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Univers carcéral: le berceau derrière les barreaux

9 septembre 2017, 23:30

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Univers carcéral: le berceau derrière les barreaux

La prison lui a appris la discipline. Cette femme et mère de famille veut aujourd’hui que son quotidien soit autre. Linda*, une jeune malgache, veut à présent rentrer chez elle avec son petit garçon né derrière les barreaux. Rencontre à la prison de Beau-Bassin…

Beau-Bassin, en ce jeudi après-midi. Le temps est venteux et le soleil se fait timide. Nous nous trouvons face à une entrée blindée. Le bruit émis en frappant à la porte résonne de toute part. Une petite fenêtre s’ouvre et une gardienne, armée, nous examine de la tête aux pieds. Sans un sourire, elle nous laisse passer. Après l’exercice d’usage – laisser tous ses effets personnels dans un casier – nous sommes fouillés. Ensuite, il faut passer par le détecteur de métaux pour pouvoir accéder à la cour de la prison des femmes. De là, on longe les bureaux administratifs et ensuite l’infirmerie avant d’atterrir devant une autre grande porte, fermée et cadenassée. Celle-ci donne sur plusieurs chambres à coucher. C’est ici que nous rencontrons Linda*.

Cette dernière a déjà purgé cinq ans et quatre mois de sa peine. «J’ai écopé d’une peine de dix ans de prison.» Son délit ? «J’ai transporté de la drogue à Maurice.» Et lors des faits, elle était enceinte. Depuis, elle dit prier Dieu tous les jours pour trouver une solution à son problème. «J’ai un fils de quatre ans. D’ici peu, il aura cinq ans.»

Elle sait que la loi interdit que les enfants de cinq ans restent avec leur mère. «J’ai déjà fait des démarches pour que l’on nous rapatrie à Madagascar. Moi, je continuerai à purger les quatre ans qu’il me reste et mon fils sera confié à ma famille. Ici, à Maurice, je n’ai personne», ajoute-t-elle, les larmes aux yeux. Mais les démarches auprès des autorités tardent à aboutir. «D’ici peu tout sera réglé», laisse-t-on entendre.

Les mères en prison peuvent garder leurs enfants avec elles jusqu’à leurs cinq ans.

En attendant de rentrer chez elle, Linda et son petit bonhomme continuent leur cheminement. Elle reconnaît que les conditions sont moins dures pour elle comparativement aux autres prisonnières. «Nous avons une chambre et un lit confortable. Des toilettes et une salle de bains propres. Une cuisine également et même un salon où l’on peut regarder la télé avec les enfants.»

Quelques années de cela, ce luxe ne leur était pas permis. «Nous étions dans une salle où les rats faisaient le va-et-vient. Ce n’était pas hygiénique pour les enfants.» C’est le commissaire des prisons, Vinod Appadoo, qui a demandé que les prisonnières- mères puissent avoir un quotidien plus ou moins confortable.

Linda démarre sa journée à 5 heures du matin. «Après ma prière, je prépare le petit déjeuner de mon fils. Parfois c’est du pain frais, par moments des céréales, des fruits et du lait. Ensuite, vers 6 h 15, c’est le réveil pour mon petit chou. Après avoir mangé, je lui donne son bain et je le prépare pour l’école.»

Pendant que son fils fréquente l’école préscolaire de la région, elle doit vaquer à ses devoirs, notamment jardiner ou aller aider à la pâtisserie, ou encore à l’atelier de la prison. «Vers 16 heures, j’attends le retour de mon fils de l’école. Je lui fais prendre son bain, lui donne à manger et on joue ensemble. Dans la soirée, quand les portes seront verrouillées, je vais l’aider à faire ses devoirs. En gros, il mène la vie de n’importe quel petit garçon.»

Mais Linda ne peut s’empêcher d’avoir le coeur gros derrière les barreaux. «Quand il était plus petit, il ne se souciait pas de l’endroit où l’on se trouvait. Maintenant, il n’arrête pas de demander quand on va quitter ce lieu. “Mo senti moi tout seul maman, mo fatigué reste ici”, n’arrête-t-il pas de me répéter. Et, il me fait de grosses crises juste après.» La prison reste la prison. «La liberté, c’est vraiment une autre chose.»

Comme Linda, elles sont trois autres mères à ainsi purger leur peine. Deux ont des petits âgés d’un an tout au plus alors que le benjamin du groupe a quatre mois. «On vient de célébrer ses quatre mois, la semaine dernière», lance sa mère. Cette dernière ne peut retenir ses larmes en pensant à ses sept autres enfants qui sont en dehors de la prison et qui attendent son retour.

«La vie est très dure ici. Même si l’on n’a pas de barreaux autour de nous, nous savons que nous ne sommes pas libres. Nous comptons les jours qu’ils nous restent avant de pouvoir de nouveau respirer l’air frais…» D’ici là, elles continuent toutes à s’armer de courage…