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Aurélie Marie: «Nous devons former des jeunes employables et non des jeunes diplômés»

30 août 2017, 22:29

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Aurélie Marie: «Nous devons former des jeunes employables et non des jeunes diplômés»

Chasse de tête, filières en manque d’intérêt, «mismatch» entre la demande et l’offre d’emploi : le recrutement en ligne soulève plusieurs interrogations. Aurélie Marie, à l’occasion du dixième anniversaire de myjob.mu, analyse ces aspects.

Quel est votre bilan suivant les dix ans d’existence de myjob.mu ?

En quelques chiffres, ces 10 ans représentent plus de 300 000 visites par mois, 250 000 candidats dans notre base de données, une moyenne de 56 000 candidatures envoyées chaque mois via notre plateforme de recrutement et, enfin, l’élément clé qui résume ce parcours d’investissement et d’innovation : les 60 000 candidats placés en entreprise. Nous offrons différents services aux entreprises pour publier des annonces en ligne et communiquer sur leurs recrutements. Nous avons également un service de placement pour les candidats. Parallèlement, nous les aidons à améliorer leur curriculum vitae (CV) et à se préparer pour un entretien d’embauche.

Comment la technologie a-t-elle changé la façon de recruter le personnel ?

Les nouvelles technologies ont facilité l’exercice de recrutement. Les offres d’emploi sont connues en temps réel, les candidatures envoyées en quelques clics et le traitement des CV se fait plus rapidement et de façon organisée. Sur myjob.mu, nous avons mis en place des outils de gestion de candidatures afin d’optimiser le tri et l’approche des candidats.

Quel est le profil des postulants qui viennent sur le site ?

Notre site recense des postes vacants dans 36 catégories de métiers. Par exemple, cela va de la construction au textile, en passant par l’import, l’export, la communication et les relations publiques, l’agriculture, l’environnement, l’assurance, le spa et le sport, entre autres. Nous avons des postes opérationnels et des postes à pourvoir au niveau du management. Les profils sont variés. Jeunes diplômés, professionnels formés sur le terrain, les seniors ayant une grande maturité et de nombreux acquis de l’expérience. La répartition hommes/femmes est équitable.

Le recrutement en ligne constitue une innovation à Maurice. Est-ce que cela paie ?

Effectivement, je pense que le «sourcing» des candidats via le recrutement en ligne est plus vaste et surtout plus rapide. Il permet de réunir en un temps limité de nombreux profils. Pour autant, la procédure de présélection, les entretiens, l’évaluation et l’intégration des candidats en poste ne changent pas. Le professionnalisme attendu des candidats reste de rigueur. Aujourd’hui, d’un simple smartphone il est possible de postuler à une offre d’emploi et faire le suivi de ses candidatures. Récolter tous les CV sur une même plateforme facilite également le travail du recruteur. En somme, ce type de recrutement intègre la facilité, l’accessibilité et la rapidité dans ce processus. C’est un bon créneau qui rapporte financièrement car cela répond au besoin de l’emploi. Les entreprises auront toujours besoin de recruter et, en parallèle, les candidats auront toujours besoin de trouver de l’emploi. C’est un domaine qui ne connaît pas la crise.

«Les idées reçues autour des métiers d’avocat ou de médecin sont associées à de beaux salaires et à la notoriété. L’offre pour ces professions s’affaiblit…»

Le recours aux chasseurs de tête est un phénomène corollaire qui gagne en importance. Quelle proportion de vos activités économiques y est consacrée ?

Nous avons mis en place un outil, le «Talent Search», qui permet à travers notre banque de CV de faire la chasse de tête. Les recruteurs peuvent faire des recherches ciblées de candidats qu’ils souhaitent attirer. Initialement, cette pratique de recrutement s’adressait essentiellement aux profils dits de «top management», c’est-à-dire surtout les dirigeants et cadres. Petit à petit, l’approche directe s’est élargie à des profils plus variés dont les compétences sont pointues et en pénurie sur le marché.

Comment cette option optimise-t-elle le recrutement aujourd’hui et quel est son avenir ?

La chasse de tête, c’est l’avenir des cabinets de recrutement car elle permet d’élargir le panel de candidats et de maximiser les chances de dénicher LA bonne personne. Cependant elle engage des coûts parfois importants : rémunération du cabinet de recrutement et salaire et avantages pour la nouvelle recrue plus onéreux pour l’entreprise. Il faut donc les considérer.

«Nous avons mis en place un outil, le ‘Talent Search’, qui permet à travers notre banque de CV de faire la chasse de tête.»

