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Collégiennes et caïds

25 juin 2017, 20:05

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Collégiennes et caïds

Il est 14 h 30 en ce vendredi. La gare du Nord grouille de collégiens. Il suffit de tendre l’oreille. Le répertoire de jurons de «Long lapat» et de «Ti niouniout» est vaste. «Éta é mové…» ceci ou cela. Les uniformes défilent : grenat, à carreaux, bleus. Des bleus et d’autres bobos, on en voit tous les jours, ici.

«Exkiz lexprésion, mé toulézour éna lager mari isi. Bann tifi-la inn vinn pli félonn ki bann garson», lance Faizal Mambaccus, chef de gare depuis 15 ans. Le langage ordurier des royos au féminin ferait rougir un expert possédant un doctorat en jurons, assure-t-il. «Sori, mé pa zanfan sa, fay batar. Zot bagaré, ris sévé, baté.» La séance de cinéma démarre tôt, selon son collègue, Santadev Juglall. «Olié al lékol gramatin, zot res lamem. Tanto, personn pa anvi al lakaz.»

À quelques mètres, des policiers en uniforme et en civil. L’un d’eux est vêtu d’un T-shirt rose. Il a le regard noir. Il a la démarche de The Rock avec son gros outil, un tonfa. «Limem ti gagn grifé ek sa tifi-la, fek la», confie les chefs de gare.

«Ou pé pran foto ? Ramas ou kaméra avan bannla kokin li. Bann trwa-kar-la pa koné ki al fer lékol sa.» Le policier interpelle une collégienne. Elle ressemble à Wendy dans Peter Pan, moins la politesse, plus un bandana style American gangster sur la tête. Elle doit avoir 14 ou 15 ans. «Kavé ? Ramas-mwa to alé», balance-t-elle au représentant des forces de l’ordre.

Des «caillera»

Les groupuscules de terroristes du respect se forment ça et là. Certaines filles braillent, rient à gorge déployée, zyeutent les «lombo», écoutent de la musique sur les portables. «Pa tou ki parey, mé 90 % bann félonn. Zanfan dé zour an zour pé vinn pli mésan. Koumansé apartir Form II a monté sa.»

Des «caillera» au féminin, Vimla en voit défiler tous les jours. Cela fait 11 ans qu’elle tient une tabagie où l’on vend des pâtisseries, des boissons rafraîchissantes et des clopes. «Éna rod asté sigaret, mé nou pa donn zot.» Des incidents, elle en a vu de toutes sortes. «Éna pran zafer zot pa péyé. Boukou lager, zot zouré, péna respé pou piblik ek polisié.» Le problème, c’est qu’il y a deux policiers pour 50 collégiens incontrôlables, fait valoir la commerçante. «Ki ou lé zot fer ?»

Les policiers rencontrés plus tôt essaient, en tout cas, de «faire peur» à ces brebis égarées sur la gare. Mais il semblerait que les loups en bleu ne les effraient même pas.

La vidéo qui a fait le buzz

Elle circulait sur les réseaux sociaux cette semaine. Sur cette vidéo, on aperçoit un policier et une collégienne dans ce qui semble être une empoignade. Autour, ceux qui filment la scène la commentent. Les jurons fusent. «Li bon pou fam-la», hurlent certains. «Polisié-la pé fer dominer», scandent d’autres.

Le policier explique, pour sa part, qu’il a été agressé et que la collégienne a proféré des insultes à son encontre. Mais l’ado de 16 ans affirme le contraire. «Je n’ai rien fait pour m’attirer les foudres du représentant des forces de l’ordre», assure l’habitante de Bois-Marchand.

«Je rentrais chez moi. Il était aux alentours de 15 heures. À un moment donné, un policier m’a demandé de l’accompagner au poste de police. J’ai refusé en lui disant que je n’avais rien fait. Il a commencé à tirer sur mon uniforme et mon sac.» Elle allègue qu’elle a demandé au policier de la lâcher car elle n’arrivait plus à respirer.

La collégienne a alors commencé à se débattre. Mais, entre-temps, six policiers et deux officiers de la Brigade des mineurs sont arrivés. «Zot inn koumans tap mwa. Enn inn pil mwa lor miray, bann lézot ti pé zour mwa. Monn défann mwa. Monn tir disan ek zot koleg… Zonn dir mwa rant dan vann pou al stasion.» Les policiers auraient menacé d’appeler la Child Development Unit. Ils ont finalement appelé sa mère. Elle aurait quitté le poste de police de Trou-Fanfaron à 17 h 30, après avoir fait une déposition contre les policiers. Elle s’est ensuite rendue à l’hôpital, munie d’un formulaire 58.

Sollicité pour un commentaire, l’inspecteur Shiva Coothen, du Police Press Office, a affirmé que le policier n’a fait que son travail. La collégienne, ajoute-t-il, avait un comportement qui «laissait à désirer. Elle s’est montrée vulgaire et agressive. Le policier a essayé de lui faire entendre raison, mais elle n’a rien voulu entendre. Elle a agressé un policier qui était en uniforme».