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Dr Shivraj Sohur: le diabète, un problème de sécurité nationale

13 août 2017, 02:30

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Dr Shivraj Sohur: le diabète, un problème de sécurité nationale

La prévalence du diabète à Maurice est de 22 % et plus de 19 % de la population est en étape pré-diabétique. Il y a péril en la demeure. C’est une question de sécurité nationale qu’il faut traiter comme telle. C’est la conviction de Shivraj Sohur, neurologue et chercheur mauricien chez Pfizer, à Boston. Son plan 5-2035 vise à ramener ce taux à 5 % d’ici 2035. 

Le Dr Shivraj Sohur a fait la semaine dernière une visite éclair à Maurice. Il en a profité pour présenter son plan au ministre de la Santé et au Premier ministre. Ramener la prévalence du diabète à 5 % d’ici 2035, n’estce pas utopique ? Lui, ne le croit pas. «Si nous travaillons ensemble pour valoriser les communautés afin qu’elles fassent des choix raisonnables pour améliorer leur santé collective, nous pourrons renverser la vapeur», estime-t-il. Le Dr Sohur serait-il un doux rêveur ? Pas si sûr. 

Shivraj Sohur est né voilà 47 ans à l’Espérance-Trébuchet. Il est issu d’une famille modeste. «Ma mère, qui a pendant des années travaillé dans une usine de textile pour nous permettre de joindre les deux bouts, est mon héroïne d’enfance.» Il fait ses études secondaires au Collège Royal de Port-Louis. «Mon père était enseignant d’anglais. Il lisait énormément. J’ai été fasciné par un de ses livres, intitulé Le Sorcier Blanc, autobiographie d’Albert Schweitzer. Il s’est d’ailleurs vu attribuer le prix Nobel de la Paix en 1952. Ce livre m’a inspiré et m’a fait choisir la médecine.» 

Après avoir obtenu ses résultats du secondaire, un ami lui conseille de passer par l’United States Information Service afin de pouvoir intégrer une université américaine. C’est ce que Shivraj Sohur fait. Et l’Angelo State University du Texas lui offre une bourse alléchante. Il tombe amoureux des États-Unis et en particulier du Texas. Des liens qu’il a conservés jusqu’ici car il y est régulièrement invité pour intervenir à l’université. 

Il bénéficie ensuite d’une bourse à l’université de Vanderbilt, au Tennessee, où il obtient son Masters Degree et son doctorat, sa thèse portant sur l’immunologie moléculaire. «Mais la chose la plus importante que j’ai accomplie à Nashville, c’est d’y rencontrer ma meilleure amie, Suzanne, que j’ai épousée et qui est la mère de nos enfants, Arjun, 14 ans, et Raina, 12 ans.» 

En 2001, Suzanne, doctorante en biochimie, et lui mettent le cap sur Boston. Il fait un stage avancé à Harvard pour se spécialiser en neurologie, avec super spécialisation en maladie de Parkinson et d’autres désordres comportementaux. Il se fait embaucher comme chargé de cours à Harvard et au Massachusetts General Hospital (MGH) en tant que médecin-chercheur. 

En janvier 2016, c’est le laboratoire international Pfizer qui le débauche pour intégrer l’équipe menant des recherches cliniques sur les troubles neurologiques. Il n’abandonne pas le MGH pour autant où il ausculte des patients à temps partiel et enseigne la neurologie clinique aux étudiants en médecine. À Pfizer, il étudie actuellement une molécule qui pourrait traiter le Parkinson. Découverte en 2005, la molécule est en phase d’essais cliniques à l’échelle mondiale.

«80 % des maladies liées au diabète sont évitables.»

Comment passe-t-on de la neurologie à un plan pour lutter contre le diabète ? La raison est émotionnelle. Sa mère meurt subitement des complications du diabète à 61 ans en 2005. Quelques mois après, son père a une attaque débilitante et disparaît sept ans après. Des disparitions qui font sérieusement réfléchir. 

Presque 40 % de la population est diabétique, soit un des taux les plus élevés au monde, explique-t-il. «Le diabète et toutes ses complications, notamment cardiovasculaires que l’on nomme maladies chroniques non transmissibles, sont un fléau mondial. Et pourtant, 80 % de ces maladies sont évitables.» Il poursuit que 80 % de ces cas auraient pu être évités si la population avait la volonté nationale de les diminuer. 

«Le diabète est devenu une question de sécurité nationale pour notre pays. Si nous ne faisons pas cause commune comme une nation soudée pour le combattre avec une volonté féroce et soutenue, le sort de notre pays sera peu réjouissant. Nous devons faire un changement de paradigme dans la lutte contre les maladies chroniques non transmissibles.» 

Après la mort de sa mère, il dit avoir beaucoup réfléchi et discuté avec ses amis et collègues à Harvard et de par le monde. «Ma question était : si nous voulons changer la trajectoire meurtrière d’un pays en matière de maladies non transmissibles, que doit-on faire ?» Pendant près de dix ans, il profite de son temps libre pour établir un plan communautaire nommé 5-2035 qui se présente sous forme d’un rapport de 75 pages. C’est ce qu’il a d’ailleurs présenté au ministre Anwar Husnoo et à Pravind Jugnauth la semaine dernière. 

«Nous avons à peu près 230 centres de santé gouvernementaux dans l’île. Nous pouvons y créer des clusters d’un millier de citoyens qui y seraient soignés par un infirmier communautaire.» Chaque groupe de dix infirmiers communautaires serait encadré par un médecin communautaire évoluant dans une nouvelle institution gouvernementale de santé communautaire, ajoute-t-il. 

«Avec ce système efficace, nous pouvons suivre nos citoyens présentant une maladie chronique non transmissible avec plus de régularité et de succès. Nous pourrons aussi identifier des personnes à risque et intervenir pour éviter qu’elles ne tombent malades.» Avec ce système de santé communautaire, on peut obtenir la participation des communautés pour qu’elles combattent ces maladies chroniques non transmissibles par des actions qui amélioreront le style de vie, les régimes alimentaires, tout en unissant la nation, poursuit-il. «Si nous faisons cela, nous deviendrons un modèle de santé nationale pour la planète, tout en préservant notre nation d’une crise de sécurité nationale que représentent le diabète et ses corollaires.» 

Ses idées ont fait du chemin car le ministère de la Santé a entamé une étude de faisabilité par rapport à son plan 5-2035. L’étude a pour but d’identifier des communautés où il serait possible de mener des projets-pilotes inspirés de ce plan 5-2035.