Trafic de stupéfiants: l’inspecteur modèle Assaad Rujub serait-il un complice ?

Avec le soutien de
Le policier nie avoir assisté aux noces de la fille d’un présumé dealer.

Le policier nie avoir assisté aux noces de la fille d’un présumé dealer.

Il a été présenté comme un «fonctionnaire dévoué», «efficace» ou encore «déterminé» par son entourage. L’inspecteur Assaad Rujub était le «jeune prometteur» qui avait épaté ses collaborateurs au sein de la police après son coup de maître qui avait conduit à l’arrestation de Rudolph Dereck Jean Jacques, surnommé Gro Derek, le 27 juillet. Ou encore à celle d’Ashish Dayal, deux semaines avant, et de neuf autres personnes. Il venait alors d’être posté à la tête de l’Anti-Drug and Smuggling Unit (ADSU) de Plaine-Verte. C’était en 2012. Souvenez-vous, il était aussi l’homme de l’année de l’express.

Que du chemin parcouru depuis pour le jeune inspecteur qui a prêté serment en 1994. Aujourd’hui âgé de 42 ans, ce père de deux enfants est revenu sous le feu des projecteurs en début de semaine. Cette fois, on ne peut parler de couronnement ou de joli coup de filet. Le nom de l’inspecteur était sur la liste de la commission d’enquête sur la drogue. Une commission placée sous la poigne de l’ancien chef juge Paul Lam Shang Leen.

Ce même Paul Lam Shang Leen qui, lors de l’audition de l’inspecteur Rujub, mercredi le 14 juin 2017, a fait des déclarations troublantes. Il a dit détenir des informations selon lesquelles les hommes de l’inspecteur, dont le comportement était jusqu’ici irréprochable, «prévenaient les trafiquants de drogue avant les raids, notamment à Plaine-Verte». Une révélation qui a eu l’effet d’une claque pour l’enquêteur qui a maintenu qu’il est «intègre et sérieux» et qu’il n’était pas au courant d’une quelconque implication des hommes de son équipe avec des trafiquants.

«Ils ont même participé au trafic. C’est très sérieux», a précisé Paul Lam Shang Leen. Il a ensuite demandé à l’inspecteur comment il explique le fait que son équipe n’ait jamais effectué d’arrestation dans le réseau de Siddick Islam qui se trouve au coeur même de l'endroit, là où était basée son équipe? C’est-à-dire à Plaine-Verte?

Coup monté par ses confrères

«Est-ce possible que vous protégiez ce réseau de drogue ?» a rajouté le président de la commission. Assaad Rujub a avancé qu’il faisait son travail avec tout son sérieux. Mais il a laissé paraître qu’il soupçonne un coup monté par ses confrères se trouvant dans d’autres unités de l’ADSU. Et d’ajouter qu’il déplore le fait qu’il existe une compétition entre les unités de la brigade antidrogue se trouvant dans d’autres régions et qu’il n’y aurait aucune solidarité entre elles.

Dans l’entourage de l’inspecteur, on déclare ne pas comprendre pourquoi «il y a une perception que certaines personnes souhaitent blanchir Gro Derek». Certains policiers proches des hommes de Rujub affirment également ne pas comprendre pourquoi les hommes du chef inspecteur Tuyau peuvent aussi assister à des auditions à huis clos. Il se dit aussi, dans ce milieu, que «la commission aurait dû demander au chef inspecteur Tuyau pourquoi son équipe n’a jamais arrêté un membre du réseau de Gro Derek lorsqu’il était affecté dans la région».

En 2012, ses collègues et amis au sein de la force policière disaient le plus grand bien de lui. Les mots «dévouement» et «détermination» revenaient souvent sur les lèvres de ceux qui le connaissaient. Pour le Deputy Commissioner of Police de l’époque Vinod Appadoo, alors chef de l’ADSU, il était un «garçon humble, direct, dévoué et très capable», et cela malgré son jeune âge. Toutefois, une série de choses, une fois accumulées, suscitent de nombreuses interrogations.

Extrait de «l’express» du 28 décembre 2012
couronnant Assaad Rujub Mauricien de l’année.

À titre d’exemple, il y a les relations que l’inspecteur Rujub et sa soeur entretiennent avec leurs voisins. Il n’est pas commun de voir que des personnes offrent de l’argent à leurs voisins en guise de cadeau. Surtout si le montant total est de Rs 1,5 million. Or, l’inspecteur et sa soeur ont justement bénéficié de ce cadeau. C’est grâce à une partie de cet argent qu’Assaad Rujub a pu financer ses études en Grande-Bretagne, de 2011 à 2012. Toutefois, il n’a pas pu compléter ses études car il a été reconnu coupable de plagiat lors de ses examens finaux. Cependant, dans l’entourage de l’inspecteur, il est bien connu que les voisins en question étaient très proches d’Assaad Rujub et de sa soeur.

