Publicité

Après les tensions: briser les mythes de Batterie-Cassée

25 mars 2017, 21:00

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

Après les tensions: briser les mythes de Batterie-Cassée

Chômage, manque de loisirs et discrimination. Ce sont les principaux problèmes auxquels les habitants de Batterie-Cassée font face. Drogue et violence ? «Comme il y en a partout», répondent les habitants. Jeudi, des policiers ont fait une descente musclée dans la région et des coups et morsures ont plu. Pourquoi ce quartier a une si mauvaise réputation ?

Les habitants sont conscients de ce que leur localité représente. Roy Lebon en fait partie. Debout au coin de la rue à discuter avec ses amis, il accepte de parler de leurs problèmes. «La plupart des habitants d’ici ne travaillent pas car personne ne veut les employer. Dès qu’ils disent qu’ils sont issus d’ici, les portes se ferment», déplore-t-il.

Roy Lebon ne sait pas d’où vient cette perception des Mauriciens sur son endroit. Mais il affirme que pour tout le monde, y compris les autorités, Batterie Cassée ne fait pas partie de Maurice. «Nos enfants n’ont pas de loisirs. Partout, il y a des centres de récréation. Ounn gété ki zot inn mété isi ?» demande-t-il. Une visite des lieux s’impose.

Après une courte balade à moto en leur compagnie, nous sommes devant le centre installé pour la distraction des enfants de la région. Un conteneur repeint en vert. Quelques ouvriers font des travaux devant. À l’intérieur, l’espace restreint est occupé par des feuilles de tôle, des tables et chaises en plastique. Un stand avec plusieurs livres recouverts de poussière est dans un coin. «De temps en temps, il y a des dominos et un board de carrom. Nos enfants ne méritent que cela ?» fustige Judex, ami de Roy Lebon.

Le conteneur qui fait office de centre de récréation pour les enfants.

Un peu plus loin, un autre endroit réservé aux enfants est à l’abandon. Un jardin où le toboggan maintenu en position avec des roches et un manège endommagé font office d’attractions. Un amas de détritus traîne devant depuis deux semaines. Samuel et Jordan habitent à côté. «Sa zardin-la ? Ou trouv zanfan kav al ladan ?» disent-ils en riant. Selon eux, c’est la raison pour laquelle leurs enfants traînent les rues.

Attend-on, pour réparer ce manège endommagé, qu’un enfant y ait le pied coincé ?

 

Ce toboggan a besoin de roches pour être maintenu en position. Où est la sécurité ?
Ces ordures traînent devant le jardin d’enfants depuis deux semaines.

Zulu est un autre habitant. Il a toujours vécu sur les lieux. «Les gens qui font des activités illégales, il y en a partout. Pas seulement chez nous. Pourquoi faire des descentes chez nous uniquement ?» s’interroge-t-il.

Il concède que parfois, il y a des trafiquants de drogue dans les parages. «Mais dans ce cas, les policiers peuvent venir arrêter la personne calmement. Si elle est coupable, personne ne leur dira rien. Mé pa kav vini bat fam, mama, zenfan é embark tou dimounn», s’insurge-t-il.

«Mem bisiklet pa kav monté isi»

Zulu est un sportif. Quelques années de cela, il avait été présélectionné pour faire partie d’une équipe nationale. Toutefois, par manque de moyens, il a dû abandonner. «Le sport n’était pas nationalisé. Je n’avais pas les moyens de me payer des chaussures car je ne trouve pas de travail», explique-t-il, dépité.

D’ailleurs, Judex entraînait les jeunes du quartier à la boxe. Cependant à chaque fois qu’il essayait d’approcher un sponsor, il s’est heurté à un refus. Uniquement parce qu’il habite à Batterie-Cassée.

Aujourd’hui, le seul sport que Zulu peut se permettre est le vélo. Mais même là, les infrastructures de la région ne lui permettent pas d’en faire. «Plusieurs fois, mes roues se sont prises dedans. Mem bisiklet pa kav monté isi», se lamente le sportif.

Les infrastructures de la région ne permettent pas aux habitants de pratiquer du vélo.

Il doit bien y avoir une raison pour laquelle Batterie-Cassée a une image si péjorative, non ? Personne n’a la réponse à cette question. Le matin, pour éviter les embouteillages, des centaines de voitures traversent le quartier. En journée, les gens se promènent. Des touristes passent de temps en temps. Personne ne s’est jamais fait agresser.

«Personne ne s’est fait attaquer ici. Évidemment, lorsque quelqu’un est victime d’agression, il va se défendre. Mais il n’y a pas de violence chronique. Si quelqu’un est malade, tous les gens ici vont l’aider», affirme Roy Lebon.

Pour Brian Samoisy, autre habitant, cette image vient peut-être des descentes de police. «Le public ne garde que cela en tête», analyse le jeune homme.

Cette situation pose problème. Roy Lebon explique qu’à chaque fois qu’un de ses amis va chercher du travail, il doit mentir sur son adresse. «Parfois, mem kan al frékenté bizin dir nou res Sainte-Croix. Sinon nou retourné ek nou bouké fler», rit-il. Et c’est là la force de ces habitants ostracisés. Ils prennent le tout avec le sourire.

 

Parole à la police

<p>La cellule de communication de la police déplore les incidents qui ont eu lieu lors de l&rsquo;opération de jeudi. <em>&laquo;C&rsquo;est malheureux que des policiers aient été mordus dans l&rsquo;exercice de leurs fonctions. Cependant toute personne estimant qu&rsquo;elle a été victime de brutalité policière peut se rendre à la </em>Human Rights Commission<em>&raquo;</em>, fait ressortir un officier.</p>