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Yasmina Lahlou: savoir naviguer

29 avril 2017, 17:17

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Yasmina Lahlou: savoir naviguer

Yasmina Lahlou, journaliste indépendante et formatrice à l’ESJ, est pétrie de contradictions. Cette Marocaine a régulièrement besoin de retrouver la France car elle se sent en décalage avec le mode de vie marocain. Elle qui, au départ, ne voulait être ni journaliste ni enseignante, se retrouve à conjuguer les deux. Quelqu’un d’autre s’y serait noyé. Pas elle. En funambule, elle a appris à concilier ses contradictions.

Yasmina Lahlou a beau être née au Maroc et avoir grandi à Marrakech, elle n’en est pas moins francophone et très francophile. Ce sont ses parents, aujourd’hui à la retraite, qui l’ont éduquée ainsi. Passionnée de littérature, elle opte pour un baccalauréat littéraire et obtient une bourse d’excellence de l’Agence pour l’enseignement du français à l’étranger, qui lui permet de s’envoler pour Paris et d’entamer deux années de classes préparatoires aux grandes écoles.Elle n’a pourtant pas le désir d’intégrer Normale-Sup. «J’ai voulu faire cette classe préparatoire sans pour autant devenir une bête à concours.» Et pourquoi pas l’enseignement de la littérature ? «À l’époque, j’ai tout fait pour échapper à l’enseignement. Pour moi, l’enseignement n’était pas glamour. C’était plan-plan.»

Elle obtient une licence et une maîtrise en lettres modernes à La Paris IV-Sorbonne. En fait, elle a l’ambition de travailler dans la publicité depuis ses 17 ans, attirée par son côté glamour. Voulant concilier son amour de l’écriture, des mots avec la publicité, elle veut être conceptrice et créatrice de publicité. Elle obtient un Master en marketing et publicité à l’École supérieure de gestion.

 Elle passe le concours d’entrée à l’École des hautes études en sciences de l’information et de la communication (CELSA) et obtient un diplôme d’études supérieures spécialisées (DESS) en marketing et communication. Le CELSA est réputé pour sa formation en journalisme mais cela ne l’intéresse pas. «C’était le dernier métier au monde que je voulais exercer. J’avais en tête la meute de journalistes courant derrière des politiques pour leur tendre un micro et quémander des déclarations. Une image évidemment déformée

En parallèle à son DESS, Yasmina Lahlou effectue des stages dans de grosses agences de communication comme Publicis, Euro-SCG-BETC etc. «J’étais dans le saint des saints avec des annonceurs stars. C’était effectivement un univers très glamour.» Sauf qu’au moment où elle obtient son diplôme et que se pose la question du travail, elle hésite entre Paris et le Maroc. «J’ai choisi la solution de facilité et j’ai regagné mon pays natal.»

«Vrai Maroc»

Elle est immédiatement embauchée comme conceptrice/rédactrice à l’agence Shem’s. «Je n’étais pas heureuse, ni épanouie. J’étais confrontée au vrai Maroc multiple et contrasté et même schizophrène par certains aspects. C’était le choc des cultures. Mes collègues étaient dans le rapport de force et moi pas. Le travail n’était pas stimulant. Je devais concevoir des pubs pour de la lessive et du dentifrice. Ma curiosité intellectuelle n’était pas assouvie.» Comme elle se sent en «décalage permanent» avec les mentalités marocaines, elle regagne Paris en 2002 sans avoir sécurisé un emploi.

Et pendant six mois, elle tourne en rond. Échaudée par le monde publicitaire, elle consent à tâter de la presse écrite. Jean-Louis ServanSchreiber, fondateur du magazine Psychologies, l’embauche quelques mois comme pigiste. Lors d’une rencontre du groupe Amitié France-Maroc, elle croise quelqu’un qui la met en rapport avec Béchir Ben Yahmed, patron de l’hebdomadaire Jeune Afrique. L’entretien prend des allures d’embauche, d’abord comme pigiste puis comme salariée à plein-temps et là, Yasmina Lahlou découvre sa vocation de journaliste. «La découverte du métier fut une révélation. Pour moi, journaliste est le plus beau métier du monde.» Elle traite de tout mais apprécie surtout la culture.

Au bout de deux ans, elle est nommée responsable des pages Culture. Le fait de réécrire les textes et de ne plus être sur le terrain la frustre au point qu’elle démissionne. Sans filet de protection «alors que je m’inquiète toujours pour tout».

 Elle multiplie les voyages. En 2009, elle débute sa collaboration à IC Publications, groupe de presse basé à Londres, qui vient d’ouvrir une rédaction à Paris. «Par lassitude et dépit», elle finit par rentrer au Maroc mais «de manière provisoire».

 Elle poursuit sa collaboration avec IC Publications et collabore avec plusieurs journaux locaux. Elle qui refuse toujours d’enseigner se voit pour des raisons «purement alimentaires» le faire à l’École des hautes études de management de Casablanca.

Deux collaborations lui plaisent particulièrement, à Diptyk, magazine dédié à l’art contemporain, et Métropolis, magazine culturel. Elle correspond un temps avec l’hebdo l’express de Paris. Elle ne veut pas intégrer une rédaction à plein-temps.

Lorsque l’École supérieure de journalisme (ESJ), qui a ouvert une filiale à Casablanca, cherche un directeur, elle postule mais renonce finalement, jugeant l’emploi trop administratif. Elle accepte toutefois d’encadrer pendant 15 jours chaque année les étudiants de l’ESJ Paris, qui viennent faire des reportages au Maroc. En 2013, elle n’en peut plus du Maroc et décide de retourner vivre à Paris, tout en continuant ses collaborations.

 L’ESJ lui propose de rejoindre comme intervenante le programme d’enseignement à distance à l’intention des étudiants en Master I et II et elle accepte. Ses modules sont la presse féminine et le suivi de l’actualité culturelle. Elle fait toujours la navette entre Paris et Casablanca. «Ne pouvant choisir entre la France et le Maroc, j’ai finalement pris les deux. J’aime ma liberté de mouvement. Je travaille à mon rythme, avec des gens que j’apprécie, je ne subis plus de hiérarchie. Je choisis mes sujets, je voyage souvent dans le cadre de mon travail.»

On est bien d’accord mais les piges ne sont plus ce qu’elles étaient et plafonnent en moyenne à 50 euros par feuillet. Difficile de vivre avec, à moins de multiplier les piges. «La liberté a un coût. C’est le prix pour rester libre.» Elle ne nourrit plus de craintes pour l’avenir ? «L’avenir ne me fait plus peur. La vie passe vite. Je me suis suffisamment inquiétée pour le restant de mes jours. Aujourd’hui les choses sont plus faciles car j’ai développé un réseau. Je me suis fait connaître.» Si elle le dit…