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Ignace Lam: «Le marché est saturé mais d’autres opportunités existent»

10 août 2017, 02:00

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 Ignace Lam: «Le marché est saturé mais d’autres opportunités existent»

Le secteur de la grande distribution est très compétitif, les opérateurs veulent tous se tailler la part du lion mais des opportunités existent. Après l’annonce du rachat des supermarchés Monoprix par le groupe IBLL, Ignace Lam, directeur de la chaîne de supermarchés Intermart fait le point sur le secteur à Maurice.

Comment se porte le secteur de la grande distribution actuellement ?

Depuis ces cinq dernières années il y a une reconfiguration de la grande distribution, notamment avec l’arrivée de nouvelles enseignes comme Dream Price, Mastersavers et Kingsavers, entre autres. Au cours de ces dix dernières années, la moyenne de croissance du secteur tourne autour de 5 % par an. Le nombre croissant de nouveaux opérateurs nous fait réaliser que la compétition devient encore plus féroce qu’elle ne l’était déjà. Je constate aussi que le niveau s’est beaucoup amélioré ces dernières années, que ce soit au niveau du service, de la publicité ou encore de l’hygiène.

Lorsqu’on regarde l’évolution du secteur, vous remarquerez qu’en 1993 il y a eu l’arrivée du premier hypermarché du pays, Continent, avec des boutiques qui gravitent autour. Le modèle a changé avec l’arrivée de Shoprite, qui s’est tourné vers le concept de centre commercial. De nos jours, c’est le centre commercial, qui inclut un hypermarché. Celui de Phoenix, par exemple, a suivi cette tendance.

Quelle lecture faites-vous du rachat de Monoprix par le groupe IBL dans ce contexte ?

Cela reflète la compétitivité dans ce secteur. Il y a quelques années, Pick n Pay a fermé. Maintenant Monoprix, un des pionniers dans le secteur, qui opérait trois magasins à Maurice, à Curepipe, Cascavelle et Bagatelle. L’enseigne s’est retrouvée en difficulté et a été rachetée. Donc cet évènement est la preuve que le secteur est très compétitif. Les nouveaux arrivants parviendront- ils à se frayer un chemin sur le long terme ? Seul l’avenir le dira.

Cela suppose-t-il que le secteur est arrivé à un point de saturation ?

Tout à fait. Avec une croissance moyenne ne dépassant pas 5 % par an, nous tentons tous de ronger dans le même marché. Mais il reste tout de même de la place pour d’autres opérateurs.

C’est-à-dire ?

Il y a de la place à cause de la faiblesse de certains opérateurs, notamment les enseignes étrangères qui ne connaissent pas bien le marché mauricien. Les exemples parlent d’eux-mêmes : il y a eu le départ de Pick n Pay. Shoprite n’arrive pas à bien décoller et Monoprix, qui était en difficulté, vient de trouver un repreneur. Du coup, il reste des opportunités à saisir, malgré la forte concurrence au sein du secteur.

Quelle serait la meilleure approche selon vous dans la grande distribution ?

Aussi longtemps que les consommateurs peuvent en tirer profit, tant mieux. The fittest survives.

Ce rachat apportera-t-il une nouvelle configuration au secteur ?

Je ne crois pas que le rachat de trois supermarchés aura un gros impact sur la configuration actuelle du secteur. Les nouveaux opérateurs ont tous l’air d’être en bonne santé financière tout en étant bien structurés.

Quelles sont les principales difficultés du secteur actuellement ?

Le gros problème se situe au niveau du personnel car nos magasins ont différentes sections, telles que la boulangerie, la pâtisserie, la charcuterie ou encore la caisse. Contrairement aux autres secteurs, la grande distribution requiert beaucoup de main-d’oeuvre avec une grande variété de compétences, ce qui est de plus en plus difficile à trouver. D’autres secteurs, comme le textile, par exemple, parviennent plus facilement à recruter de la main-d’oeuvre étrangère car les compétences recherchées sont bien plus spécifiques en comparaison avec le nôtre.

Comment gérez-vous cette situation ?

Nous gérons cela au jour le jour. Les gens ne sont pas intéressés à rejoindre ce secteur. Il faut dire que le manque de main-d’oeuvre est dû à diverses raisons. Par exemple, de moins en moins de jeunes veulent pratiquer ce type de métier, privilégiant plus le travail de bureau. Je pense qu’à l’avenir le problème de manque de main-d’oeuvre ira en empirant.

Avez-vous fait des propositions au gouvernement pour faciliter le recrutement de travailleurs étrangers ?

Nous avons évoqué le problème au niveau de la Chambre de commerce, qui connaît parfaitement nos difficultés. Il est impérieux de recruter de la main-d’oeuvre étrangère et faciliter les procédures pour les secteurs qui en ont le plus besoin, comme le nôtre. Prenons l’exemple du Singapour. Au cas contraire, qui va construire nos bâtiments et opérer nos usines ?

Revenons au rachat de Monoprix par IBLL. Que pensez-vous de l’enquête préliminaire entamée par la Competition Commission (CCM) pour déterminer si l’acheteur aura un contrôle sur le marché avec un seuil de 30 % ?

Normalement, à l’étranger, l’on considère que le seuil de 30 % est critique pour déterminer si un opérateur a le monopole. C’est un seuil que l’on considère comme étant critique en Europe, par exemple. À Maurice, par contre, les 30 % ne sont pas tout à fait applicables. Car en Europe, il y a de gros opérateurs. L’un d’entre eux peut détenir 29 % du marché et le second 15 %, par exemple. Alors qu’à Maurice, il y a un gros opérateur qui détient déjà 20 à 22 % du marché. En faisant une acquisition, il passe à 26 %. Le reste du marché est divisé entre plusieurs petits opérateurs. Le groupe Way, par exemple, regroupe plusieurs opérateurs, notamment des commerçants indépendants. Du coup, nous ne pouvons pas calquer le seuil de 30 %, qui est valable en Europe, au contexte mauricien. Aucune loi ne spécifie ce pourcentage à Maurice, sauf en Europe où c’est le yardstick. C’est à la Competition Commission de déterminer ce taux en tenant compte du contexte local. À mon avis cela devrait tourner autour de 20 % et 25 %.

Quel constat faites-vous de la consommation ?

En général, je note que le coût de la vie s’est bien stabilisé ces dernières années. Il y a eu des hausses de prix depuis quelques jours, certes, mais si l’on observe bien, depuis ces cinq dernières années, il n’y a pas eu d’augmentations conséquentes. Par contre, je suis très sensible aux doléances des consommateurs par rapport à l’accroissement du prix de l’alcool et de la cigarette. Je me demande si l’objectif de cette décision du gouvernement est de réduire la consommation d’alcool et de cigarette ou d’accroître ses revenus ? Car j’estime que même avec l’augmentation de prix, la consommation restera le même et aujourd’hui ce sont les petites gens qui en font les frais. Ils se tourneront de plus en plus vers le bas de gamme.

Qu’en est-il des projets du groupe Intermart ? Après l’ouverture d’une succursale à Beau-Bassin, quelle est votre stratégie de développement à travers le pays ?

Chaque magasin a ses propres spécificités et ses compétences selon ces spécificités. Au niveau d’Intermart, nous iront là où il y a demande. Il y a trois facteurs qui déterminent notre stratégie : la demande, la logistique et la main-d’oeuvre disponible pour ouvrir un magasin. Nous comptons certainement en ouvrir d’autres à travers le pays, selon nos priorités respectives pour chaque région.