des Garrath, des Dragons et des «Cabris», son débit s’accélère. Tant et si bien que, par moments, il faut lui rappeler qu’on n’a pas de train à prendre. L’âge n’a en rien altéré ses souvenirs. «Les Garrath étaient les trains qui avaient la plus grande capacité. Le pays en comptait trois et ils étaient numérotés 60 à 62.» Les Dragons étaient moins grands ; il y en avait quatre au total. Numéro 37, 39, 40 et 42.

Quid des «Cabris» ? C’était une toute autre histoire, relate Seesaram Suntah. Il s’agissait de petits trains sur lesquels les futurs employés s’en­traînaient. «Sa bann trin-la zamé ti pé kit lakour mem sa.» De quelle cour parle-t-il ? Il nous éclaire, photo à l’appui.

Apiyé sofer pa dormi

Le premier bus qui a roulé dans l’île comme transport public date de 1922. Le nom du propriétaire est inconnu, mais l’on retient qu’il faisait la route de la capitale au nord de l’île. Puis, l’histoire reprend avec Juggarnath Goburdhun, fondateur de Rose Hill Transport (RHT). À l’époque, il a un bus nommé «Ranjeet» et dessert la route de Rose-Hill à Port-Louis. Mais il n’est pas seul sur cette route. Trois autres opérateurs desservent la même route. Il s’agit de Goolam Kureeman, dont le bus s’appelle «Coronation», Ah Cham Kem Sin et Georges Richard Coombes.

En 1952, Juggarnath Goburdhun rencontre les trois opérateurs et Michaël Leal et fonde Route Number One Bus Service. La première compagnie représentant tous les Mauriciens voit le jour. Cette année-là, 615 000 passagers voyagent à travers la flotte de ses cinq bus. L’île compte alors 192 détenteurs de permis d’autobus. Quelque temps après, la compagnie est rebaptisée RHT et garde le même nom jusqu’à présent. Le 8 juillet 1962, la compagnie introduit le premier bus à impériale de l’île.

1961. Le réseau ferroviaire vit ses derniers moments car les passagers ont définitivement adopté le bus. La flotte de RHT compte 20 autobus et transporte 3 174 559 passagers. L’année suivante, lorsque le train quitte définitivement le paysage, ce chiffre grimpe d’un million. Le réseau rou­tier a eu raison du train. En 2018, la même compagnie est obligée de se réinventer à cause de l’introduction du métro. Mais qu’importe. Elle a été la première à introduire les bus de luxe en 1963, à intégrer les employés dans l’actionnariat en 1971, à introduire le paiement cashless et à installer le Wi-Fi pour les usagers. La réinvention est dans l’ADN de RHT.

Comme le transport routier est la nouvelle mode, d’autres opérateurs suivent le modèle de Route Number One Bus Service. En 1954, plusieurs opérateurs se regroupent pour créer United Bus Service (UBS), avec une trentaine de bus dans la flotte. Aujourd’hui, la compagnie compte plus de 300 bus et une soixantaine de lignes. «Au début, la compagnie n’avait que des routes intra-urbaines dans la capitale», explique Yusuf Sairally, Traffic Manager à UBS, avec 40 ans au compteur. Par la suite, avec le développement du pays, des lignes sont rajoutées. «Lorsque les régions de Tranquebar et Vallée Pitot ont commencé à être habités, on a dû y rajouter des bus. D’autres lignes, par exemple à la Rue Pagoda, ont été abandonnées.» La première longue route de la compagnie est Port-Louis–Curepipe. Et par la suite, d’autres régions du Sud, comme Mahébourg et l’Escalier, sont desservies.