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Iline Talate: «Mo pa anvi fini parey kouma mo mama»

6 novembre 2017, 21:30

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Iline Talate: «Mo pa anvi fini parey kouma mo mama»

1972. Elle avait 10 ans. Accompagnée de sa mère et de ses cinq frères et soeurs, Iline Talate débarque à Maurice. Elle est née à Diego Garcia et c’est avec le coeur lourd qu’elle est arrivée à Maurice. Iline Talate revient difficilement sur ses souvenirs. Nous l’avons rencontrée le vendredi 3 novembre, lors de l’inauguration d’une ruelle qui a hérité le nom de sa mère au Caudan Waterfront.

«L’année de mon arrivée à Maurice fut très dure. J’ai perdu deux frères», soutient-elle, le regard perdu dans sa mémoire. Sa famille, déjà bien fragilisée, se déchire. Elle ira vivre chez son oncle à Petite-Rivière. Lisette Talate subviendra seule aux besoins de ses enfants. Elle cumulera les petits boulots ; par moments elle se retrouvera à travailler comme bonne à tout faire et par d’autres dans les champs de canne.

Mais Iline grandit avec l’image d’une mère courage. Outre le combat pour prendre soin de sa famille, Lisette Talate se battra aussi pour que les Chagossiens puissent regagner leur île. Elle enchaînera des marches pacifiques et des grèves de la faim. Iline l’accompagnera. Toute jeune, elle sera un soutien pour sa mère mais elle ne s’affirme pas plus que cela. Sa mère est déjà une légende vivante. Iline Talate se concentrera donc sur ses six enfants. Elle prend de l’emploi dans une usine. Mais elle savait que le jour viendrait où il aurait fallu reprendre le flambeau allumé par sa mère des années plus tôt.

«Sa moman-la ki mo’nn rant dan lalit-la. Ti mo mama so rev sa !», dira-t-elle, les larmes aux yeux. Elle repense à ce 4 janvier 2012. Un jour sombre. Le jour où sa mère a poussé son dernier soupir. «Elle voulait mener ce combat jusqu’au bout pour finir ses jours à Diego Garcia. Et j’ai le même rêve. Mo pa anvi fini kouma mo mama !», nous confie-t-elle, cachant mal sa peine.

«Mo’nn zet mwa lor disab !»

Iline Talate n’en démord pas. La lutte de sa mère n’est pas de tout repos. «Mais je refuse de croire que c’est un combat perdu d’avance. La lutte progresse trop lentement mais elle avance», affirme-elle. Depuis cinq ans maintenant, elle se rend aux rassemblements du comité Chagos et fait tout son possible pour réaliser ce rêve qui s’assombrit souvent par des déceptions, par des pertes ou des échecs. «Beaucoup de Chagossiens impliqués dans ce combat sont morts parce que l’attente est beaucoup trop longue. Et avec l’attente vient la souffrance. Nou pa koné kan sa pu fini, nou pé atan mem !»

Des images des Chagos, Iline en garde par centaines dans sa mémoire. Sa dernière visite remonte à 2006 lorsqu’elle s’y est rendue accompagnée d’un groupe de natifs de l’archipel pour dix jours. Une expérience douloureuse qu’elle qualifiera, néanmoins, d’extraordinaire. «Kan mo’nn poz lipié lor mo zil natal mo’nn ému, mo’nn zet mwa lor disab!», raconte Iline Talate. Ces dix jours sont-ils les meilleurs qu’elle a connus au cours de sa vie ? «Non», dira-t-elle catégorique. Elle nous fait part que la joie a été de très courte durée car «nou ti koné ki nou pa ti pou kapav reste .»

Le 22 juin 2017, une victoire

<p>Pour Iline, le gouvernement mauricien peut faire davantage. Elle n&rsquo;oubliera pas ce qu&rsquo;elle a ressenti le 22 juin 2017 lorsqu&rsquo;aux Nations Unies, la résolution présentée par Maurice sur le dossier Chagos a été adoptée. Ce qui veut dire que l&rsquo;avis de la Cour internationale de justice pourra être sollicité sur la souveraineté de Maurice sur les Chagos. <em>&laquo;Wi mé ena boukou plis pou fer. Il y a plus de 50 ans de souffrance derrière nous !&raquo;,</em> fait ressortir la battante.</p>

<p>Pour elle, cette lutte n&rsquo;est pas uniquement celle des Chagossiens. Elle est en tout cas d&rsquo;avis qu&rsquo;elle ne devrait pas l&rsquo;être. <em>&laquo;Je voudrais que les Mauriciens se joignent au combat de leurs semblables ou qu&rsquo;ils démontrent leur solidarité envers un peuple déshérité, usurpé et dont la dignité a été persiflée&raquo;</em>, explique Iline Talate. <em>&laquo;Lepep moris bizin réflési lor sé ki pé fer ar nou ek trouv lasoufrans ki ena derier. Sa bann inzistis ki&rsquo;nn fer bann zilwa Chagos sibir. Ena boukou kouma mo mama pé alé san ki zot mision inn akonpli&raquo;</em>, poursuivra-t-elle.</p>

<p>Depuis son arrivée à Maurice, Iline ne s&rsquo;est pas vraiment adaptée au rythme, à la vie loin de son île natale.<em> &laquo;Lavi bien difisil isi&raquo;</em>, nous dit-elle. Son bonheur, ainsi que celui de ses semblables, selon elle, ne se trouve pas ici. <em>&laquo;Nou boner dan Diego laba !&raquo;</em></p>