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Questions à… Rita Venkatasawmy : «Une crise sans précédent face aux droits des enfants»

25 mars 2017, 10:07

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Questions à… Rita Venkatasawmy : «Une crise sans précédent face aux droits des enfants»

Un nourrisson abandonné dans une mosquée, des élèves victimes de violence dans les écoles, un enfant de 12 ans qui vole ou encore une fillette abandonnée à Roche-Bois. Comment expliquer ce déclin du respect des droits des enfants ?

Je peux très facilement rallonger cette liste. Je suis d’avis que nous faisons face à une crise de société sans précédent. Le nombre d’enfants victimes d’abus divers (physiques, sexuels, verbaux…) a considérablement augmenté. Trop de familles, souvent menées par une femme uniquement, sont fragilisées. Or, certaines femmes sont elles-mêmes fragiles, ayant eu une enfance pénible. La transmission des bonnes valeurs est alors difficile.

Après la famille, l’école a un rôle important à jouer dans la vie citoyenne d’un enfant. Je ne veux pas être négative, mais tout ce que je souhaite, c’est qu’avec le Nine Year Schooling, il y aura une évolution dans l’approche pédagogique. Nous pourrons ainsi inculquer des valeurs aux enfants.

Cela ne se fait pas actuellement ?

Si. On le fait, mais pas suffisamment. Le verre est à moitié rempli. Le rôle de l’école est surtout important lorsque l’enfant est issu d’une famille fragile. Si les bonnes valeurs lui sont transmises à l’école, il aura un avenir positif. 90 % des enfants vont à l’école à Maurice, mais il faut absolument réinventer l’école mauricienne.

Les enseignants sont-ils assez formés pour cela ?

Je ne pense pas qu’il soit correct de tout mettre sur le dos des enseignants. Cela les décourage plus. Il leur faut une formation plus poussée. Un enseignant a 30 à 40 élèves sous sa férule. De ce nombre, sept à huit ont un problème de comportement. C’est impossible qu’il gère ces cas seul.

Les institutions doivent, elles, fonctionner en toute transparence. Je ne dis pas que tel n’est pas le cas. Je ne suis pas une donneuse de leçons. Mais les institutions de droits humains doivent être actives, tout en ayant un appui financier, pour bien fonctionner. Dans mon cas, j’ai insisté auprès du ministre des Finances pour avoir de l’aide dans des projets, comme les séminaires résidentiels, qui coûtent énormément. Je suis contente que ma demande ait été agréée car ce genre de programmes est très bénéfique pour les enfants.

Pourtant, les parents sont appréhensifs. Est-ce que leurs enfants sont laissés entre de bonnes mains à l’école ?

Je laisse le soin aux citoyens et aux parents de tirer leur propre conclusion. J’ai récemment travaillé sur un cas de violence dans une école de la capitale. J’ai reçu plusieurs plaintes des parents et pourtant, à la suite d’une enquête interne menée dans cette école, on nous a dit qu’il n’y avait aucun problème. On a fait une visite surprise.

L’Ombudsperson a d’ailleurs tout à fait le droit de faire cela. Quand vous avez ce pouvoir, il faut être honnête. Même si 95 % des personnes disent qu’il n’y a rien, mais que vous voyez le contraire, il vous faut impérativement le faire ressortir. Dans ce cas précis, les plaintes des parents étaient bien fondées.

Donc, les recommandations de l’Ombudsperson for children sont bien prises en considération ?

Définitivement. Il faut comprendre que tous les cas ne sont pas médiatisés. Mais le dénouement qu’ont connu plusieurs cas me rend heureuse et satisfaite. On travaille d’arrache-pied. Les gens ont de plus en plus confiance en notre institution. On a créé un impact positif. Le nombre de cas rapportés au bureau de l’Ombudsperson a doublé depuis août dernier, soit depuis que mon premier rapport a été publié. Nous sommes submergés. (NdlR, 1er août 2015- 31 juillet 2016 : 180 cas rapportés et 1er août 2016 à ce jour: 210 cas rapportés.)

Quid des infrastructures dans les écoles ? Êtes-vous satisfaite des équipements auxquels ont accès les enfants ?

(Elle pousse un soupir) Il vous faudra attendre mon prochain rapport. Je n’ai pas encore tout visité.

Mais votre réaction semble indiquer que vous êtes loin d’être satisfaite.

(Rires) Je préfère ne rien dire pour l’instant. Chaque dossier est l’équivalent d’un nid de guêpe. Il faut rester vigilant.