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Armand Tadebois: «L’accès à la montagne du Morne sera bientôt payant»

1 février 2018, 11:35

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Armand Tadebois: «L’accès à la montagne du Morne sera bientôt payant»

Nommé président du Morne Heritage Trust Fund en septembre 2017, Armand Tadebois affirme que l’un des projets à l’étude, dans le cadre du prochain exercice budgétaire, est de rendre l’accès à la montagne du Morne payant.

Vous êtes très actif dans le social – président de l’APEIM, trésorier de Caritas – est-ce une orientation sociale que vous souhaitez donner au Morne Heritage Trust Fund ?

Notre mission, selon la loi, est de promouvoir le site, sur le plan national, régional et international. Quand j’ai été approché, honnêtement, je ne me suis pas posé la question, si c’était pour des raisons sociales ou politiques. J’ai regardé ce que disait la loi, j’ai trouvé cela intéressant de travailler pour le pays.

Vous avez été nommé en septembre 2017…

Je suis en poste depuis octobre.

Quelle a été votre première décision ?

La première chose était de faire un état des lieux. Comprendre tout ce qui a été fait dans le passé, comprendre les rouages de l’institution. Ensuite, j’ai rencontré les membres du conseil d’administration, pour identifier les projets et atteindre nos objectifs.

L’état des lieux est terminé ?

Oui, nous entrons de plain-pied dans la concrétisation des projets.

Quelles sont vos priorités ?

D’abord de promouvoir Le Morne auprès de tous les Mauriciens, particulièrement auprès des descendants d’esclaves. Leur donner l’occasion de commémorer la mémoire des ancêtres, de marcher dans leurs pas. Comprendre ce qu’ils ont vécu. C’est un peu comme un pèlerinage qu’on, ferait au caveau du Père Laval ou ailleurs. C’est un pèlerinage dans une histoire de la résistance.

Concrètement, cette promotion aura quelle forme ?

Nous avons le projet de reconstituer un ancien village d’esclaves à Trou Chenille.

S’agit-il de l’open air museum ?

Exactement. Très bientôt nous allons préparer le cahier des charges. Nous allons inviter la société civile, les entreprises à investir, pour créer le village et aussi le gérer, selon un certain standard. Ce village s’inscrit dans le cadre du tourisme culturel.

Le design de ce village existe-t-il déjà ?

Le design est prêt.

Le ministère des Arts et de la culture a récemment lancé un appel à candidatures pour recruter un consultant pour ce projet, parmi d’autres.

Le projet est défini, il devra être peaufiné par ceux qui feront une offre.

À combien est estimé ce village d’esclaves ?

Le projet a été estimé à Rs 3,5 millions. Mais je présume que les investisseurs potentiels vont l’étoffer, l’embellir et que cela coûtera plus.

Est-ce que l’État va contribuer en partie et le secteur privé mettra le reste ?

Ce n’est pas dans cette direction que nous allons. C’est le privé qui va investir et gérer le projet, selon un contrat établi avec Le Morne Heritage Trust Fund. Fort probablement, le trust aura une boutique de souvenirs dans ce village. Nous serons le régulateur du projet. Il faudra trouver l’équilibre avec les intérêts économiques du gérant, qui lui va créer de l’emploi à des personnes du Morne et des environs.

Combien d’emplois potentiels ?

À ce stade, c’est encore difficile à dire.

Qu’est-ce qu’il y aura dans ce village d’esclaves ?

C’est pour montrer comment vivaient les gens à l’époque. Ce sera aussi un live museum, avec des figurants pour montrer la cuisine, la musique, la culture ancestrale dans son ensemble. Un tableau vivant, on va dire. Là aussi, cela va créer des emplois.

Quand ce village d’esclaves ouvrira-t-il ses portes ?

Nous n’avons pas de deadline. Ce sera fait en deux étapes : l’appel à projets dans les deux mois qui viennent. Nous nous faisons aider bien sûr par des compétences du secteur touristique. Je précise, ce n’est pas des hôteliers. Ils nous aident à préparer le cahier des charges. Il y aura une shortlist et un second appel d’offres entre ceux qui auront été retenus.

Il y a aussi des projets économiques et sociaux, bénéfiques à la communauté et ses environs, que nous devons considérer.

Des exemples ?

