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Arménie: élection d’un nouveau président aux pouvoirs amoindris

2 mars 2018, 10:20

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Arménie: élection d’un nouveau président aux pouvoirs amoindris

Les députés arméniens élisent vendredi un nouveau président au rôle rendu protocolaire par une réforme constitutionnelle, dénoncée par l’opposition comme visant à maintenir au pouvoir l’actuel chef de l’Etat.

Ce vote est le premier depuis l’abolition en 2015 du suffrage direct à la présidentielle et la transformation de ce petit pays du Caucase en république parlementaire, où le pouvoir exécutif réel sera désormais entre les mains du Premier ministre.

Le seul candidat pour ce nouveau poste de président est l’actuel ambassadeur arménien en Grande-Bretagne, Armen Sarkissian, 64 ans, qui devrait sans surprise rassembler en sa faveur les 79 votes sur 105 nécessaires à son élection.

La candidature d’Armen Sarkissian, ancien professeur de physique à l’université de Cambridge qui a également brièvement été Premier ministre entre 1996 et 1997, a été proposée par le parti au pouvoir, le Parti républicain.

Les opposants au président actuel, Serge Sarkissian, qui partage le même nom que son probable successeur sans lui être lié, affirment que la réforme constitutionnelle de 2015 n’a été conçue que pour maintenir son influence dans la vie politique du pays.

Cette réforme, qui fait passer l’Arménie d’une gouvernance présidentielle forte à un régime parlementaire, «a été introduite pour que le parti au pouvoir et son chef Serge Sarkissian restent au pouvoir indéfiniment», estime le politologue Stefan Safarian auprès de l’AFP.

«Serge Sarkissian veut rester aux commandes» et occuper le poste de Premier ministre, aux pouvoirs renforcés, une fois qu’il aura quitté celui de président le 9 avril, ajoute-t-il.

Serge Sarkissian n’a pas publiquement confirmé vouloir devenir Premier ministre, mais il avait promis lors d’une interview avec l’AFP l’année dernière de «rester actif» après la fin de son mandat présidentiel, avec dans l’idée de continuer à influencer la vie politique arménienne en tant que chef du Parti républicain.

Ancien officier militaire, Serge Sarkissian, 63 ans, est aux commandes de l’Arménie depuis 2008 après avoir déjà été Premier ministre en 2007-2008. Sa première victoire à la présidentielle avait été émaillée d’échauffourées entre manifestants et policiers, qui ont fait 10 morts. Il a remporté un second mandat en 2013.

Super Premier ministre

Le Parti républicain, pour sa part, présente la réforme comme une mesure destinée à consolider la démocratie en Arménie en renforçant le rôle de l’opposition et améliorant l’équilibre entre les pouvoirs législatif et exécutif.

«La démocratie signifie la distribution du pouvoir, le renforcement des différentes forces politiques et le contrôle parlementaire sur le gouvernement. C’est le but de la réforme», a affirmé à l’AFP le porte-parole du parti et vice-président du Parlement, Edouard Charmazanov.

«L’opposition va avoir davantage de leviers pour influencer le processus politique. Nous avançons vers une forme de gouvernance plus démocratique», a-t-il plaidé.

Les amendements constitutionnels, qui doivent entrer en vigueur après la fin du second et dernier mandat de Serge Sarkissian en avril, ont été adoptés par referendum en décembre 2015 et avaient provoqué des manifestations de protestation.

Près de deux tiers des votants ont approuvé les changements, qui attribuent au président un rôle protocolaire. Il sera élu par le Parlement pour un mandat de sept ans au lieu de cinq ans actuellement.

L’opposition avait dénoncé de nombreuses irrégularités lors de ce vote et appelé les Arméniens à descendre dans la rue, tandis que les observateurs du Conseil de l’Europe ont noté des allégations d’achat de vote et de bourrage d’urnes.

Si le futur président arménien n’aura quasiment aucun pouvoir réel --il ne sera même pas membre du Conseil de sécurité du pays--, c’est lui qui choisira le prochain chef du gouvernement, dont la candidature sera avancée par le parti au pouvoir.

Le Premier ministre aura par contre les fonctions de commandant-en-chef de l’armée.

«Tout est fait pour que les pouvoirs détenus actuellement par le président soient transférés à un futur Premier ministre. Tout est fait pour créer l’institution d’un super Premier ministre», a dénoncé le député d’opposition Edmon Maroukyan.