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Fazila Jeewa-Daureeawoo: «Nous espérons présenter le Children’s Bill en 2018»

10 octobre 2017, 14:20

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Fazila Jeewa-Daureeawoo: «Nous espérons présenter le Children’s Bill en 2018»

De janvier à avril 2016, «l’express» a publié des articles au sujet du «Children’s Bill», annoncé pour... mars 2016 ! Plus d’un an après, toujours rien. Fazila Jeewa-Daureeawoo affirme toutefois que ce projet de loi devrait enfin atterrir au Parlement.

Le Children’s Bill tant promis semble être toujours au fond du tunnel. Que se passe-t-il avec ce projet de loi ? N’est-il pas une priorité pour le gouvernement, alors que les enfants sont la base d’une société ?
Le Children’s Bill est une priorité du gouvernement. L’annonce a été faite par le Premier ministre, lors de la présentation du Budget 2017-2018. Les problèmes liés à l’enfance étant de nature très sensible, nous devons être très prudents en rédigeant ce projet de loi. Nous travaillons dessus. Nous espérons présenter le Children’s Bill au Parlement l’an prochain.

Qu’est-ce qui ne va pas avec les lois mauriciennes consacrées à la protection de l’enfant ?
La Child Protection Act a été promulguée en 1994. Il est grand temps de réviser cette législation pour assurer une meilleure protection des enfants et promouvoir leur bien-être. Avec le Children’s Bill, il faudra un meilleur encadrement dans les foyers. Par exemple, avant que les enfants qui y sont placés n’atteignent leur majorité, il faut les préparer deux ans à l’avance. Ainsi, ils auront les informations nécessaires, sauront comment trouver un travail et réintégrer leur vie en société.

L’Ombudsperson for Children affirme qu’un enfant est sexuellement abusé à Maurice chaque jour. Comment réagissez-vous à cela ? Pourquoi en est-on arrivé là aujourd’hui ?
Je n’irai pas aussi loin pour dire qu’un enfant est sexuellement abusé à Maurice chaque jour. Il faut avoir les statistiques pour confirmer. Toutefois, je ne nie pas le fait qu’il y a bien des cas d’abus sexuels rapportés à mon ministère. Un cas d’abus sur un enfant est un cas de trop. Pour moi, le nombre n’est pas plus important. On doit trouver des structures et des lois pour mieux les protéger. Par conséquent, nous sommes dans le processus de renforcement de la loi.

Pourquoi les abuseurs d’enfants peuvent-ils bénéficier de travaux communautaires, alors que les victimes sont traumatisées de savoir que leurs bourreaux sont en liberté ? Qui plus est, ceux qui commettent des délits moins graves, comme consommer du gandia, n’ont, eux, pas droit aux travaux d’intérêt général.
Ceci est entièrement à la discrétion de la cour…

Mais vous, quelle est votre position ?
Cela incombe aux magistrats de statuer. Chaque cas est particulier. Je dois dire qu’il y a pas mal de jugements où les accusés ont été condamnés. Peut-être qu’il faudra revisiter les lois.

Plusieurs agressions, abandons et meurtres sur des bébés ont récemment été commis. Quelle en est la cause et comment y remédier ?
Cela se produit principalement dans des cas où les parents et mères monoparentales sont très jeunes et ne sont pas prêts à assumer la responsabilité d’un enfant. Il y a un problème à Maurice : les parents doivent assurer la protection à tous niveaux. Par exemple, en veillant à ce que l’enfant ne traîne pas les rues ou encore qu’il n’ait de mauvaises fréquentations.

Quelle stratégie pour lutter contre les grossesses précoces ?
Nous devons continuer à sensibiliser les jeunes aux risques et conséquences de la grossesse précoce. Nous organisons régulièrement des causeries et séminaires pour assister les jeunes parents…

Ces causeries sont-elles vraiment efficaces en pratique ?
Ce n’est pas dans tous les cas que nous voyons des résultats. Mais je pense que tout repose sur l’éducation et la responsabilisation des parents. Ces derniers ne doivent pas être livrés à eux-mêmes. Nous voyons lors de ce genre d’événement que les parents n’ont pas de formation. Idem pour le couple qui se marie. Quant aux adolescents, il faut leur expliquer les conséquences des relations sexuelles non protégées. Plusieurs filles-mères sont elles-mêmes encore des enfants.

