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Cacao mauricien: la success story de Gérard et Josiane Cangy

26 novembre 2017, 23:30

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Cacao mauricien: la success story de Gérard et Josiane Cangy

L’histoire d’amour entre les Cangy et le cacao démarre en 2002. Alors que Gérard Cangy, grutier dans le port et chasseur à ses heures perdues, traque un cerf dans la région de Chamarel, il tombe sur un cacaoyer chargé de cabosses rouge-grenat.

Il ignore de quelle plante il s’agit mais a la présence d’esprit d’en cueillir une et de la montrer à son ami Ashook Khedun, membre de la Mauritius Wildlife Foundation, aujourd’hui défunt. Ce dernier réalise qu’il s’agit d’une cabosse renfermant des fèves de cacao. Introduit à Maurice par les Hollandais, le cacaoyer pousse désormais à l’état sauvage dans certaines régions de l’île. 

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Gérard Cangy s’était lancé dans l’organisation de randonnées et dans la tenue régulière d’une table d’hôte typiquement créole à l’intention des touristes sur un domaine baptisé le Domaine Ravenal. Activités ralenties par les grossesses successives de Josiane. De ce fait, lorsqu’il découvre qu’il s’agit de cabosses de cacaoyers, il décide, avec son ami Ashook Khedun, d’en planter par curiosité au Domaine Ravenal.

4 372 plants en terre

Après s’être renseignés sur les usages possibles des fèves de cacaoyers, ils en plantent. À ce jour, ils comptent plus de 4 372 plants en terre, chacun ayant sa zone spécifique et son référencement particulier.

Un cacaoyer prenant entre trois et cinq ans pour croître et donner des cabosses, ils obtiennent leur première récolte en 2014. Un article sur cette grande première locale, paru dans l’express et repris par son journal en ligne et ensuite par un site français, fait le buzz à Maurice comme à l’étranger. Les Cangy croulent sous les appels téléphoniques de chocolatiers étrangers intéressés à faire tester leurs fèves et à éventuellement acheter leur production.

Le couple décide alors de travailler avec ceux qui lui paraissent les plus sérieux et dont les besoins sont conformes à sa capacité de production, à savoir un Italien, un Belge, un Australien et un Canadien. Ces chocolatiers font analyser des échantillons de fèves mauriciennes et sont agréablement surpris de voir qu’il s’agit de la meilleure variété de cacao existante, à savoir le «criollo» et ils se disent disposés à en importer en quantités allant de 20 à 50 kilos.

Gérard et Josiane Cangy se renseignent à travers la Toile et réalisent que le cacaoyer prospère en climat chaud, pluvieux et humide et que la nature du compost dont il se nourrit influe sur la qualité du produit fini. Ils investissent beaucoup de temps dans cette culture, dans le suivi régulier des pousses, plantent un bananier à équidistance d’un cacaoyer, histoire d’agir comme coupevent. Ils fabriquent aussi leur propre compost organique qui leur donne un excellent cacao au goût prononcé de tabac, parfois allié à de la mangue.

Mains secourables

Ce sont eux et leurs deux plus jeunes enfants – Molly, neuf ans, et Emeric, sept ans – qui cueillent les cabosses une fois qu’elles sont mûres, les ouvrent pour en extraire les fèves qui passent ensuite l’étape de la fermentation et du séchage avant d’être exportées par avion ou par conteneur en colis groupés.

Immanquablement, les analyses de leurs fèves par les chocolatiers commanditaires leur valent des notes de 8 à 9 sur 10. Josiane Cangy explique que chaque chocolatier importateur est exigeant et soumet un cahier des charges spécifique par rapport à la fermentation et au séchage des fèves qui doivent rester au minimum cinq heures au soleil.

Gérard et Josiane Cangy n’ont pas eu une enfance rose. Mais ils n’oublient pas également qu’ils ont trouvé des mains secourables. Estimant qu’il est de leur devoir d’aider les personnes en difficulté, ils ont embauché comme vigiles deux ex-détenus qui peinaient à trouver du travail et les logent dans une petite maison en dur à l’entrée de la plantation. Et dans l’optique d’augmenter leur production, ils ont confié la culture de cacaoyers supplémentaires à une vingtaine d’anciens petits planteurs de sucre à Bel-Air et Montagne-Longue.

Les Cangy leur fournissent tout : des souches, le compost, les produits organiques recommandés par le Food and Agricultural Research and Extension Institute pour contrer d’éventuelles attaques de maladies et au final, ils rachètent les récoltes des planteurs. Depuis un an, Gérard et Josiane ont décidé d’exploiter la production supplémentaire en transformant les fèves restantes en produits dérivés.

Médecine traditionnelle

S’étant renseignés sur les vertus de la théobromine contenue dans les fèves – elle est un puissant antioxydant et lutte contre le vieillissement cellulaire, agit comme antidépresseur naturel et booste le système immunitaire – le couple les traite artisanalement et les emballe avant de les commercialiser. La plupart de cette production est achetée par des amateurs de médecine naturelle et de connaisseurs, en particulier par un infirmier vivant à Grand-Gaube.

Josiane Cangy s’est aussi essayée à la fabrication de tablettes de chocolat au lait à teneur de cacao de 100 %, technique qu’elle a récemment peaufinée après avoir assisté la semaine dernière à une Masterclass sur le chocolat organisée par l’Institut Auguste Escoffier. Mais elle a aussi confectionné une pâte à tartiner et du gâteau au chocolat.

Leur fils âgé de 20 ans, Thierry, qui est rentré au pays après des études supérieures en gestion, leur a emboîté le pas et s’est, lui, mis à la distillation du cacao. Cela donne une liqueur qui se rapproche du vin cuit mais au goût de chocolat et qu’ils ont baptisé Ebony en raison de sa couleur foncée.

Comme Gérard et Josiane veulent produire du cacao sur une plus grande échelle, ils ont obtenu un terrain de l’État pour le faire. Ils ont aussi demandé au gouvernement de leur louer un terrain à l’Est où les conditions sont idéales pour la culture biologique de cacaoyers. S’ils l’obtiennent, ils comptent y décentraliser leurs opérations de fermentation, de séchage et de stockage.

Produits dérivés

Les Cangy font provision pour une récolte record en 2019 et pensent pouvoir exporter jusqu’à une tonne de fèves et développer les produits dérivés susmentionnés qu’ils entendent écouler dans un point de vente qui leur est propre. Ils veulent aussi mettre un pied dans la cosmétique en produisant du beurre de cacao. Ils ont, d’ailleurs, commandé des équipements semi-industriels à cet effet. «C’est avec la transformation que notre petite entreprise deviendra rentable», estiment Gérard et Josiane Cangy.

Mahen Seeruttun, le ministre de l’Agro-industrie, est impressionné par leur initiative et au début du mois de septembre, il est venu visiter le Domaine Ravenal. Les Cangy ont pris la pleine mesure de la qualité de leurs produits après qu’ils les ont commercialisés sous plusieurs formes lors du Food Day organisé récemment par le ministère de l’Agro-industrie.

«On ne s’y attendait pas», confie Josiane Cangy, qui n’a qu’un conseil à donner aux jeunes : «Il faut retourner à la terre, à la nature et apprendre à les aimer. Non seulement cela procure une très grande satisfaction personnelle mais la terre vous le rend bien aussi…»