Des promoteurs ont soumis des projets de développement sur des terres privées. Cela doit passer devant un buffer zone management committee, avant d’être examiné par le conseil d’administration. Par exemple, il y a des campements de chasse, des green village. Nous pensons aux ancêtres, mais il faut aussi penser aux descendants.

On entend parfois des habitants du Morne dire que malgré le patrimoine mondial à côté d’eux, c’est toujours un petit village enclavé. On entend aussi : «Trust Fund la ki linn fer pou nou ?» Avezvous senti ce type de réticences ?

Pas vraiment. Prenez les commémorations du 1er-Février qui se font d’habitude à la plage publique du Morne. Elles auront lieu cette fois dans le village.

Cela va plus loin que le symbole ?

Cela relève de quelque chose de plus profond. C’est suite aux demandes des habitants.

Ils ont frappé à la porte du trust fund pour dire cela ?

Ils n’ont pas frappé à la porte mais ont fait savoir qu’ils auraient souhaité que cela se fasse dans le village. Depuis que je suis en poste, plusieurs activités ont eu lieu dans le village : la soirée de sega typik du Festival Kreol, le lancement d’un document de l’Unesco sur comment gérer les sites. Il y a une relation entre le Trust Fund et les villageois.

N’oublions pas que nous gérons aussi l’école de séga avec Frico Labelle. Cinq élèves de cette école ont participé au Festival Kreol à Rodrigues, en décembre dernier. Il y a des choses qui se font. Je ne pointe jamais du doigt mes prédécesseurs. Chacun fait au mieux. Je regarde vers l’avenir, vers les projets. Il y a même quelqu’un qui a suggéré des cours de natation, parce que des enfants du Morne ne savent pas nager.

Il y a aussi le volet formation. Cela vient un peu de mon engagement auprès de Caritas. Par exemple, une formation en pâtisserie.

Le trust fund va proposer ces formations ?

Pas nécessairement nous, mais une ONG qui nous a approchés et qui souhaite le faire. Elle fera le lien entre la demande dans les hôtels et proposer des formations appropriées, comme serveur ou room service. Il y a beaucoup d’hôtels dans les environs et les villageois peuvent trouver de l’emploi. Je connais le bénéfice que cela peut rapporter à la communauté. Mon but c’est de développer non seulement le village du Morne, mais aussi les environs. C’est la formation et l’éducation qui vont nous sortir de l’enclavement.

Autre reproche souvent entendu des habitants : les demandes pour opérer des tables d’hôtes n’ont pas abouti

Honnêtement, je n’ai pas vu de demandes. J’ai vu d’autres projets en attente d’être approuvés. Je ne vais pas entrer dans les détails. Ces projets à venir plus le village d’esclaves, tout cela va créer de l’activité.

En sus du village d’esclaves, il est aussi question d’un musée du marronnage au Morne. Où en est le projet ?

Cela se fera dans un deuxième temps, dans le long terme. Un terrain de cinq arpents a déjà été alloué au trust fund.

Votre mandat est de trois ans ?

J’espère que ce sera avant les trois ans.

Venons-en à l’accès à la montagne, qui a suscité quelques polémiques. Le Morne est ouvert au public depuis juillet 2016. Un an et demi plus tard, faut-il changer certaines des dispositions actuelles ?

Oui. Tout cela doit s’articuler à terme avec le village d’esclaves.

Il faudra passer par le village d’esclaves pour escalader la montagne ?

C’est cela le souci. Tout le monde n’est pas obligé de passer là, il y a d’autres accès par des terres privées. Nous ne pouvons pas contrôler cela.

Concernant la sécurité des visiteurs, nous avons installé des panneaux qui préviennent tous ceux qui veulent escalader la montagne du danger, surtout après le plateau. Si le visiteur veut continuer, sans guide, il y a un gardien posté au deuxième plateau, qui fait signer une décharge. On ne peut pas empêcher les visiteurs de grimper sans un guide.

La corde qui permet d’escalader la partie la plus difficile n’est plus en place.

Le ministère du Tourisme va remettre des cordes.

La maintenance de ces cordes se fait à quel rythme ?

C’est encore flou pour le moment. On va se pencher dessus.

Qui s’en occupe : le trust fund ou le ministère du Tourisme ?

Valeur du jour, la montagne n’appartient pas au Morne Heritage Trust Fund.

Qui la gère ?

