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Burundi: les concubins doivent légaliser leur union

26 mai 2017, 16:55

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Burundi: les concubins doivent légaliser leur union

Les couples vivant en union libre ou en concubinage ont jusqu’à la fin 2017 pour légaliser leur union, ont décidé les autorités burundaises qui entendent ainsi «moraliser» les mœurs et ont déjà commencé à appliquer cette nouvelle mesure.

Cette décision fait suite au mot d’ordre lancé le 1er mai par le président Pierre Nkurunziza en faveur d’une «campagne de moralisation de la société».

Au Burundi, «la démographie est galopante et la population n’est pas consciente de cette problématique», a expliqué vendredi à l’AFP le porte-parole du ministère de l’Intérieur et de la formation patriotique, Térence Ntahiraja.

«Il y a des mariages illégaux qui se font, des centaines de filles dans les écoles se font engrosser et mettent au monde comme ça. Il y a des deuxièmes, troisièmes femmes qui ne sont pas reconnues par la loi», a-t-il énuméré.

«Alors pour baliser tout cela, mais aussi pour que tous les Burundais aiment leur pays, le chef de l’état a déclaré dans son discours du 1er mai 2017 qu’il souhaiterait que (...) au 31 décembre 2017, tous les ménages du Burundi soient reconnus par la loi, soient légalisés pour éviter ces problèmes qui frappent surtout les femmes et les enfants», a-t-il justifié.

Au Burundi, le terme concubinage s’applique à des hommes ou femmes mariés mais séparés de leur époux sans avoir officiellement divorcé, et qui vivent avec une autre personne.

Depuis le discours de M. Nkurunziza, l’administration exerce une forte pression sur ces couples à travers tout le pays.

Dans la province de Rutana (sud-est), le gouverneur a annoncé que toutes les «personnes vivant en union libre» devraient être listées avant le 22 juin.

Le gouverneur de la province de Bubanza (nord-ouest), qui prône des «sanctions» à leur encontre, a ordonné à son administration et à l’appareil judiciaire d'«éradiquer l’union libre et le concubinage d’ici la fin de l’année», selon l’Agence burundaise de presse (ABP, officielle).

Croisade religieuse

Pierre, un agriculteur de 27 ans qui vit en union libre avec une femme dans la province de Ngozi (nord), a expliqué à l’AFP que les autorités avaient fait savoir que «celui qui ne légaliserait pas son union dans les délais serait passible d’une amende».

Sans régularisation, la femme ne bénéficiera pas de la gratuité pour l’accouchement et l’enfant né de cette union ne profitera pas non plus de la gratuité des études et des soins, a-t-il ajouté.

Les autorités ont évoqué une amende de 50.000 francs burundais (22 euros), une fortune pour les paysans burundais.

Comme la majorité des jeunes gens, Pierre avait opté pour l’union libre parce qu’il ne pouvait pas payer la dot exigée par les parents de sa compagne.

«Elle m’a dit qu’elle était enceinte de moi (...) Comme je suis pauvre, on a décidé de se mettre ensemble pour élever notre enfant», dit-il. «On s’est dit qu’on allait légaliser notre union dès qu’on en aurait les moyens.»

C’était il y cinq ans. Le couple en est aujourd’hui à son troisième enfant.

L’administration a déjà commencé à organiser des mariages de masse dans plusieurs provinces du pays, selon la presse locale.

Un responsable d’une ONG locale a dénoncé auprès de l’AFP, et sous couvert d’anonymat, «une violation des droits de l’Homme, car le pouvoir n’a pas le droit de s’en prendre à deux adultes qui ont décidé de vivre ensemble sans être mariés».

Il a lié cette campagne à la «croisade religieuse» contre l’adultère menée selon lui par le président Nkurunziza et son épouse, tous les deux des chrétiens évangéliques «born again».

Mais pour le gouvernement, cette campagne de moralisation est conforme à la loi. «Tout ceci se fait dans le cadre du programme de formation patriotique», a ajouté M. Ntahiraja. «Nous voulons que les Burundais comprennent que chacun est responsable de sa vie, nous voulons qu’il y ait l’ordre dans ce pays».