Publicité

Violence domestique: «Seule la femme est reconnue comme victime selon la loi»

6 septembre 2017, 12:30

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

 Violence domestique: «Seule la femme est reconnue comme victime selon la loi»

Le meurtre de Vidwantee Jhurree, le dimanche 3 septembre, relance le débat sur la violence domestique. Avec 4 671 cas répertoriés en 2016 et 694 cas de janvier à mars 2017, le renforcement légal est une nouvelle fois plébiscité. Darmen Appadoo s’y oppose fermement et appelle à la considération des hommes victimes. Le point.

694 cas de violence domestique, dont 86 concernant les hommes victimes, ont été répertoriés par le Family Support Bureau du ministère. Votre constat?

Ces chiffres sont erronés. Et j’insiste dessus. Ceci est dû à l’application des lois actuelles. Prenons un cas où une femme est victime et demande un ordre de protection contre son époux qui serait violent. Ce dernier a une chance de se défendre en cour. Pour cela, il devra prendre un avocat et entamer une procédure légale qui coûtera Rs 25 000. À l’inverse, il peut écoper d’une amende de Rs 2 000 pour entrave à la Domestic Violence Act. Que va-t-il choisir ? La facilité : donc le montant le moins élevé. Aussitôt qu’il fait cela, même s’il est innocent, il entre dans les statistiques ! Cela ne reflète pas la réalité.

Vous semblez critique à l’égard des lois. Pourquoi ?

Depuis 2015, les amendements à la Domestic Violence Act avaient été mentionnés. Nous nous étions élevés contre cela, estimant que ce n’est pas une solution. Quand la loi a été promulguée pour la première fois en 1996, c’était parce qu’il y avait un vide légal. Il faut avoir une loi. Malheureusement, dans sa mise en œuvre, ce n’est que la femme qui est reconnue comme victime. Pourtant, aucune loi ne doit prôner la discrimination. C’est anticonstitutionnel. De plus, à l’époque, il y avait beaucoup de femmes victimes. L’ordre de protection a d’ailleurs été mis sur pied pour les protéger. Des mécanismes ont également été institués pour renforcer la loi, notamment le Family Support Bureau, la Police Family Protection Unit etc. Du moins, ils étaient supposés le faire….

Que voulez-vous dire ?

En considérant les statistiques, la violence conjugale est en constante augmentation. Que se passe-t-il au niveau de ces départements et structures ? Depuis sa promulgation, les dispositions légales ont été amendées à quatre reprises. La dernière en date remonte à mai-juin 2015. Je suis contre ! Car jamais cela ne va résoudre la violence. De plus, nous disposons d’un ministère de l’Égalité du genre qui a changé d’appellation après un long historique de ministère de la Femme.

Les chiffres sont compilés par des femmes. Je n’ai rien contre elles. Mais regardez les campagnes de sensibilisation à ce fléau. Ciblent-elles les hommes victimes ? Sont-elles en train de leur donner les informations sur les lois ? Beaucoup d’entre eux ne connaissent même pas leurs droits. Ceci se reflète aussi sur les affiches. On voit souvent un homme en train d’agresser une femme. La mentalité est déjà biaisée. Au fond, le ministère ne fonctionne pas comme celui de l’Égalité du genre mais comme celui de la Femme…

Vous êtes très braqué contre les femmes… Pourquoi ?

En dépit du changement d’appellation, il est capital que ces autorités agissent tel quel. Dans la Constitution, il ne doit y avoir de discrimination sur la base du sexe. La mentalité est que la femme est toujours victime de violence domestique. Moi, en tant qu’homme, qu’est-ce que je suis ? Je compte pour des clous ? D’autant que ces agences de renforcement sont principalement composées de femmes officiers.

Il est vrai qu’auparavant, il était complexe pour la femme de dénoncer ces abus à la police. À l’inverse, les hommes, victimes de violence, sont très émotifs. Il leur est difficile d’exprimer la violence subie. Et ce qu’elle soit physique ou psychologique. Dans les postes de police, l’attitude des policiers à l’égard d’un homme-victime est déplorable. Celui-ci est stigmatisé.

Le protection order est souvent décrié comme utilisé pour certains abus. Votre avis ?

Récemment, un jugement a été rendu en faveur d’un homme contre lequel l’ordre de protection avait été servi. Imaginez dans le cas d’un couple marié où il y a de la violence domestique. Si une victime reçoit l’ordre de protection, l’agresseur ne peut s’approcher d’elle. Maintenant, la cour doit statuer sur le droit de visite des enfants. Où celle-ci aura lieu ? Au domicile de la mère la plupart du temps. N’est-ce pas contraire aux conditions de l’ordre de protection ? Cela se distribue trop comme des petits pâtés. C’est en ce sens qu’il y a des abus. On peut empêcher un père de visiter ses enfants. C’est ce que nous revendiquons depuis longtemps. Comme je le disais, l’application de la loi ne suit pas.

Quelles sont les mesures pour y remédier?

Il faut poser la question à ces fonctionnaires et spécialistes grassement payés. Récemment, il y a des experts qui sont venus à Maurice pour sensibiliser les magistrats à la violence domestique dans le traitement en cour. Considérons le meurtre de l’Écossaise, Janice Farman. La police a traité son époux comme un suspect. C’est comme si que dès qu’il y a un problème, le mari est en cause.

Je réitère mon insistance : le durcissement des lois n’est pas une solution. Au contraire, on aura des situations où la victime peut être tuée à travers la violence et son conjoint se suicide après. Je ne suis ni un expert ni un prophète de malheur. Je dis juste qu’il y a une façon de traiter les cas.

Revenons aux solutions. Que préconisez-vous concrètement?

Ce sont des situations extrêmement difficiles. Toutes les campagnes de sensibilisation sont faites par les femmes pour les femmes. Il faut un programme intégratif, donc pour tous. La base d’égalité doit s’appliquer en tout cas. La loi parle de victime, pas spécifiquement de femme. Mais dans l’application, on considère que c’est davantage elle qui est victime et que l’homme est le bourreau. Soyons clairs : la violence conjugale n’est pas une nouveauté en soi. Il y a vraiment des femmes qui subissent ces agressions. Mais les hommes ne sont pas tous des tortionnaires. La façon dont le problème est cerné pour toute analyse est biaisée.

Aux dernières élections, j’avais proposé qu’on place un homme à la tête du ministère de l’Égalité du genre, mais en vain. Et pourquoi pas dans le fond ? Est-ce juste la femme qui a des compétences ? Nous avons bien une femme présidente de la République. Même au sein des agences de renforcement, ce sont des femmes qui les gèrent. Pourquoi ne pas y intégrer les hommes ?

Bio Express

	<p>Divorcé, Darmen Appadoo a eu l&rsquo;idée de créer l&rsquo;association SOS Papa en 2007. C&rsquo;est en se rendant en cour de justice qu&rsquo;il est surpris par les nombreuses procédures que nécessite le droit de visite aux enfants. À côté, il y avait l&rsquo;attitude des magistrats, la pension à payer et bien d&rsquo;autres étapes. Président de cette organisation composée d&rsquo;un comité exécutif de dix personnes et d&rsquo;une centaine de membres, il dirige parallèlement un atelier de métallurgie.</p>
</div>