Ensuite, le mariage de la fille de Khalil Ramoly, un présumé spécialiste du blanchiment d’argent, pèse aussi dans la balance. La commission soupçonne qu’il a assisté à ce mariage. Or, Assaad Rujub est catégorique : il n’a jamais assisté au mariage de la fille de Khalil Ramoly. Par contre, il avoue avoir participé à un dîner chez le futur époux, qui n’est nul autre qu’un voisin. «C’est ma mère qui a reçu l’invitation. Je ne savais pas de qui il s’agissait. Ce n’est qu’après avoir aperçu Naserah Vavra que j’ai demandé à mon épouse et mes enfants de manger vite et de quitter les lieux.»

Transfert des Casernes centrales à Terre-Rouge

Assaad Rujub maintient qu’il a été victime d’un transfert punitif. En décembre, suivant des rumeurs, il a été transféré à Terre-Rouge. Il estime que le succès qu’il a acquis à un si jeune âge a fait des jaloux au sein même de l’ADSU. «Il y a une compétition malsaine au sein de l’ADSU», martèle-t-il. Il ajoute qu’il n’a jamais reçu d’explications pour justifier son transfert. Toutefois, il confie ne plus vouloir retourner à l’ADSU.

«J’ai toujours été honnête et intègre dans mon travail. J’ai reçu beaucoup de menaces lorsque j’étais à l’ADSU. On m’a déjà appelé pour me dire ‘pou koup mo garson so zorey pou frir’. Mais j’ai toujours fait mon travail professionnellement. Ce n’est pas aujourd’hui, après tout le travail que j’ai fait, qu’on va m’accuser de quoi que ce soit. Cela me dégoûte au point de regretter le démantèlement du réseau de Gro Derek»,soutient-il. Sauf qu’en 2012, c’était un tout autre discours qu’il nous avait livré lorsque le travailleur social Ally Lazer avait évoqué le transfert punitif dans la force policière.

«Je ne pense pas qu’on puisse associer le terme ‘punitif’ à cette pratique. Nous les policiers, nous savons pertinemment que nous pouvons être transférés à tout moment, sans pour autant perdre notre rang.» L’inspecteur avait ajouté : «De toute façon, un transfert permet de s’enrichir de nouvelles expériences, contribuant à la polyvalence de l’officier muté.»

A lire également:

Bilkiss Rujub: «Mon mari regrette d'avoir démantelé le réseau Gro Derek»

La réplique d’Hector Tuyau

«Je suis la seule personne à avoir arrêté Gro Derek en possession de drogue.» Tels sont les propos de l’assistant surintendant de police Hector Tuyau. Il réfute les commentaires selon lesquels il n’a jamais arrêté un membre du réseau de Gro Derek lorsqu’il était affecté à l’ADSU de Petite-Rivière. «J’ai arrêté Gro Derek à trois reprises et j’ai effectué des fouilles à son domicile plus de 15 fois», a rétorqué celui qui est désormais affecté à la commission d’enquête sur la drogue.


Incident après l’audition

Que s’est-il passé après l’audition de l’inspecteur Rujub, mercredi ? Selon nos recoupements, il aurait verbalement agressé le garde du corps de Sam Lauthan, un des assesseurs de la commission, pour des raisons inconnues. Une plainte officielle aurait même été faite à son encontre aux Casernes centrales, le même jour. Toutefois, dans l’entourage de l’inspecteur, l’on explique qu’il s’agit d’un «simple malentendu» et qu’il n’y a «aucun problème» à ce sujet.


Le mystère des Naidu

Ses voisins lui auraient, à l’époque, versé Rs 1,5 million. C’est ce qu’a affirmé l’inspecteur Assaad Rujub devant la commission Lam Shang Leen. Les Naidu, frère et soeur, habitaient la maison juxtaposant celle des Rujub. Cette demeure est maintenant inoccupée. Les Naidu sont décédés il y a longtemps. «Ils n’avaient pas de descendance directe et leurs héritiers sont pratiquement tous dans d’autres pays», explique un des voisins. C’est la raison pour laquelle la maison est toujours vide car, avec les héritiers éparpillés, il est difficile de la vendre.

Le voisin a le souvenir d’un proche des Naidu qui avait une quincaillerie à la rue Royale. Mais ce commerce n’existe plus. Sur place, on arrive à retracer l’emplacement d’une ancienne quincaillerie avec le nom donné par le voisin. Mais ce n’était pas la seule quincaillerie à porter ce nom. Il y en avait quatre à l’époque. Toutes ont mis la clé sous le paillasson… La quête des Naidu a donc connu une fin subite.

Publicité
Publicité

En 2012, il était un héros. En 2017, l’inspecteur Assaad Rujub se retrouve dans le box des accusés. De l’autre côté, le constable Moonsamy Govindasamy Basana-Reddi a, lui, été arrêté alors qu’il récupérait de l’héroïne a l’aéroport. La force policière est-elle un maillon du trafic de drogue ? Qu’en est-il vraiment ? Les réponses dans ce dossier.

D'autres articles »
Rejoignez la conversation en laissant un commentaire ci-dessous.

Ailleurs sur lexpress.mu

Les plus...

  • Lus
  • Commentés
Suivez le meilleur de
l'actualité à l'île Maurice

Inscrivez-vous à la newsletter pour le meilleur de l'info

OK
Pour prévenir tout abus, nous exigeons que vous confirmiez votre abonnement

Plus tardNe plus afficher

x