C’est comme n’importe quelle montagne à Maurice, donc c’est le ministère des Terres. Quand vous escaladez la montagne des Signaux, vous ne demandez pas d’autorisation à qui que ce soit. Nous sommes en pourparlers pour gérer la montagne. À l’heure qu’il est, nous gérons le core zone sans en avoir l’autorité totale.

Vous avez bien quatre guides ?

Je ne connais pas le nombre exact. C’est le Tourisme qui donne les permis.

Vous n’êtes pas au courant de la formation qu’ont ces guides ?

Il n’y a pas de guides attitrés au Morne. Ils prennent un car de touristes, font une excursion au Morne et puis vont manger à Chamarel, par exemple.

C’était pour savoir si ces guides ont une formation en histoire...

Là, cela concerne d’autres guides. Pas ceux qui escaladent la montagne, mais ceux des monuments de la Route de l’Esclave. Eux sont formés en histoire. Cela se passe côté plage. Ceux-là sont attirés au Morne.

Et ne racontent pas n’importe quoi ?

Exactement.

Savez-vous combien de visiteurs ont escaladé la montagne depuis que l’accès est ouvert ?

Beaucoup de Mauriciens. Je n’ai pas les chiffres en tête.

Est-ce que l’accès à la montagne va devenir payant ?

Définitivement, ce sera payant. C’est inscrit dans une loi, qui arrive.

D’ici la fin de l’année ?

Je pense que d’ici juin, avec le Budget. Il faudra définir quelle partie sera gérée par le trust fund. Cela arrive, mais ce ne sera pas des sommes énormes. On a parlé d’une centaine de roupies.

Comme sur le modèle du jardin des Pamplemousses ? Un tarif mauricien, un tarif touriste.

Pour les touristes, cela rejoint le projet de village des esclaves. Ceux qui vont le gérer, vont inclure l’excursion à la montagne. Le package pourrait être de Rs 400 à Rs 500 par tête. C’est une opinion personnelle. Le trust fund aura une part dans la billetterie, mais ce n’est pas encore défini, 15 % ou 20 %, je ne sais pas. Est-ce que le touriste va payer plus cher que le Mauricien ? Quelque part oui, mais il ne va payer que pour avoir accès à la montagne. Je vois mal un touriste ne venir que pour escalader la montagne.

Il y a aussi une réclamation en cour pour une compensation de Rs 1,8 milliard, d’un promoteur immobilier. Où en est l’affaire ?

C’est un projet IRS qui a été gelé. Il y avait une proposition d’échange de terres. Des négociations ont lieu directement entre le gouvernement et le promoteur, la société Morne Brabant.

A l’officiel

<h3>Les membres du conseil d&rsquo;administration</h3>

<p>Outre les représentants de différents ministères, les membres siégeant au conseil d&rsquo;administration du Morne Heritage Trust Fund (nommés en octobre 2017) sont Steeve Magdeleine, fraîchement réélu président du conseil d&rsquo;administration du conseil de district de Rivière Noire, Steeve Jacques Lebrasse, la travailleuse sociale Priscilla Raboude, le chanteur Jean Alain Résidu et Darandas Cheenadoo, ancien président du conseil de district de Rivière Noire.</p>

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Parcours

<h3>Un engagement social marqué</h3>

<p>Armand Tadebois est président de l&rsquo;Association de Parents d&rsquo;Enfants Inadaptés de l&rsquo;Ile Maurice (APEIM). Il est en même temps le trésorier de Caritas Ile Maurice. Récemment, il a été nommé manager du Collège du Saint Joseph. Entre 2014 à 2016, il a été président du Racing Club de Maurice. Cet économiste de formation et de métier a travaillé pendant 23 ans chez DCDM avant de gérer son entreprise de comptabilité, d&rsquo;externalisation de services de paie, BD Star. &laquo;Nous aidons les nouvelles entreprises à respecter les règles de la Mauritius Revenue Authority et du Registrar of Companies&raquo;, explique Armand Tadebois.</p>

Jumelage

	<h3>Collaboration avec robben island à l&rsquo;étude</h3>

	<p>C&rsquo;est en mars 2017 que le jumelage du Morne avec Robben Island (l&rsquo;île-prison de Nelson Nandela) a été signé. Deux représentants de Robben Island seront à Maurice dans le cadre des commémorations du 1er-Février. &laquo;Nous avons à apprendre d&rsquo;eux, et eux de nous&raquo;, estime le président du trust fund.</p>
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