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Drogue: ces jeunes qui ont touché le fond

26 juin 2017, 22:24

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Drogue: ces jeunes qui ont touché le fond

Assis sur leur chaise, Amad et Yoan semblent mal à l’aise au premier abord. Mais au fil des minutes, ils commencent à prendre plus d’assurance. Jusqu’à se livrer à cœur ouvert. «La drogue, j’y ai touchée à l’âge de 14 ans.» Amad en a 24 aujourd’hui. Il est réaliste. «Il y a trois mots clés que je dois utiliser pour illustrer ma vie : voleur, menteur et mendiant.»

Son entrée dans le monde de la drogue s’est faite «naturellement». «Personne ne m’a influencé. Je voulais y goûter.» Il a commencé par le cannabis. «Puis c’était le synthétique et finalement l’héroïne.»

De ses années «folles», il se souvient de ce vendredi 8 avril 2016. «Mes amis et moi avions mis sur pied un plan pour aller voler chez une vieille dame, à cité Père-Laval, à Quatre-Bornes. Je devais les y conduire.» Au dernier moment, Amad décide d’aller prier à la mosquée. «Eux, sont allés dépouiller la dame.» Il apprendra par la suite que ses amis n’ont pas seulement volé la vieille dame, mais l’ont aussi tuée. Il s’agissait de Pakion Pajaniandy. «Aujourd’hui, regardez où sont mes amis !»

27 jours dans la rue

Pourtant, issu d’une famille aisée, il n’a jamais manqué d’argent. «Je suis fils unique et j’ai trois sœurs. Elles ne m’ont jamais rejeté bien qu’elles aient découvert que je me droguais.» La pilule a été plus dure à avaler pour son père. «Il m’a expulsé de la maison. J’ai vécu pendant 27 jours dans la rue, sans domicile, sans nourriture. Juste avec de la drogue pour vivre…»

Au bout du vingt-huitième jour, Amad réalise l’importance de la famille. Et le petit prince qu’il était est retourné chez lui pour chercher le pardon de ses proches. «J’ai attendu jusqu’à 23 heures avant de voir mon père.» Ce dernier ne voulait pas entendre parler de lui. Amad insiste. «Je lui ai demandé pardon. Je lui ai demandé de m’aider. Jamais je n’ai vu mon père pleurer comme il l’a fait ce soir-là…»

C’est alors qu’il leur parle du centre de Solidarité. «J’y suis depuis plus de deux mois.» Le sevrage est dur. Amad avoue même avoir succombé aux sirènes de la drogue synthétique. Mais rien qu’une fois. «Mon cousin a emmené une petite dose pour moi. Je me suis senti mal en fumant. Ma sœur m’a filmé et quand j’ai regardé comment j’étais sous l’influence de cette m…, je leur ai demandé de brûler ce qui restait. Depuis, je n’y touche plus.»

Mardi prochain, une autre étape l’attend. Celle de la communauté. «On y restera pendant quelques mois. C’est au centre résidentiel de Solitude. Là-bas, j’apprendrai à devenir un nouvel homme.»

«J’ai tout vendu»

L’histoire de Yoan est tout autre. Il a commencé à consommer de la drogue à l’âge de 16 ans. «Depuis cinq ans, j’évolue dans ce cercle vicieux.» Il dit s’être laissé influencer par ses amis. Cela a été la descente aux enfers. «J’ai tout vendu. Tous les effets personnels qui se trouvaient dans ma chambre.» Son lit, ses chaussures, ses vêtements, tout y  a passé. «La seule chose que je n’ai pas vendue pour de la drogue, c’est mon corps…»

N’empêche, il est allé très loin. «J’ai simulé une agression sur ma personne juste pour avoir de l’argent pour me droguer. J’ai incité des gens à me frapper pour ensuite faire croire à ma famille que je leur devais de l’argent.»

Ce qui le trouble à présent, c’est de voir le nombre de jeunes qui sont tombés dans ce monde vicieux. «On voit des jeunes de 12-13 ans s’intéresser à cette m…» Et Yoan se confier : «J’ai vu une fille de six ans se shooter !»

Au dire de Yoan, à la sortie de l’école, plusieurs dealers font le va-et-vient, à la recherche de proies faciles. «Dans un premier temps, on leur donne de la drogue gratuitement. Après, ils commencent à leur demander des petites sommes d’argent. Passant de Rs 5, Rs 20, Rs 100... Et du jour au lendemain, ces jeunes entrent dans le cercle des drogués.»

En riant, ces deux jeunes gens confient qu’ils étaient devenus de vrais architectes. «Nou ti ban vré tirer plan. C’était devenu un art de mentir aux gens. Mais, à présent, nous n’avons plus peur de dire la vérité.»

Les barons de sortie à 1 heure du matin

<p>1 heure du matin. C&rsquo;est l&rsquo;heure à laquelle les grands barons sont de sortie. &laquo;<em>Je me souviendrai toujours de cette assemblée qui s&rsquo;était réunie dans une cour. J&rsquo;étais étonné de voir autant de monde et je pensais même qu&rsquo;il s&rsquo;agissait d&rsquo;une veillée mortuaire</em>.&raquo; Grande a été sa surprise en constant qu&rsquo;il s&rsquo;agissait en fait de drogués qui patientaient pour avoir leur dose. &laquo;<em>Je suis sûr que c&rsquo;est partout pareil</em>.&raquo;</p>

Plus de centres


 

Les deux jeunes hommes voudraient que ce type de centre soit ouvert un peu partout à travers Maurice. «Il faut venir à Rose-Hill pour avoir droit à ces services. Beaucoup de jeunes hésitent à entreprendre un tel déplacement. Si ces centres se situaient un peu partout, je pense que plus de gens auraient franchi le pas», fait ressortir Amad.

ACTOGETHER : être à l’écoute des toxicomanes

	<div style="text-align: center;"><img alt="" height="356" src="/sites/lexpress/files/images/actogether.jpg" width="226" /></div>

	<p>Le Centre de solidarité pour une nouvelle vie de Rose-Hill vient en aide aux toxicomanes depuis 1988. L&rsquo;écoute est le maître mot. Edley Jaymangal, le directeur du centre, est d&rsquo;avis qu&rsquo;avec le soutien des proches, ceux qui viennent faire appel à eux arrivent à s&rsquo;en sortir. &laquo;<em>La famille a le pouvoir d&rsquo;aider ces gens à sortir de ce fléau</em>.&raquo;</p>

	<p>Ceux qui arrivent au centre doivent passer par trois phases importantes. &laquo;<em>Premièrement, c&rsquo;est l&rsquo;accueil. Pendant six semaines, ces personnes viennent chaque jour au centre. Dans l&rsquo;après-midi, elles repartent chez elles mais il y a une personne qui surveille leurs faits et gestes et nous en informe le lendemain</em>.&raquo;</p>

	<p>Après cette première phase, il y a la vie en communauté. &laquo;<em>Pendant quatre à six mois, ces personnes vivent ensemble à Solitude. Ainsi, on les recadre</em>.&raquo; Au cours de leur passage, ces derniers apprennent à se responsabiliser. <em>&laquo;Certains préparent à manger, d&rsquo;autres s&rsquo;occupent des poules, de la cour, des légumes, entre autres&hellip;&raquo;</em></p>

	<p>Par la suite, le centre les aide à retrouver une vie normale. &laquo;<em>On les ré-insert dans la vie sociale. On leur fait des Curriculum Vitae, on leur apprend à gérer leur argent. Et on leur demande aussi de nous faire part de leurs projets. Après, nous faisons un suivi</em>.&raquo;</p>
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