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Me Neelkanth Dulloo: «Ce sont des fugitifs qu’on perquisitionne à cinq heures du matin !»

26 septembre 2017, 11:06

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Me Neelkanth Dulloo: «Ce sont des fugitifs qu’on perquisitionne à cinq heures du matin !»

Le modus operandi de la police hier a été vivement critiqué par le public. Perquisition dans le noir à cinq heures du matin au domicile des journalistes de l’express, des voitures banalisées de la police stationnées devant les locaux de La Sentinelle Ltée, Husein Abdool Rahim pas inquiété alors qu’il a avoué avoir juré un faux affidavit, entre autres… Etait-ce un procédé normal ? Le point avec Me Neelkanth Dulloo, avocat. 

La police a choisi de se rendre chez le journaliste Yasin Denmamode à cinq heures du matin muni d’un mandat de perquisition. Est-ce courant de faire des fouilles si tôt?
Dans un pays civilisé, où la police comprend le mot civilisation, il faudrait d’abord prendre contact avec les personnes qui font l’objet d’une enquête. Il suffit d’appeler sur le portable des personnes la veille et leur informer que la police a besoin de les interroger. Un rendez-vous est pris et les personnes viennent ensuite aux Casernes, le lendemain avec leur avocat. Ce sont des fugitifs qu’on perquisitionne à cinq heures du matin ! On déclenche une opération dans l’obscurité. Même pour une perquisition, cela laisse paraître qu’on souhaite prendre la personne par surprise, quand il dort, de sorte qu’il ne puisse pas se sauver. 

Le père du journaliste dont le domicile a été perquisitionné, laisse entendre que la police n’a pas vraiment fouillé les lieux malgré un mandat de perquisition. Elle a plutôt cherché Yasin Denmamode dans toutes les pièces, braquant même la torche sur le terrain en friche à côté de sa maison… Trouvez-vous cette façon de faire normale ?
A cinq heures du matin, cela ressemble plutôt à une opération pour l’emmener aux Casernes Centrales. Il y a deux religions à Maurice : une pour les riches et une pour les pauvres. Ce traitement que vous me décrivez là, il est réservé aux pauvres. Les policiers sachant sans doute qu’il habite cette maison, pensaient qu’ils pourraient le cueillir facilement.

Même avec qu’un mandat de perquisition ?
Rien n’aurait empêché les enquêteurs de l’emmener aux Casernes. Ils n’ont besoin d’aucune autorité. Même les mandats d’arrêts ne sont pas nécessairement signés par un magistrat. Un surintendant de police a le pouvoir de le faire. Il aurait suffi aux policiers de dire qu’on a besoin de la personne aux Casernes pour les besoins d’une enquête. C’est comme ça que ça se passe souvent avec les gens du «petit peuple». 

Pourquoi Ravi Yerrigadoo n’a pas encore été interrogé ? Et pourquoi Showkutally Soodhun, malgré qu’il ait proféré des menaces de mort en public, n’a pas encore été arrêté ?
Bien sûr que Ravi Yerrigadoo aurait dû déjà être interrogé. Il est clair qu’il s’agit d’une politique de deux poids,  deux mesures. Ceux qui sont contre le gouvernement n’ont pas le même traitement. Idem pour Showkutally Soodhun. S’il n’avait pas été le nº 3, n’aurait-il pas déjà été arrêté ? A l’heure où on se parle, il aurait déjà dû avoir été arrêté et relâché sur caution. N’oublions pas ce qu’on a essayé de faire au Directeur des poursuites publiques, il a dû «seek refuge». Cependant, à l’étranger, c’est une autre culture qui prévaut. Je salue les policiers anglais qui n’ont pas hésité dans le passé à interroger l’ancien Premier ministre, Tony Blair, dans le cadre d’une enquête. Ce qui est dommage, c’est qu’à chaque fois qu’il se passe ce genre d’évènement, c’est l’image du pays qui en prend un sale coup sur la scène internationale. 

Qu’en est-il de Husein Abdool Rahim, qui a avoué avoir juré un faux affidavit et cumulé deux dépositions graves contre sa personne ? 
Jurer un faux affidavit entraine une amende ou alors la prison ! La police aurait dû déjà démarré une enquête. En temps normal, il aurait dû être convoqué. Idem pour le cas de sextorsion. Dans ce cas, il aurait même dû déjà être arrêté. Mais nous assistons malheureusement à un jeu politique. Un feuilleton à la Bollywood avec des acteurs locaux. 
 

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