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Matthieu Discour: «La place de Maurice est bien investie dans la finance verte»

29 novembre 2017, 18:28

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Matthieu Discour: «La place de Maurice est bien investie dans la finance verte»

La finance verte se développe rapidement à l’échelle mondiale. À Maurice, c’est déjà une réalité avec le projet SUNREF. Matthieu Discour soutient que c’est une autre manière de présenter la valeur ajoutée de la place financière mauricienne.

L’ Agence française de développement (AFD) était impliquée récemment dans l’organisation d’une conférence sur la finance verte avec SUNREF (Sustainable Use of Natural Resources and Energy Finance). C’est quoi le concept finance verte et comment le promouvoir localement et sur le plan régional ?

La finance verte, c’est ce qui permettra à l’économie de réussir sa transition vers le bas carbone, la sobriété énergétique et le développement durable. C’est un concept assez nouveau qui se développe très rapidement avec notamment une finance purement climat. D’ailleurs, il y a des objectifs très ambitieux à l’échelle internationale : 100 milliards d’euros ont été promis à partir de 2020. La France veut aider à leur mobilisation par des pays comme Maurice. C’est le sens du Sommet de Paris du 12 décembre auquel Maurice est invité par le président de la République. Dans plusieurs pays, ces ressources doivent passer par des intermédiaires financiers locaux. C’est pour ça que 35 % de nos financements climat passent par des lignes de crédit bancaires. Les intermédiaires en question en assurent le développement et le succès. Maurice a bien pris le train en marche avec des banques qui sont dynamiques sur les lignes de crédit SUNREF. Maintenant, on veutque SUNREF 3 soit plus en appui à la transition climatique. Maurice fait aussi beaucoup d’efforts au niveau gouvernemental pour accéder au Fonds vert pour le climat. Il faut capter la finance verte, y compris celle disponible pour les pouvoirs publics.

Ce domaine est-il rentable ?

Absolument. Les banques commerciales avec lesquelles on travaille gèrent leur politique de risque. On n’intervient pas à ce niveau. Elles soutiennent un projet en utilisant SUNREF après une analyse de risque et une estimation de sa rentabilité. Une des dimensions est de permettre à certains projets de devenir rentables. SUNREF offre une subvention d’investissement pour améliorer la rentabilité d’un projet. La finance verte doit aussi pouvoir le rendre «banquable». Notre rôle c’est également d’inciter les banques à regarder ces projets qu’elles ne connaissent pas au départ. Il y a toute une série d’actions concernant la formation, l’analyse du risque, la compréhension des enjeux environnementaux. Les banques sont maintenant en capacité d’appréhender ces projets et de les soutenir.

Quels sont les retours sur investissement des projets locaux avec les lignes de crédit ?

Nous avons eu 250 projets : 100 pour la première ligne de crédit et 150 pour la deuxième. Ils ont tous été mis en chantier. Une grande partie concerne des petits projets comme celui d’un individuel qui a installé un panneau solaire. 150 sur 250 disposent d’un financement de moins de 250 000 euros. Pour les gros projets, cela pouvait aller jusqu’à 7 millions d’euros. Quant aux secteurs d’activités concernés, il y en a eu dans le tourisme, l’industrie, la distribution, etc. Sur la première ligne de crédit, de gros impacts en termes d’efficacité énergétique ont été notés. La deuxième ligne a notamment soutenu le développement des énergies renouvelables. On a senti l’engouement des Mauriciens pour la deuxième ligne de crédit, avec notamment la mise en place d’un dispositif pour financer les petits investisseurs dans le cadre de la Small Scale Distributed Generation (SSDG).

Existe-t-il d’autres initiatives nécessaires pour capitaliser sur la finance verte ?

