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Roshi Bhadain: «Je ne suis pas un fou furieux»

11 juillet 2017, 22:30

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Roshi Bhadain: «Je ne suis pas un fou furieux»

Objet d’anathème pour les uns, figure du changement pour les autres, Roshi Bhadain aura à peu près tout fait en six mois : désertant le gouvernement pour accoucher d’un parti ; lâchant son siège de député pour provoquer une partielle. Cet homme est-il double, triple, quadruple ? Est-il fou ? Rencontre avec un insaisissable maillot jaune.

Vous voyez-vous comme une divinité politique ?
Je suis Roshi Bhadain, simple citoyen, protégé par Dieu.

Sur Top FM, mercredi dernier, je vous cite : «Ma réélection serait la victoire du Bien sur le Mal.» Vous pensez incarner le Bien ?
Absolument. Ma conscience est mon patron. Et ma conscience me dit que pour faire le Bien, il ne suffit pas de s’en tenir aux bonnes intentions. Il faut projeter le regard au loin et agir, ce que je m’efforce de faire. J’ai la conviction que le Metro Express va nous tuer, au mieux nous étrangler économiquement. Après la mort, la tisane ? Bah non. La tisane, c’est maintenant.

Pouvez-vous dire, en une phrase, la raison de votre démission du Parlement ?
En trois mots : pour mon pays.

J’ai dit la vraie raison…
C’est la vraie raison ! J’ai démissionné du Parlement pour mon pays.

Le pays gagne quoi avec cette élection ?
Il gagne la possibilité de dire non à un projet scélérat. Le Metro Express va nous tuer, au sens figuré comme au sens propre. Économiquement, c’est un non-sens et les risques d’accidents sont sous-évalués. On veut quoi, un autre Sorèze ? Je l’ai dit à Bodha : «To pou fini kouma Bachoo», avec des morts sur la conscience.

Et votre réélection stopperait le projet ?
Non, ce serait une première étape. J’ai ma stratégie. En étant réélu, j’aurais toute la légitimité pour dire au gouvernement indien : «Merci, mais gardez votre argent. Ne soyez pas les complices d’une catastrophe annoncée.» N’oubliez pas que j’ai été le premier à aller négocier avec Arun Jaitley (NdlR, le ministre indien des Finances). Je retournerai là-bas s’il le faut, j’irai les convaincre. J’ai d’ailleurs commencé. Le haut-commissariat de l’Inde m’a reçu avant ma démission. J’ai fait passer le message.

C’est donc l’objectif final, convaincre l’Inde de se désister ?
Pas seulement. Je veux donner aux habitants de Belle-Rose–Quatre-Bornes l’occasion de punir ce gouvernement. Et aussi rendre mon ticket. Mon move dans l’opposition, le peuple ne l’a pas validé. J’ai été élu sous une bannière que j’ai quittée, je veux être élu sous la bannière que j’ai créée.

Elle est tordue, votre démarche…
(Il hausse le ton) Qu’est-ce qui est tordu ?

Je ne connais personne qui a divorcé d’avec sa femme pour la redemander en mariage le lendemain…
Je ne vois pas les choses comme ça.

C’est pourtant la réalité…
Je ne quitte pas les électeurs de Belle-Rose–Quatre-Bornes. Au contraire, je veux renouveler notre engagement, mais comme le leader du Reform Party. Prenez le cas d’ArvinBoolell. Lui, il quitte sa femme à Rose-Belle et vient voir celle d’un autre à Belle-Rose. Le plus fort, c’est qu’il vous dit qu’après cette incartade, il retournera avec sa première femme. C’est qui le plus tordu ?

Que vous a-t-il dit pour vous décourager de démissionner ?
Il avait peur que Ramgoolam soit candidat. Finalement, il est allé négocier un ticket avec son maître.


«Moi, mégalomane ? Faut arrêter avec ces conneries. La vérité, c’est que j’ai tout quitté. Je suis à poil.»


N’y a-t-il pas aussi, derrière votre démarche, un égocentrisme obstiné ?
Il y a un patriotisme obstiné. Je ne suis pas un politicien, je suis un patriote. J’aime mon pays à la folie. Quand vous aurez compris ça, vous aurez fait un grand pas.

En gros, vous n’assumez pas votre mégalomanie…
(Rire sonore) Moi, mégalomane? Faut arrêter avec ces conneries. La vérité, c’est que j’ai tout quitté. Je suis à poil. Mon salaire de ministre, Rs 330 000, celui de député, Rs 156 000, j’ai fait une croix sur tout ça. Je passe mes journées à m’occuper des autres, à essayer de convaincre. Si c’est ça être mégalo, eh bien j’en suis.

Mais vous adorez vous poser en homme providentiel…
Parce que l’heure est grave ! Cela me tue que les gens ne réalisent pas. Nous avons un endettement de Rs 296 milliards, c’est gigantesque. Ajoutez la dette extérieure contractée auprès de l’Inde et le Government Borrowing Requirement, ça nous fait Rs 380 milliards de dette en 2020. Techniquement, ça s’appelle une faillite. Ce n’est pas Roshi Bhadain qui le dit, ce sont les chiffres du Budget de Pravind Jugnauth.

