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Arrêt des liens commerciaux entre Kiev et rebelles: vers une escalade du conflit?

19 mars 2017, 20:54

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Arrêt des liens commerciaux entre Kiev et rebelles: vers une escalade du conflit?

En presque trois ans de guerre, jamais les combats entre séparatistes pro-russes et soldats ukrainiens sur la ligne de front n’ont interrompu les liens commerciaux reliant Kiev et l’est rebelle.

Jusqu’à mercredi: poussé par des militants ayant organisé le blocus d’une voie ferrée reliant l’est rebelle au reste du pays, le président, Petro Porochenko, a décrété l’arrêt de toute livraison de marchandises aux régions séparatistes.

Pour Kiev, il s’agit aussi de riposter à la saisie début mars d’entreprises ukrainiennes par les séparatistes pro-russes, qui agissaient eux-mêmes en représailles au blocus.

«La décision que nous avons dû prendre n’est pas facile», a déclaré mercredi Petro Porochenko.

«A cause des personnes menant le blocus et les terroristes (nom donné par Kiev aux rebelles, ndlr), l’Ukraine a perdu ses entreprises et, malheureusement, cela crée une toute nouvelle réalité», a-t-il estimé.

Cette rupture soudaine des liens commerciaux entre Kiev et ses régions rebelles a suscité l’inquiétude aussi bien à Bruxelles qu’à Moscou concernant une éventuelle flambée de violences dans l’est du pays, où un conflit entre Kiev et les séparatistes russes fait rage depuis avril 2014.

Pour l’ambassadeur de l’Union européenne, Hugues Mingarelli, la décision de M. Porochenko «ne va pas vers» une réconciliation entre Kiev et les rebelles, tandis que le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, a estimé qu’elle allait «à l’encontre du bon sens».

«De telles actions, qui visent à isoler des régions entières du pays, vont mener à une escalade des tensions», a pronostiqué Dmitri Peskov, porte-parole du Kremlin, que Kiev et les Occidentaux accusent de soutenir les séparatistes, ce que Moscou dément.

Le blocus continue

Pour les militants ukrainiens à l’origine du blocus des trains qui transportaient notamment du charbon venu de l’est, la décision de Petro Porochenko représente une victoire.

«Nous saluons la décision du président», a déclaré à l’AFP Serguiï Akimovitch, un des chefs du mouvement, auquel participent des vétérans de guerre, des nationalistes et des élus d’opposition.

Pour autant, pas question de lever le siège. «Nous n’irons nulle part et nous allons continuer» à bloquer la voie ferrée, a affirmé M. Akimovitch.

Après avoir plusieurs fois dénoncé ce blocus qui a provoqué en Ukraine une importante pénurie de charbon, les autorités ukrainiennes ont finalement décidé d’intervenir et ont arrêté le 13 mars de nombreux activistes.

Des manifestations ont aussitôt éclaté à travers l’Ukraine, poussant le gouvernement à céder en partie aux demandes des militants, qui sont contre tout commerce entre Kiev et les séparatistes.

Mais c’est surtout la saisie d’entreprises ukrainiennes par les séparatistes qui a poussé Petro Porochenko à rompre les liens commerciaux avec l’est.

«Tant que l’Ukraine pouvait taxer ces entreprises situées en territoire rebelles et obtenir grâce à elles des devises étrangères, cela valait la peine de les protéger», avance le magazine Novoïe Vremia.

Dès fin février, les autorités rebelles ont saisi les locaux de dizaines d’entreprises ukrainiennes mais aussi des mines de charbon, dont certaines appartenant au milliardaire Rinat Akhmetov, l’homme le plus riche d’Ukraine.

La perte de ces entreprises coûte «des milliards de dollars» au pays, a estimé M. Porochenko.

L’Ukraine, désormais privée de charbon, uniquement disponible en zone rebelle et dont dépend son industrie, a dû également prendre des mesures d’urgence face au risque de crise énergétique majeure.

Importer de Russie

Les autorités séparatistes affirment que l’arrêt des liens commerciaux avec Kiev n’aura aucun impact sur la vie des habitants de l’est rebelle.

Dans la république autoproclamée de Donetsk, plus de 84% des importations viennent de Russie, a ainsi affirmé le chef rebelle Alexandre Zakhartchenko.

Le commerce avec la Russie sera renforcé, a-t-il promis. «Il y aura certaines difficultés mais le processus est déjà enclenché et il se développe de manière intense».

Sur un marché de Donetsk, Igor vend des biscuits venus de Russie. La plupart des habitants n’achètent que des produits russes, affirme-t-il.

«En général, on ne ramène rien d’Ukraine, la plupart des importations viennent de Russie», explique le vendeur de 22 ans.

A ses yeux, le blocus peut être facilement résolu: «les gens sont comme des cafards, ils s’adaptent à tout», déclare-t-il.