Il y a deux pistes. La première c’est de stimuler la demande, comme ce qu’on a fait sur l’efficacité énergétique avec le Programme national d’efficacité énergétique (PNEE) en partenariat avec Business Mauritius et l’Union européenne, entre autres. On peut imaginer le faire dans d’autres secteurs comme l’assainissement liquide, la smart agriculture. Ce que fait la Chambre d’agriculture est dans cette mouvance. Il faut travailler sur une cartographie des besoins, lancer des pilotes pour montrer qu’il y a un impact et une décision d’investissement possible avec un accompagnement, de l’expertise, etc. Ce modèle mauricien mis en place avec le PNEE semble booster la demande. Deuxièmement, sur l’offre, on veut travailler sur d’autres transitions environnementales. C’est ce qu’on fait avec SUNREF 3. Le financement des énergies fossiles comme le charbon, de plus en plus proscrit par notamment les banques, a un effet ricochet qui valorise les finances vertes. Ce sera une tendance. À terme, ce type de finance sera le seul disponible.

Pour revenir à la conférence de SUNREF, pourquoi le choix de Maurice ?

C’était important de le faire ici. Maurice a été un des premiers pays à entrer dans SUNREF, soit en 2008, alors que le label a été lancé en 2006. Historiquement, il y avait trois banques dont deux sont toujours actives. D’autres banques ont marqué leur intérêt. La place de Maurice est bien investie dans la finance verte. Maurice est le lieu propice à cela. D’autant que nous avons pu procéder à des visites pour les projets emblématiques tels qu’une centrale solaire de 2 mégawatts dans le Nord. Un autre exemple est le Super U de Flacq, qui a mis sa gestion de l’énergie aux meilleurs standards.

De plus, Maurice a réussi à se positionner comme une place financière à vocation régionale. Car les projets financés par SUNREF 1 et 2 peuvent tout aussi concerner Madagascar et les Seychelles. Il est important de mettre Maurice sur la carte de la finance verte à côté de grands pays émergents. C’est une autre manière de présenter la valeur ajoutée de la place financière mauricienne et le professionnalisme des banques sur ces questions-là.

Ce qui a été fait ?

Tout à fait. La conférence était comme un club des banques impliquées dans le SUNREF réunies pour échanger sur la manière dont elles appréhendent la finance verte, mesurent les impacts et font évoluer les stratégies des entreprises. Nous en sommes à la deuxième édition. La première avait eu lieu à Marseille il y a dix-huit mois. Pour ce volet à Maurice, nous avions une quarantaine de participants dont des représentants de banques d’Égypte, de Turquie, d’Inde, de Chine, du Kenya, d’Arménie, d’Indonésie et, bien sûr, de Maurice qui compte deux banques très actives dans SUNREF.

Plus généralement, quel est le rôle de l’AFD pour Maurice et les Seychelles ?

Nous sommes une agence du gouvernement français. On est au service de la relation entre Maurice et la France. On travaille aussi sur les grandes questions internationales comme la lutte contre la pauvreté, le changement climatique. Maurice figure parmi nos axes stratégiques majeurs. On est une banque de développement, on apporte des financements sous forme de prêts à des taux préférentiels et aussi de l’assistance technique. On a cette particularité d’avoir accès à des financements de partenaires dont l’Union européenne, le Fonds vert. On essaie d’enrichir notre apport par des ressources moins chères et adaptées. On était actif de 1975 à 1995. En 2007, nous sommes revenus et notre mandat a changé. On a pu être autorisé à intervenir dans des pays à revenu intermédiaire et émergents. Sur les Seychelles, on a à peu près le même type de mandat, quoique l’on finance moins de projets. On a beaucoup travaillé sur le secteur de l’eau et de l’assainissement. On a un mandat spécifique sur la coopération entre Maurice et La Réunion. On soutient notamment la COI sur la santé et le climat. On essaie d’être un facilitateur.

Quels sont les autres projets de l’AFD ?

Avec la COI, on a un programme important dans la santé, la lutte contre les épidémies. Il y a un nouveau projet qui devrait être signé pour 8 millions d’euros. Sur Maurice, on a des discussions avec le gouvernement dans les domaines de l’énergie et des infrastructures qui, espérons-le, se concrétiseront.