Les décideurs d’aujourd’hui, d’un certain âge, ne sont-ils pas complètement déconnectés de la réalité des jeunes et des enfants ?
Il est vrai que chaque génération a son propre ensemble de valeurs. Néanmoins, nous devons les partager. De plus, les programmes intergénérationnels sont conçus afin d’intégrer le partage, la communication et le dialogue entre les anciennes et les nouvelles générations.

Ne faut-il pas rajeunir cette vieille garde ?
Pas nécessairement. À mon sens, le plus important, c’est l’expérience, le vécu. Cela ne s’acquiert pas dans des livres. Il faut de la maturité.

Quelles formations pour se mettre à la page ?
Le développement et la formation professionnels doivent être continus et alignés sur la même longueur d’onde que les enfants. Plusieurs initiatives ont été récemment prises, notamment la prévention du suicide chez les enfants en collaboration avec Life Plus depuis janvier dernier. Et ce mois-ci, les capacités sur l’autisme sont renforcées. De plus, nous voulons former les formateurs sur la prévention de l’usage des drogues synthétiques chez les jeunes. Ce sera de concert avec le ministère de la Santé.

Mais ces formations ne devraient-elles pas être plus actualisées, par exemple autour des dangers présents en ligne, entre autres problèmes menaçant les enfants ?
Absolument. Nous vivons dans un monde où l’Internet prend une place considérable. De telles formations seraient bénéfiques. Il faudrait les intégrer.

Dans le cadre d’une enquête sur les enfants en conflit avec la loi, il a été mentionné que le National Children’s Council (NCC) ne joue pas pleinement son rôle. Quel est ce rôle et pourquoi est-il dysfonctionnel ?
Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites.

Et pourquoi ?
Je ne suis là que depuis six mois. Il y a beaucoup d’unités que nous sommes appelés à revoir. Nous devons les moderniser. Le NCC fait plusieurs choses, notamment un Atelier partage parents pour assister les parents dans l’éducation de leurs enfants. Des séminaires sur la sécurité routière des enfants, l’abus de drogues et la sûreté sur Internet sont également entrepris par cette instance. En outre, le NCC a créé 22 clubs d’enfants à travers le pays pour que ces derniers puissent exprimer leurs opinions.

Est-ce pour autant efficace ?
Cela peut être plus efficace. Nous devons instaurer plus de programmes et d’ateliers ciblant davantage les jeunes.

D’ailleurs, plusieurs organismes, tels que le National Adoption Council et la Child Development Unit (CDU), de votre ministère suscitent des interrogations sur leur bon fonctionnement. Qu’est-ce qui ne va pas avec ces unités ?
La restructuration de la CDU est en cours. Mo pa happy. Il y a trop d’enfants à la CDU. Cette instance devrait être une structure temporaire. La place des enfants est dans leur maison. Depuis janvier, nous étudions chaque cas et faisons la médiation entre les parents et les enfants. Et pour ceux qui n’ont pas de cas en cour, nous voyons comment les replacer au sein de leur foyer. La réforme institutionnelle sera considérée avec le Children’s Bill. Entretemps, nous avons pris des actions.

La Child Perpetrator Support Unit a été créée en juin de cette année pour le soutien psychologique et mental des délinquants juvéniles. Des programmes psychologiques ont été conçus pour assister les enfants en conflit avec la loi. L’objectif est de leur permettre de développer des aptitudes en vue d’éviter la récidive. Nous espérons que ces programmes contribueront à la réhabilitation et la réintégration dans la société. De plus, les services psychologiques ont été restructurés avec un groupe commun de 18 psychologues, notamment.

Pourquoi est-ce encore si compliqué d’adopter alors que l’on sait que le meilleur placement pour un enfant, c’est au sein d’une famille ?
Le meilleur et le plus grand intérêt d’un enfant est d’une importance capitale. Aussi, nous devons avoir les garanties nécessaires pour cela. Nous révisons en ce moment même la National Adoption Council Act afin que les procédures d’adoption soient plus efficaces et puissent satisfaire tout un chacun.

Les collèges sont de plus en plus le théâtre de violences, avec des abus sexuels et des rackets. Comment comptez-vous y mettre bon ordre ?
Le combat contre la drogue est prioritaire. Vous n’avez qu’à voir tout ce qui se fait avec la commission d’enquête sur la drogue. Nous sommes engagés. Il y a un travail commun à faire avec les parents, les enseignants et la société civile. La réforme du Nine-Year Schooling contribuera à cette lutte car l’accent ne sera pas mis uniquement sur le côté académique. Il faut développer le créatif et non le bourrage de crâne. À travers le sport, l’enfant saura canaliser son énergie et développera d’autres talents.