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Éducation: parcours scolaire d’un enfant pas comme les autres

28 mai 2017, 16:30

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Éducation: parcours scolaire d’un enfant pas comme les autres

«Nine-year Schooling» par-ci, taux d’absence, «fees» de SC-HSC et cinq «credits» par-là, les débats autour de l’éducation ainsi que les problèmes sont encore une fois au centre des préoccupations. Lui, a d’autres soucis. Il a du mal à suivre le rythme, la cadence imposée par le système éducatif, depuis qu’il est tout petit. Ceci est l’histoire de Dario (prénom modifié).

La maternelle

Quand je suis né, j’étais tout chétif. Mo mama rakonté ki mo ti kouma dir enn ti zwazo fek sap dan ni. J’ai bénéficié d’une attention toute particulière, ma maman, ma grand-mère, mes trois grands frères me chouchoutaient. Tradition oblige, j’ai rejoint la même école maternelle qu’ils avaient eux-mêmes fréquentée. L’institutrice étant une amie de la famille, j’étais tout content, elle était un peu comme une deuxième maman pour moi. Mais je détestais l’alphabet et les chiffres. Ti pé fer kouma dir ti fourmi divan mo lizié, mo pa ti pé konpran nanyé. Le seul moment où j’étais bien avec mes amis, c’était pendant la récré ou les classes de dessin. Toulétan mo ti kontan desiné. Mo bien kontan bann zanimo ousi, sirtou bann toutou ek bann dinozor.

L’école primaire

Même si j’étais «frêle-frêle», je n’ai jamais eu de problème physique. Je ne suis pas un attardé mental, non plus. Quand je suis arrivé en en troisième, mes proches ont compris que j’avais un problème. Mo pa ti pé kapav lir bann mo, mo pa ti konn kont ziska 10. Mo mama inn lev so zip in al guet bann proféser. Mais ils lui ont dit qu’il fallait «me donner ma chance». Ma maman a essayé de m’aider, elle travaille dur, elle est tantôt femme de ménage, tantôt cuisinière. Elle essayait quand même de trouver du temps pour moi. Ce n’était pas de sa faute si je ne savais pas lire. Monn fel tou klass, dépi troiziem ziska siziem. Mé banla ti pé fer mwa monté asak fwa… Zamé mo pa pann redoublé, mem si mo ti pé gagn kat ‘fizi’ (NdlR, des «F»).

Ma maman a bien essayé de me faire admettre dans une école spécialisée. Là-bas, ils ont découvert que j’étais légèrement dyslexique, je confondais les «b» et les «d». Mais l’école lui réclamait des frais d’inscription, plus un écolage mensuel de Rs 2 500. C’était au-dessus de ses moyens, parce qu’en plus, il fallait acheter du matériel scolaire à côté.

J’ai échoué au CPE une première fois. J’ai rejoint la filière prevoc’, je faisais du jardinage, j’étais super content de faire enfin des choses que j’aimais. Mais j’avais l’impression d’être un raté. Tou mo bann frer ti pé gagn bon bon rézilta, mo ousi mo ti anvi fer kouma zot. J’ai donc participé aux examens de rattrapage, et avec l’aide d’une proche, qui m’a encadré, j’ai eu des «E». Je suis retourné dans le mainstream. Malgré ce que me disait ma maman, qui voulait que je reste dans le prevoc’, je suis allé au collège. J’étais de nouveau un enfant «normal».

Le collège

Je jouais dans la cour des grands, je prenais le bus avec les autres collégiens, il y avait les filles, je n’étais plus le vilain petit canard qui n’avait pu, aux yeux de ses amis, rejoindre un «vrai collège». En plus, je me suis découvert une passion pour l’athlétisme, les longs parcours. Je gagnais des médailles aux jeux intercollèges, les potes étaient fiers de moi, les profs aussi. Les filles me regardaient différemment. Enn mari sansasyon sa.

Le collège que je fréquente, aujourd’hui encore, est un établissement privé subventionné par le gouvernement. En Form I, j’ai eu des résultats médiocres, mais je n’ai pas échoué. Je ne sais pas si les profs me donnent des points en plus juste pour respecter le «quota» d’élèves requis pour que le collège ne ferme pas. Mes camarades sont, pour certains, un peu dans la même situation que moi.

J’ai également passé la Form II, tant bien que mal, c’est en Form III que ça a calé. J’ai échoué. Deux fois. Ma maman essaie de me convaincre d’aller apprendre un métier, il paraît qu’il manque des travailleurs manuels à Maurice.

Dans quelques jours, j’aurai 17 ans mais j’ai le niveau d’un élève de Form I si j’en crois mes frères. Mais moi, je veux leur ressembler, faire des choses, gagn enn travay dan biro, pour rendre ma maman fière. Voilà pourquoi je ne veux pas baisser les bras, je veux essayer d’aller jusqu’en SC ou en HSC. Et puis, j’aimerais bien pouvoir devenir policier plus tard, je sais que vétérinaire, c’est impossible.

À l’heure qu’il est, je me sens un peu comme mes dinosaures, entouré d’élèves plus jeunes que moi. J’essaie de cacher ma frustration en jouant les durs, les coqs de basse-cour. Ce qui m’aide, c’est le sport, seule discipline kot mo enn top. Mon rêve, ultime, ce serait de devenir, un jour, Usain Bolt. D’être célèbre et d’avoir beaucoup d’argent, comme lui.