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Eliézer François: «L’État ne doit pas humilier les citoyens»

3 février 2018, 17:00

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Eliézer François: «L’État ne doit pas humilier les citoyens»

Même après un long et riche parcours en politique, dans le syndicalisme et dans l’enseignement, Eliézer François trouve toujours des raisons de s’engager. L’infatigable senior qui a grandi à la Saline, à Port- Louis, se retrouve sur plusieurs fronts à la fois. Pourtant, il vient de fêter ses 82 ans, le 8 janvier.

Eliézer François milite aux côtés des Zenfan Rosbwa, qui veulent être embauchés dans le port. Il accompagne les petits commerçants de Rose-Hill qui se sentent lésés. Et il fait des revendications au nom des descendants d’esclaves. À ce sujet, il tient à apporter une précision : «Je ne suis pas contre un Musée de l’esclavage, mais j’estime que la priorité est une action vigoureuse pour aider les descendants d’esclaves à sortir de la pauvreté.»

L’ancien ministre s’insurge contre le traitement infligé par la police à David Gaiqui, le prévenu dénudé et enchaîné à une chaise au poste de police de Curepipe. «L’État ne doit pas humilier des citoyens ainsi», proteste le retraité.

Il affirme que son entrée en politique est un accident de la vie. «En 1962, je me suis engagé seul pour dénoncer une injustice de l’État à l’égard de ma famille. Depuis, je me bats pour les autres», dit-il. Parmi ses batailles, l’on retrouve, au début des années 60, la construction de la New Trunk Road, aujourd’hui l’autoroute M1.

La famille François possède une petite maison fraîchement rénovée, grâce à un emprunt bancaire. La propriété se trouve en bordure du tracé, non loin du Collège Royal de Port-Louis. «Le 17 décembre 1962, deux semaines après le décès de mon père, des fonctionnaires sont venus jeter nos meubles à la rue.» Un souvenir douloureux.

Eliézer François, jeune enseignant à l’époque, proteste. Il se porte candidat aux élections générales de 1963. «Lors d’une réunion chez Joseph Tsang Man Kin, avec mon ami de La Saline, Jean-Georges Prosper, aussi en lice, nous avons décidé de fonder le Parti libéral.»

Puis, en 1964, Guy Balancy est nommé secrétaire parlementaire à l’Éducation. Le député de Port-Louis démissionne du conseil municipal. À la partielle qui s’ensuit, Eliézer François est élu. Il reçoit l’investiture du Parti travailliste (PTr) à Beau-Bassin– Petite-Rivière, en 1967, et se retrouve député correctif.

Le nouvel élu pratique la proximité. Il joue au volley-ball avec des jeunes de La Saline. C’est lors d’une de ces rencontres que deux dockers l’approchent. «Aidez-nous à mobiliser les travailleurs du port», lui disent-ils.

Ainsi commence l’engagement syndical du portlouisien. «Bérenger est arrivé après. À ses débuts, il était venu me voir au Saint John College pour me proposer de faire un front commun syndical», se rappelle l’ex-syndicaliste.

Aider les autres

Eliézer François et Paul Bérenger n’auront que deux rencontres. La deuxième a lieu aux Casernes centrales, en 1972. «Royln Seeboruth et Ramduth Jaddoo m’ont rencontré au restaurant Fort William, à La Saline. Ils sollicitaient un soutien à Paul Bérenger et d’autres militants emprisonnés. Je suis allé voir sir Seewoosagur Ramgoolam, qui a demandé au commissaire de police de m’autoriser à rencontrer le détenu politique pour le rassurer.» Paul Bérenger, lui, a déjà dit ne pas s’en souvenir. Eliézer François n’en fait pas une maladie pour autant.

À cette époque, des législations liberticides sont présentées par le gouvernement. Eliézer François affirme que, fidèle à ses principes, il s’abstient au moment du vote sur l’Industrial Relations Act et la Public Order Act. Il perd ainsi son poste de Deputy Chairman of Committees et quitte le PTr pour rejoindre l’opposition.

Plus tard, Gaëtan Duval, révoqué de la coalition, s’y retrouvera également. C’est ainsi qu’Eliézer François sera candidat du Parti mauricien socialdémocrate (PMSD), dans la circonscription no20, en 1976. Élu, il devient ministre du Logement et chef de file du PMSD au Parlement.

En juin 1982, le premier 60-0 emporte tous les députés sortants. Deux ans après, Eliézer François, peinant à trouver du travail, s’installe en Australie. Il y reste pendant 15 ans et sera même Justice of the Peace de sa ville. À la fin des années 90, la famille François rentre au pays. Très vite, le battant retrouve son naturel. Il se remet au service des nécessiteux. Et il n’est pas prêt de s’arrêter. «Nous menons d’autres luttes, notamment celle pour que le lundi de Pâques soit déclaré jour férié, parce que Pâques est le fondement de la religion chrétienne.»

Son parcours

  • 1961 – Obtient son BA Honours (London) après des cours par correspondance
  • 1962 – Manifeste contre la démolition de sa maison pour faire place à l’autoroute
  • 1963 – Candidat battu dans la circonscription no1
  • 1964 – Élu conseiller à Port-Louis après une partielle
  • 1967 – Député correctif à Beau-Bassin–Petite-Rivière
  • 1969 – Crée le Saint John College à Beau-Bassin
  • 1976 – Élu à Beau-Bassin–Petite-Rivière
  • 1976-82 – Ministre des Terres et du logement
  • 1982 – Candidat battu aux élections générales
  • 1984 – Émigre en Australie
  • 1999 – Retour au pays.