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Abus sexuels: Kimberley, de victime à battante

4 juin 2017, 17:15

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Abus sexuels: Kimberley, de victime à battante

Un visage franc, ouvert et souriant… C’est celui que présente Kimberley (prénom modifié), 19 ans, qui vit au Shelter de Forest-Side depuis deux ans et cinq mois. La jeune fille qui porte fièrement l’uniforme de l’institution d’études supérieures qu’elle fréquente, s’exprime dans un français impeccable et fait preuve d’une politesse sans faille. Rien, dans son attitude, ne trahit son bouleversant passé.

Kimberley est issue d’une famille modeste. Son père est maçon et sa mère femme au foyer. Le couple, qui a trois filles, finit par se séparer. Les deux jeunes sœurs de Kimberley décident d’aller vivre chez leur père. Kimberley ne veut pas laisser tomber sa mère avec qui elle partage une grande complicité. Bien vite, l’adulte se met à fréquenter un homme qui consomme de la drogue et sa mère devient accro à l’un comme à l’autre.

Disputes fréquentes

Bien qu’elle néglige Kimberley, celle-ci ne veut pas l’abandonner. Jusqu’au jour où elle réalise que sa mère n’a plus qu’un seul intérêt dans la vie : se shooter. Kimberley rejoint ses sœurs chez leur père qui a refait sa vie. Les rapports entre l’aînée des filles et la belle-mère sont tendus et les disputes fréquentes.

Kimberley, dans le même temps, est victime d’abus. Son agresseur est un proche de la famille. Elle se rend compte qu’elle ne doit pas taire la chose mais à chaque fois qu’elle est sur le point de dénoncer cet acte, elle a comme «une boule dans la gorge, surtout que l’agression est commise par une personne que l’on estime. Si cela avait concerné mes jeunes sœurs, je ne l’aurais pas toléré. Mais là, c’était moi. Cet abus vous hante. J’étais en colère contre ce proche qui aurait dû savoir que cela ne se fait pas d’abuser d’une enfant, contre ma mère qui ne s’intéressait qu’à sa drogue mais aussi contre moi. Des fois, on s’interroge et on se demande où est-ce qu’on a fauté ?»

La nouvelle de son agression finit par s’ébruiter et la Child Development Unit (CDU) est avertie. Kimberley et ses sœurs sont placées au Shelter de Forest-Side dirigé par l’infatigable Sheila Baguant. Kimberley se souvient de son arrivée à l’abri. «C’était en décembre 2014. Nous sommes arrivées à Forest-Side la mort dans l’âme. J’étais triste et je me sentais seule bien que mes sœurs soient avec moi, mais elles étaient encore jeunes. Je n’arrêtais pas de me demander ce qui allait nous arriver.»

Kimberley fait la connaissance de Sheila Baguant, du personnel, et des autres enfants de l’abri. Et curieusement, avoue-t-elle, elle s’adapte vite. «Décembre c’est le mois festif. Tout le monde est jovial. Le Shelter reçoit des tas de visiteurs qui apportent des présents, offrent des repas. Il y a toujours quelque chose à préparer. Mes sœurs et moi nous sommes vite adaptées.» Ce qui l’aide à supporter cette vie : la compréhension de Sheila Baguant et le soutien moral du personnel. «Sheila Baguant était au courant du problème et m’en a parlé. Ses premières paroles ont été rassurantes. Elle m’a dit qu’elle ne me jugeait pas, que malgré tout ce qui m’était arrivé, il fallait que je voie le côté positif des choses, que je n’étais ni la première ni la dernière à vivre cette mésaventure, que ce n’était pas la fin du monde et que la vie doit continuer. Le fait de dé- dramatiser et de relativiser ainsi m’a aidée. Et puis, j’ai pu compter sur le soutien moral du personnel, et sur les rencontres bihebdomadaires avec le psychologue.»

