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Dans l'Alabama, la chute du vieux gouverneur amoureux de son attachée de presse

11 avril 2017, 11:15

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Dans l'Alabama, la chute du vieux gouverneur amoureux de son attachée de presse

En 2013, Robert Bentley, honorable dermatologue et bénévole d'église reconverti en politique, avait 70 ans. Il préparait tranquillement sa réélection au puissant poste de gouverneur de l'Alabama. Et menait une liaison adultère avec sa plus proche collaboratrice, Rebekah Caldwell Mason.

Lundi, après plus d'un an de scandale, le gouverneur, divorcé, menacé de destitution et de poursuites pénales, a démissionné.

«J'ai passé la dernière année en prières profondes et sincères pour notre Etat et nos habitants», a déclaré Robert Bentley, grand homme mince au crâne dégarni, la mine contrite. «Je prie chaque matin pour recevoir sagesse, aide et pardon pour les péchés que j'ai commis».

Ce dénouement conclut la dérive d'un homme politique autrefois respecté, dévoré par une passion amoureuse tardive mais animé du désir tout aussi puissant de protéger sa réputation par tous les moyens, y compris ceux de l'Etat.

Dans une région gangrenée par la corruption, où de nombreux responsables républicains et démocrates ont fini derrière les barreaux, la faute était trop flagrante, et toute la classe politique a fini par lâcher le dirigeant républicain.

«C'est tellement choquant venant de sa part, cela ne ressemble pas du tout à sa personnalité», dit à l'AFP la journaliste locale Leada Gore, de l'Alabama Media Group, qui a couvert toute l'affaire.

Enregistrement

Les amants furent, assez vite, négligents. Dès 2013, Dianne Bentley, la très digne épouse du gouverneur, a des doutes...

Mme Mason, ancienne journaliste de télévision aujourd'hui âgée d'une quarantaine d'années et elle-même mariée, a vite monté les échelons, d'attachée de presse à directrice de la communication puis conseillère politique omniprésente dans la vie du chef de l'exécutif de cet Etat conservateur et pauvre du Sud, en pleine «ceinture de la Bible».

Elle dort régulièrement dans l'aile pour invités de la résidence exécutive. Le gouverneur commence à travailler plus tôt le matin, plus tard le soir. Un jour, il a du maquillage sur sa chemise. La conseillère s'invite à sa guise dans son bureau.

En 2014, Robert Bentley se trompe de destinataire sur son iPhone et écrit à sa femme: «Je t'aime Rebekah», ponctuant le message d'une inhabituelle rose en emoji.

Dianne Bentley, délaissée, veut en avoir le coeur net et enregistre son mari à son insu, avec son téléphone caché dans son sac à main dans leur maison secondaire, pendant que Robert Bentley appelle sa maîtresse.

«Je t'aime, j'adore te parler», dit Robert à Rebekah. Il décrit à haute voix comment il veut l'approcher de dos, toucher sa poitrine...

Méthodes nixoniennes

A partir du moment où Mme Bentley détient cet enregistrement, l'histoire de moeurs bascule.

Le gouverneur dépêche des policiers chargés de sa protection auprès de collaboratrices afin de trouver l'enregistrement, et leur intimer le silence.

Il pousse des membres de son administration non coopératifs à la démission, ou les limoge en les accusant de divers méfaits inventés.

Il a aussi fait voler Mme Mason à bord de son avion, violant les règles qui interdisent la prise en charge de non-fonctionnaires, Rebekah Mason travaillant depuis son propre cabinet de conseil, rémunérée par le comité de campagne de M. Bentley.

En septembre 2015, les Bentley annoncent à la surprise générale leur divorce, après 50 ans de mariage. En mars 2016, l'affaire éclate publiquement, avec la fuite du fameux enregistrement du sac à main.

Mais le coup de grâce a pris la forme d'un rapport accablant, très détaillé, publié vendredi par la chambre des représentants locale en vue d'une procédure de destitution, qui venait de commencer lundi.

«Le président Nixon et le gouverneur Bentley ont tous les deux utilisé les forces de l'ordre et les ressources du gouvernement à leur bénéfice», a accusé lundi l'auteur, Jack Sharman, le comparant avec l'ancien président Richard Nixon, tombé dans l'affaire du Watergate en 1974.

Séparément, une commission d'éthique a transmis au procureur un dossier relatif à des irrégularités liées à des fonds de campagne.

Acculé, Robert Bentley a plaidé coupable pour deux chefs d'accusation, et renoncé à tout futur mandat.

«C'est une bonne histoire de Southern Gothic», conclut la journaliste Leada Gore, citant ce genre littéraire mélangeant le surnaturel et l'atmosphère étrange du Sud-américain.