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Scandale Yerrigadoo: les coulisses d’un sprint interminable

14 septembre 2017, 21:42

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Scandale Yerrigadoo: les coulisses d’un sprint interminable

Personne n’aurait imaginé, la semaine dernière, que ce jeudi Ravi Yerrigadoo ne serait plus Attorney General. Le scandale Yerrigadoo, a été, pour «l’express», un véritable marathon couru à un rythme de sprint. Nous vous en révélons les coulisses.

Vendredi. Husein Abdool Rahim essaie de contacter via Facebook un journaliste de l’express. Mais le journaliste n’étant pas «l’ami» du dénonciateur, le message atterrit dans la boîte «message request» et le journaliste ne le voit pas.

Samedi. Husein Abdool Rahim réussit à contacter la responsable d’une des publications de La Sentinelle. Celle-ci lui accorde une heure au téléphone. Elle contacte alors un des responsables de la rédaction de l’express. Un rendez-vous téléphonique est pris pour dimanche matin.

Dimanche matin. Le directeur des publications, Nad Sivaramen, et Husein Abdool Rahim discutent au téléphone. «Je me suis confié à plusieurs personnes. Mais personne ne veut me croire. Ma vie est en danger.» Sceptique, le directeur des publications le reçoit quand même dans les locaux de l’express en compagnie d’un journaliste. La rencontre dure environ deux heures. Il avoue qu’il est poursuivi pour swindling, une affaire dans laquelle il plaide coupable. Difficile d’être convaincant avec une telle casserole. Mais ses messages sur WhatsApp ne mentent pas. La lettre signée par Ravi Yerrigadoo, et tamponnée par son bureau, pour demander à qui de droit d’accepter les versements des gains de bet365 de Husein Abdool Rahim paraît incroyable, mais est bien réelle. À la mi-journée, nous lui demandons de se choisir un avocat. Nous contactons ce dernier qui est de l’opposition. Il reçoit Husein Abdool Rahim en compagnie d’un journaliste de l’express. Il écoute, regarde, lit, consulte, semble surpris, estime que c’est grave, mais au final refuse de prendre l’affaire. Tout est à refaire.

Dimanche après-midi. Husein Abdool Rahim choisit alors un autre avocat : Roshi Bhadain. Nous arrivons à le joindre d’abord par téléphone. Celui-ci reçoit le journaliste, le directeur des publications et le journaliste. L’ancien ministre est évidemment sceptique. Il interroge le dénonciateur, le contre-interroge, tente de le confondre. Mais ce dernier tient bon. Quand il a «fané», il l’avoue. Quand il a été complice, il l’avoue. Tout semble coller. Mais on n’est qu’au début. S’il faut y aller, il faudra tout décortiquer de manière systématique et méthodique. L’idée : pousser Husein Abdool Rahim à jurer un affidavit dès lundi pour qu’il fasse ses allégations sous serment. Entre-temps, il faut rédiger le 1er article : celui qui est paru lundi, axé sur la lettre de Ravi Yerrigadoo.

Dimanche soir. Il faut alors faire appel à un autre journaliste. Tandis que le duo qui était chez Roshi Bhadain retourne à la rédaction pour rédiger l’article de lundi matin, Husein Abdool Rahim est conduit au domicile de cet autre journaliste dans l’Ouest. Il a pour tâche de faciliter le travail de l’avoué en rédigeant la chronologie des événements tout en contre-vérifiant les faits. Mais le travail est titanesque. Il faut que toute l’équipe soit là. Au milieu de la nuit, ils partent alors rejoindre le duo de Port-Louis.

Lundi 1 heure du matin. C’est dans l’appartement d’un des journalistes de Port-Louis que commence le véritable travail de fourmi. Il faut écouter, noter, vérifier les documents et les portables. Cela n’en finit pas.

Lundi 5 heures du matin. L’équipe a un coup de mou. Difficile de tenir le rythme. Une heure de sommeil, petit-déjeuner acheté à Plaine-Verte. Puis on reprend.

Lundi 8 heures. Ashley Hurhangee, qui avait aussi été contacté, est à l’heure. Il frappe à la porte. Il faut tout lui expliquer. Tirant sur sa cigarette, il se montre par moment convaincu, par moment incrédule. Roshi Bhadain arrive aussi. Les deux avocats estiment qu’il vaut mieux attendre mardi pour jurer l’affidavit. Les deux hommes repartent après quelques heures. Ils repasseront plus tard. Le duo de journalistes et Nad Sivaramen reprennent le travail. Il faut aussi travailler sur l’article de mardi, celui consacré à la lettre manuscrite, tout en continuant les vérifications et la rédaction des dires de Husein Abdool Rahim.

La journée de lundi est aussi marquée par les déclarations de Pravind Jugnauth contre les journalistes «pa koné kot inn passé péna degré inn vinn zurnalis». Il y a aussi celle d’Etienne Sinatambou qui en commentant l’article de l’express affirme «fasil koz nimport», et Yogida Sawmynaden qui prétend que son collègue Yerrigadoo est serein. Ce qui fait bien marrer l’équipe de journalistes en songeant à la tête que feraient ces trois politiciens quand toute l’affaire aura éclaté.

Lundi 19 heures. Roshi Bhadain et Ashley Hurhangee sont de retour. Tout est beaucoup plus calme car on approche la fin de la rédaction et la vérification de l’histoire. Chacun prend le soin d’examiner ce qui a été rédigé. On discute, on n’est pas d’accord, il y a des zones d’ombre. On contre-interroge encore Husein Abdool Rahim. Cette séance de travail va se terminer à minuit pile ! Chacun – sauf Husein Abdool Rahim à qui nous avons promis notre soutien et notre sécurité – rentre chez soi, pour enfin un peu de sommeil. Rendez-vous à 9 heures mardi au bureau d’Ashley Hurhangee pour tout repasser au peigne fin, finaliser la rédaction de l’affidavit et vérifier les annexes.

Mardi. Alors que le pays est stupéfait par la note manuscrite, il n’y a pas de temps pour pavoiser. Le travail se poursuit au bureau de l’avoué. C’est à 13 heures que l’affidavit est finalement juré. Husein Abdool Rahim passe chez lui, rencontre ses proches un instant, mais pas question de le laisser là-bas. Il faut sauvegarder les preuves. (Cet exercice n’a finalement été complété que hier soir.) Il faut aussi qu’il accorde une interview à présent.

Mardi 17 h 30. Le pays découvre le visage, l’accent, la locution et l’histoire de Husein Abdool Rahim en live sur Facebook. La vidéo sera vue 21 000 fois. Pendant ce temps, un couac. L’affidavit et ses 33 annexes n’entrent pas sur les deux pages prévues dans l’express de mercredi matin. Il faut donc trier, choisir et éliminer. Décision est prise de renvoyer l’intégralité de l’affidavit et ses annexes sur le site Web de lexpress.mu.

Mercredi. Ravi Yerrigadoo démissionne après la publication par lexpress.mu des 33 annexes!