Admettons que le diagnostic soit le bon. N’êtes-vous pas plus utile au Parlement ?
Un projet comme le Metro Express, vous ne l’arrêtez pas avec des discours au Parlement. Le seul levier, c’est le peuple. S’il se lève pour dire non, vous avez alors une chance. C’est comme ça que je vois les choses. Dans l’idéal, j’aurais préféré un référendum en bonne et due forme. Le gouvernement dit non, eh bien je crée le référendum.

Pensez-vous que Pravind Jugnauth alignera un candidat ?
Si Pravind Jugnauth était un homme d’honneur, ça se saurait. C’est un poltron. Il sait qu’il ne fait pas le poids contre moi. Donc non, il n’enverra personne.

Contrairement au PMSD, a priori. Xavier-Luc Duval vous déçoit-il sur ce coup-là ?
Ce qui me déçoit, c’est qu’il ne m’a pas suivi. Je sais qu’il partage mes craintes sur le Metro Express, il me l’a dit. Je pensais qu’il aurait le cran de démissionner lui aussi.

Que pensez-vous avoir de plus qu’Arvin Boolell ?
Il y a une différence majeure entre nous. Moi, je roule pour les habitants de Belle-Rose–Quatre-Bornes. Lui, il roule pour Navin Ramgoolam. Il représente le passé, alors que je propose l’alternance. Arvin Boolell est l’esclave de Navin Ramgoolam, comme Soodhun est l’esclave de Pravind Jugnauth. Il est temps de fermer Jurassic Park, de renvoyer les dinosaures d’où ils viennent : le passé.

Qui redoutez-vous le plus dans cette élection ?
L’abstention. Elle sera forte, peutêtre supérieure à 30 %. Je compte sur eux, sur les indécis, pour m’aider à changer ce système pourri.

Sauf que vous fédérez autant que vous effrayez. En avez-vous seulement conscience ?
Complètement.

Comment comptez-vous rassurer ceux qui vous voient comme un fou furieux ?
Je ne suis pas un fou furieux. Ceux qui me font passer pour quelqu’un de dangereux ont des intérêts malsains à protéger. Ils ont peur de moi parce qu’ils savent mes intentions : en finir avec le système pourri qui les engraisse honteusement.

Quelles entreprises ou mécènes engraissent votre campagne ?
(Direct) Personne. Pour l’instant, on dépense peu. On fait des vidéos, je donne des interviews, ça ne coûte rien.

De quoi vit le Reform Party ?
Des contributions des membres. Deux, cinq, dix mille roupies, chacun met ce qu’il peut en fonction de ses moyens. On nous offre les flyers, les tee-shirts, on se fait prêter la sono, on se débrouille.

Les millions nécessaires à une victoire électorale, ils tomberont quand ?
On va bientôt solliciter des dons. Mais on ne fera pas comme les autres partis, tout sera inscrit noir sur blanc et audité par une firme indépendante. Ensuite, on publiera sur Internet. La transparence totale.

Est-il exact que vous commandez des sondages régulièrement ? Et que disent-ils ?
(Sec) Ça ne vous regarde pas.

La «transparence totale», vraiment ?
Qu’est-ce que ça peut bien vous faire si j’ai des sondages ?

Ce serait intéressant de connaître votre cote. Ça s’annonce mal, c’est ça ?
(Remonté) Vous êtes le troisième journaliste de l’express qui prédit ma défaite. Votre journal a un problème avec moi ?

Je ne prédis rien, je vous pose une question.
(Furieux) Qui va gagner cette élection, d’après vous ?

Je n’en sais fichtrement rien.
Si vous ne savez rien, ne posez pas de questions.

Elle cache quoi cette arrogance ?
L’arrogance est le défaut des bons chefs. (Rires)

Vous avez laissé entendre avoir des documents compromettants…
(Il coupe) J’ai beaucoup de choses.

Sur le contrat passé entre Heinemann et Mauritius Duty Free Paradise ?
(Sourire en coin) Vous pensez que je vais tout déballer maintenant ? J’ai fait mon travail, faites le vôtre.

Qu’avez-vous découvert ?
La vérité.

Vous ne partagez pas ?
Bientôt.

En cas de défaite, renoncerez- vous à la politique ?
J’ai la profonde conviction que je vais gagner. Donc, la question ne se pose pas.

Pourtant, je vous la pose…
Je ne vais pas perdre. Parce que si je perds, ce sont les Mauriciens qui perdront.

On termine sur cette belle note de modestie ?
Je vais vous dire ce que je pense vraiment : cette élection va changer le destin de l’île Maurice. La politique autrement a commencé. Les gens ne réalisent pas encore mais bientôt ils ouvriront les yeux. Ils se diront : «Ce que Roshi a fait, c’est extraordinaire.» L’histoire me donnera raison.