Dans le monde de l’emploi, le «mismatch» entre l’offre et la demande est souvent décrié. Quelles sont les facettes du phénomène observées au fil de votre service ?

Mettons la création d’emplois de côté. Quoiqu’il faut souligner que cela demeure le premier enjeu pour le pays puisque l’offre d’emploi est largement inférieure à la demande. En fait, l’une des priorités pour réduire cette inadéquation entre l’offre et la demande est l’orientation professionnelle des jeunes. Cibles du chômage, de nombreux jeunes âgés entre 18 et 25 ans n’ont malheureusement pas fait les bons choix de carrière. De par les sessions de formation que nous animons dans une cinquantaine de collèges à Maurice, nous réalisons en discutant avec les jeunes qu’ils sont tous façonnés autour du même concept de métier.

Par exemple, ils veulent être comptables. Chez les garçons, le métier souhaité est ingénieur civil, avocat, médecin, architecte. Et chez les filles, c’est la psychologie et le professorat qui sont formatés. Parallèlement, le secteur qui recrute, par exemple les TIC, ne les intéresse plus car ils ne connaissent pas les métiers du domaine. Les jeunes pensent notamment que cela se résume à la programmation, au développement des logiciels, etc. Pourtant, il y a tant de professions d’avenir telles que «Social media moderator», «Web editor» ou des postes en sécurité et gestion des risques. Mais pour cela, il faut maîtriser le domaine.

Les idées reçues autour des métiers d’avocat ou de médecin sont associées à de beaux salaires et à la notoriété. L’offre pour ces professions s’affaiblit alors que pour d’autres métiers, notamment dans les TIC ou l’ingénierie, les profils sont rares à trouver. Il faut revoir la base même de l’orientation des jeunes, adapter les formations aux besoins des entreprises, miser sur l’alternance pour le développement de compétences pratiques et sur la formation continue pour l’adaptation des compétences aux évolutions en entreprise. Nous devons former des jeunes employables avant tout et arrêter de former des jeunes diplômés. L’employabilité est autant des compétences techniques, sociales, relationnelles en communication sans oublier la bonne attitude.

Au sein de quelle filière d’activités économiques recensez-vous plus de demandes d’emplois et quel en est le potentiel ?

Nous avons un top 5 des secteurs qui recrutent en ligne et qui maintiennent un bon niveau en matière de recrutement : le secteur des TIC (en moyenne 175 postes vacants mensuellement), celui des services notamment BPO ainsi que l’hôtellerie et le tourisme (incluant la restauration). Ce domaine s’avère un excellent élève en recrutement cette année-ci. Le secteur financier, le commerce et la grande distribution/logistique soutiennent également les recrutements. Le plus porteur est celui des TIC. Mais c’est paradoxal car nous peinons à y recruter à cause du désintéressement des jeunes. Aussi, on fait venir des Malgaches, des Français, entre autres professionnels, pour ces domaines alors que les emplois peuvent être créés ici. En fait, le secteur des TIC est le premier à recruter mais c’est aussi celui qui peine le plus à y parvenir. Le potentiel de développement existe mais si la formation ne suit pas, nous allons vers une grosse pénurie de main-d’œuvre.

Pouvez-vous faire une projection de l’évolution du taux du chômage ?

Je pense que le chômage va maintenir sa moyenne de 8 %. À l’avenir, je ne vois que baisse. Cela dit, sur les cinq prochaines années, on devra effacer les candidats qui n’ont pas été bien canalisés vers les bons secteurs. Pour améliorer ce taux, il faut miser sur deux aspects. Tout d’abord, il y a le développement économique avec une meilleure croissance en termes de création d’emplois. Deuxièmement, il faut miser sur une meilleure orientation professionnelle des jeunes. Cela doit commencer depuis le collège.

Miser sur le capital humain tout en visant plus haut

<p>Créée le 9 août 2007, l&rsquo;agence Myjob.mu célèbre ses dix années d&rsquo;existence. L&rsquo;entreprise est composée d&rsquo;une équipe de onze personnes. Elle fait partie du groupe Stepstone, basé en Allemagne. Celui-ci existe depuis 1996 et est présent aux États-Unis, en Asie et en Afrique dont fait partie myjob.mu. L&rsquo;objectif de cette agence est de mettre en relation directe les recruteurs et les candidats en recherche d&rsquo;une nouvelle opportunité d&rsquo;emploi. Dans le cadre des célébrations des 10 ans, une série d&rsquo;activités a été organisée pour le personnel et les collaborateurs de myjob.mu. <em>&laquo;Nous voulions miser sur notre capital humain, la motivation et viser encore plus haut le sens du service&raquo;, </em>précise Aurélie Marie.</p>