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Catherine Gris :Aller le plus loin possible avec les entrepreneurs

25 mars 2017, 11:19

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Catherine Gris :Aller le plus loin possible avec les entrepreneurs

 

Elle est la première surprise par la réussite de son projet : le label “Made in Moris”. Derrière ce projet : Catherine Gris, comme «Development Officer» à l’Association of Mauritian Manufacturers. Rencontre…

Avant l’arrivée de Catherine Gris comme Development Officer à l’Association of Mauritian Manufacturers (AMM) en 2009, cette instance organisait des manifestations ponctuelles. À partir de zéro, cette femme de caractère a monté une petite équipe, a galvanisé l’intelligence collective et a conféré de la visibilité à l’AMM, en particulier avec la marque Made in Moris.

Bien que ce label, lancé en 2012, soit bien installé, Catherine Gris, qui est depuis Chief Executive Officer, est encore dépassée par cette réussite. «D’après notre sondage, 90 % des Mauriciens connaissent ce label et de ceux-là, 87 % font confiance aux produits locaux. Je crois que nous avons rempli un besoin énorme», lâche-t-elle, sans fierté déplacée.

C’est par petites touches que cette Curepipienne – fille de Gaston Loumeau, fondateur et partenaire principal de la société d’experts comptables Kemp Chatteris – a cumulé ses connaissances. Portée sur les lettres, elle décroche une bourse d’études en France à l’issue de son baccalauréat litté- raire au Lycée Labourdonnais. Amoureuse de Marcel Gris, coopérant fran- çais qui enseignait les mathématiques au lycée, elle l’épouse. Elle a 20 ans et lui dix ans de plus qu’elle. Il n’empêche qu’ils partagent les mêmes valeurs…

Le couple part pour la France et s’installe à Paris. La psychologie l’intéresse, mais son père et son mari y sont opposés. Elle opte alors pour les sciences humaines à l’École normale supérieure jusqu’à ce que sa meilleure amie lui suggère de passer le concours d’entrée à Sciences Po. Elle le fait et est acceptée. Catherine Gris choisit une spécialisation politique économique et sociale. Ses professeurs répètent aux élèves qu’ils font partie de l’élite, mais elle ne s’en émeut guère.

Une fois son diplôme obtenu, son mari accepte un poste d’assistant technique au développement économique à la Chambre de commerce et d’industrie à La Réunion. Elle est ravie de retrouver l’océan Indien. Après quelques piges pour Le Quotidien de La Réunion, elle réalise, à la demande d’un ami, un guide de poche sur l’île. «Croyez-le ou non, j’ai visité l’île à partir de la bibliothèque départementale et cela a donné le guide pratique “La Réunion de Ville en Ville”», dit-elle en riant.

Ce travail la tient occupée quelques mois jusqu’à ce qu’un autre ami l’invite à faire des comptes rendus radiophoniques d’expositions sur FR3. Elle accepte. Le directeur de la radio, séduit par sa voix, lui propose d’animer la tranche de 9 heures à midi au quotidien. Elle se prête au jeu, faisant des interviews de proximité et confiant les deux autres tranches horaires à des chroniqueurs.

Les entreprises l’intéressent et elle se sent l’âme d’une exploratrice. Mais l’audiovisuel d’État a ses contraintes. Sa grossesse inattendue lui permet de se retirer avec élégance. Après s’être occupée pendant un an de son fils Marc, aujourd’hui âgé de 36 ans, elle retrouve le marché du travail en se faisant embaucher par la préfecture de La Réunion comme chargée de mission à la formation des jeunes en difficulté. Sa tâche est de commander des programmes publics pour faciliter leur réinsertion.

Au bout de six ans, son mari se lance dans l’entrepreneuriat à Maurice et ils y reposent leurs bagages. Pour des raisons purement alimentaires, elle accepte un poste de directrice d’agence bancaire. C’est de son père qu’elle apprend à lire des bilans financiers et à comprendre les ramifications des groupes locaux. Entre-temps, elle met au monde deux autres fils, Laurent et Jonathan, qui ont aujourd’hui 28 et 24 ans. Elle aide aussi son oncle à relancer leur agence immobilière, COPRIM.

Son mari finit par revendre l’entreprise mauricienne et repart pour La Réunion. Elle le suit. La Région Réunion la sollicite comme cadre pour s’occuper de la formation des jeunes. Parmi les dossiers qui lui tiennent à cœur : une plateforme de remise à niveau afin que de jeunes Réunionnais puissent intégrer les concours des écoles d’ingénieur. Elle est aussi chargée de la formation des adultes pour l’alphabétisation.

Au bout de quatre ans, Catherine Gris est débauchée par l’Association pour le développement industriel qui lui offre le poste de secrétaire général. Au bout de huit ans, elle sent le besoin de regagner Maurice avec ses enfants. Les liens familiaux ténus et le rapport physique qu’elle entretient avec l’île et la nature l’aident à se ressourcer.

À force de fréquenter les associations patronales et d’assister aux assemblées générales, elle a l’idée de concevoir une émission de télévision axée sur les entreprises, qui étaient négativement perçues à l’époque car elles ne communiquaient pas ou si peu. Cela donne 100% challenge, émission hebdomadaire de vulgarisation de la Chambre de commerce et d’industrie de Maurice.

En 2009, elle est sollicitée par l’AMM pour agir en tant que Development Officer. Familière des entreprises industrielles et réalisant que les barrières tarifaires sont tombées depuis trois ans, elle a l’intuition que le produit mauricien est non seulement bon mais qu’il peut aisément rivaliser avec ceux d’importation. Une Brand Manager est recrutée en la personne de Shirin Gunny et les deux cogitent avec les industriels volontaires sur un projet de label mauricien. Ils sont aidés par l’agence Circus.

C’est ainsi que naît la marque Made in Moris, destinée à promouvoir les entreprises orientées vers le marché domestique et les petites et moyennes entreprises. Le concept fait mouche et donne une visibilité sans pareille à l’AMM. Bien que le label ait fait du chemin depuis, elle a encore du mal à convaincre les plus petites entreprises à accepter ce concept. «Cela n’a rien à voir avec leur chiffre d’affaires. C’est une question de temps, de rigueur, de discipline et d’organisation. Nous sommes obligés de passer par la phase d’évaluation et de contrôle continu si nous voulons devenir meilleurs. Le label “Made in Moris” est inclusif et destiné à tous ceux qui veulent durer. J’aime aider les entrepreneurs à continuer à exister en s’améliorant. Je veux leur apprendre à pêcher plutôt qu’à faire d’eux des assistés. Je veux transmettre à mes futurs petits-enfants une Île Maurice industrielle.»