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Les Saoudiennes au volant: de nombreux préjugés à combattre

4 octobre 2017, 17:04

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Les Saoudiennes au volant: de nombreux préjugés à combattre

Usant de la carotte et du bâton, le royaume conservateur d'Arabie saoudite cherche à agir contre des préjugés masculins bien ancrés dans la société avant que des millions de conductrices ne se mettent au volant pour la première fois l'année prochaine.

Pendant des décennies, des jusqu'au-boutistes ont cité des interprétations de textes islamiques pour justifier l'interdiction, certains soutenant que les femmes n'étaient «pas assez intelligentes» pour conduire et que le leur permettre favoriserait «la promiscuité».

L'Arabie saoudite a finalement mis fin à l'interdiction le 26 septembre, mais les femmes restent soumises à d'autres restrictions, notamment la tutelle d'un homme de leur famille pour faire des études ou voyager, par exemple.

«Vous pouvez révoquer l'interdiction, mais vous ne pouvez pas forcer les hommes à autoriser leurs soeurs et leurs épouses à conduire», a déclaré un chauffeur de taxi à Ryad, sous le couvert de l'anonymat.

«En tant que chef de famille, je prends les décisions, pas les femmes», a-t-il dit à l'AFP en exprimant son aversion à l'idée de voir son épouse conduire car cela signifierait plus de contacts avec des hommes sans lien de parenté avec elle.

Ces opinions ne sont guère surprenantes dans le royaume de la ségrégation entre les sexes, en dépit des réformes audacieuses lancées par le prince héritier Mohammed ben Salmane (32 ans) qui cherche à changer les attitudes sociales et à augmenter le nombre de femmes sur le marché du travail.

«Attendez-vous à plus d'accidents» en raison des nouvelles conductrices qui pourront prendre le volant à partir de juin 2018, a fait remarquer un Saoudien, faisant écho à une avalanche de commentaires sexistes sur Twitter.

La semaine dernière, les autorités saoudiennes ont arrêté un homme qui menaçait de réagir violemment contre toute conductrice, dont la voiture tomberait en panne. «Je jure devant Dieu que je la brûlerai, elle et sa voiture», a dit l'homme, vêtu de la robe blanche traditionnelle, dans une vidéo en ligne.

«chameaux des temps modernes»

De telles attitudes font craindre à certaines femmes qu'elles aient du mal à obtenir un permis de conduire et que des inspecteurs mal intentionnés les fassent échouer aux examens.

Le gouvernement cherche à surmonter ces difficultés et a l'intention de faire venir des formatrices de l'étranger et de créer des auto-écoles exclusivement pour les femmes.

Les autorités veulent également agir contre le harcèlement sexuel avec une nouvelle loi, assortie de peines de flagellation et d'emprisonnement.

Des médias saoudiens se rangent, parfois avec humour, dans le camp des libéraux. «La conduite automobile a toujours été un champ de mines dans la bataille des sexes», a indiqué un graphique publié par le quotidien anglophone Arab News.

«Pardon, les mecs, mais les femmes sont meilleures conductrices», a ajouté le texte, citant des études selon lesquelles les conducteurs hommes sont comparativement plus souvent impliqués dans des accidents.

Des éditoriaux ont fait valoir que si les femmes étaient autorisées à monter à dos de chameau du temps du prophète Mahomet, elles devraient être autorisées à conduire les «chameaux des temps modernes»: les voitures.

D'autres ont souligné les avantages économiques de la réforme, les familles étant susceptibles de faire des économies si elles n'ont plus recours à des chauffeurs étrangers.

Mais les autorités veillent à ne pas heurter les sensibilités religieuses. Le Haut comité des oulémas --la plus haute autorité religieuse, proche de la famille royale-- a approuvé le décret autorisant les femmes à conduire, renforçant ainsi sa légitimité dans la société saoudienne.

Selon des experts, cette approbation --après des décennies d'opposition-- symbolise l'emprise de plus en plus forte du pouvoir politique sur l'establishment religieux, traditionnellement influent.

«Il est peu probable que les religieux, qui ont constamment soutenu que la conduite endommagerait les ovaires et priverait les femmes de leur virginité, aient eu soudain une révélation, admettant que leurs vieilles croyances étaient fausses», a dit l'analyste James Dorsey de la S. Rajaratnam School of International Studies à Singapour.

Lorsque la levée de l'interdiction a été annoncée, plusieurs militantes des droits des femmes ont affirmé que les autorités leur avaient enjoint de ne pas faire de commentaires publics, apparemment pour ne pas donner l'impression qu'une lutte peut mener à une réforme.

Ali Shihabi de l'Arab Foundation, basée à Washington, a expliqué sur Twitter que le gouvernement ne voulait pas que les activistes «provoquent davantage les conservateurs», déjà en colère après le décret du 26 septembre.