Voler de ses propres ailes 

Elle réalise bien vite que les enfants du Shelter sont exposés à des activités destinées à leur développement global : sorties régulières à la mer pendant les vacances, ascension de montagnes, marche sur la montagne des Signaux et à la colline Candos, visites dans les hôtels, journée en catamaran. Une autre activité est venue s’y ajouter, à savoir l’initiation au roller-skate. Ce que Kimberley apprécie aussi, c’est que chaque enfant est encouragé à continuer à suivre sa religion d’origine.

L’école lui manque car elle est studieuse. Elle revit lorsque Sheila Baguant réussit à la faire admettre dans un collège confessionnel où elle fait sa Form VI, optant pour le Français, le Business et Travel and Tourism. La seule chose gênante au Shelter, c’est qu’il n’y a pas un endroit isolé pour étudier, vu le nombre d’enfants accueillis par l’institution. «C’est difficile d’apprendre lorsque les autres enfants font du bruit. Il faut beaucoup se concentrer.» Kimberley, est portée par la volonté de changer de vie et de prouver aux autres qu’elle peut y arriver et être financièrement indépendante un jour. Résultat, l’adolescente obtient de bonnes notes au Higher School Certificate.

C’est en assistant à un Career Fair qu’elle découvre une institution offrant la possibilité de faire des études supérieures en Hotel and Tourism Management. Elle écoute les explications du représentant présent et se voit d’emblée étudiant dans cette institution. Elle en parle à la directrice du Shelter qui approche la direction de l’établissement. Au vu de ses résultats de Form VI, Sheila Baguant lui obtient une bourse complète de trois ans pour qu’elle puisse obtenir sa licence. Cela fait deux mois qu’elle a commencé ses cours et mesure la différence de niveau entre les cycles secondaire et universitaire. Mais elle est contente de se spécialiser en direction de la restauration ou en direction de l’évènementiel.

Bien qu’elle ait déjà atteint l’âge de la majorité, Kimberley n’envisage pas de quitter le Shelter de sitôt. Pas avant qu’elle ne soit en mesure de voler de ses propres ailes et de réunir ses sœurs autour d’elle. «Aujourd’hui, je suis dans un bon environnement. Je suis bien entourée, j’y reçois de l’affection. Mon mental s’est renforcé. J’ai une vision. Je fais désormais des choses qui me rendent heureuse. Je vais tout faire pour poursuivre mes études et être boursière. Je sais que je peux y arriver. Malgré tout la dureté d’un vécu, il ne faut jamais baisser les bras. Il y a assurément des lendemains meilleurs.»

Pour une meilleure prise en charge

<p>Bien qu&rsquo;elle ne soit pas en mesure de dire si le nombre d&rsquo;abus sur les enfants est en hausse, Sheila Baguant note qu&rsquo;un plus grand nombre de cas est rapporté dans la presse. Elle remarque aussi une aggravation de ces abus. Si elle trouve que l&rsquo;idée d&rsquo;école des parents encouragée par le ministère de l&rsquo;Égalité du Genre est bonne, elle fait remarquer que celle-ci n&rsquo;est pas facilement applicable. Ce qu&rsquo;il faudrait, selon Sheila Baguant, c&rsquo;est que toutes les parties prenantes &ndash; ministères de l&rsquo;Égalité du genre, de la Sécurité sociale, de la Jeunesse et des Sports, la police, les organisations non gouvernementales &ndash; se réunissent en table ronde trois fois l&rsquo;an et se concertent pour une meilleure prise en charge des enfants victimes d&rsquo;abus et ceux à risque de l&rsquo;être. La directrice du <em>Shelter </em>de Forest-Side estime aussi qu&rsquo;il faudrait un département spécial pour ces enfants dans les hôpitaux. <em>&laquo;Ils sont protégés dans les shelters mais lorsqu&rsquo;ils sont hospitalisés, ils sont placés avec tout le monde et sont vulnérables.&raquo;</em> Les parents étant dans l&rsquo;obligation de travailler de nos jours, elle considère que les patrons d&rsquo;entreprises devraient aménager des crèches et des écoles maternelles sur le lieu de travail afin que les bébés et autres enfants y soient en sécurité. <em>&laquo;Ainsi, les enfants auraient été à l&rsquo;abri des prédateurs sexuels et autres dealers.&raquo;</em></p>

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