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Ellanah Appanah: «10 000 hectares de terres sucrières à l’abandon»

9 mars 2017, 18:57

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Ellanah Appanah: «10 000 hectares de terres sucrières à l’abandon»

Encourager les planteurs à ne pas abandonner leurs terres sucrières. Tel est l’objectif de la MCAF. Cette fédération l’a évoqué lors de son assemblée générale la semaine dernière. Son président décortique les défis auxquels fait face le sucre mauricien.

Quelles sont les retombées de l’assemblée générale de la MCAF ?

Nous avons surtout discuté des terrains destinés à la culture sucrière qui ont été abandonnés ou qui sont en voie de l’être. Bien souvent, cette situation résulte du vieillissement ou du décès des propriétaires ainsi qu’au partage de ces terres entre les héritiers. Il arrive que ces derniers décident de vendre leurs parcelles ou ne sont pas encouragés à maintenir la culture sucrière. De ce fait, les terrains demeurent inactifs ou risquent de le devenir.

Avec les autorités et les sociétés coopératives primaires, nous procédons actuellement à un relevé pour retracer ces planteurs. Cet exercice a commencé en février. Selon notre estimation, environ 10 000 hectares de terres sucrières seraient inactifs. Nous souhaitons en réactiver au moins 1 000 hectares afin d’assurer la production de sucre requise qui s’élève à 400 000 tonnes annuellement. Je suis convaincu que nous pouvons atteindre cet objectif.

D’ailleurs, grâce au Field Operations, Regrouping and Irrigation Project (FORIP), nous pouvons encourager les planteurs. Les objectifs principaux de cette initiative gouvernementale, effective depuis 2014, sont d’encourager les planteurs à reprendre la culture et d’améliorer le potentiel productif des terres agricoles.

Quelles sont les principales difficultés auxquelles le secteur fait face aujourd’hui ?

Il en existe trois. Premièrement, il y a un manque de personnel. Statistiquement parlant, il resterait environ 25 % de coupeurs actifs en comparaison au nombre qui travaillait en 2012. La majorité d’entre eux sont âgés. À cela, il faut ajouter le fait qu’il s’agit d’un métier saisonnier. Ainsi, pour la saison de la coupe qui s’échelonne de juin-juillet à décembre, nous aurions pu recruter des ouvriers du Bangladesh pour pallier le manque de main-d’œuvre local. Mais passé la saison, que ferions-nous de ces travailleurs ? Conscientes de ce défi, les autorités travaillent sur les moyens pour mobiliser les coupeurs mauriciens.

Deuxièmement, nous éprouvons des difficultés pour le chargement. Et, troisièmement, il y a des problèmes de transport. En ce qui concerne le chargement, il est crucial d’investir dans des systèmes mécaniques à cause du vieillissement des coupeurs locaux. Quant au transport, il est aussi question d’investissement. Les camions assurant le transport de la canne pour les petits planteurs sont limités à cinq tonnes. Il nous faut des véhicules à plus haute capacité.

Comment se positionne le sucre mauricien sur le marché ?

Pour Maurice, nous nous basons sur deux acheteurs principaux : le Fairtrade en Allemagne et l’Altromercato en Italie. Dans le premier cas, l’achat est fixé à $ 60 par tonne pour l’approvisionnement en sucre en Europe. Quant au second cas, le sucre est utilisé pour la production de chocolat. Selon ces organismes, la qualité du sucre mauricien est supérieure à celle du Brésil et de l’Inde.

En général, la demande pour notre sucre est de 90 % pour la consommation internationale et de 10 % pour le marché local. Ces besoins équivalent à une production de 400 000 tonnes de sucre par an, comme je l’ai mentionné précédemment. Mais en 2015-2016, ce taux était de 375 000 tonnes. Cela a nécessité une importation de 25 000 tonnes pour la consommation locale.

Pour 2017, nous demeurons optimistes à l’effet que la production des 400 000 tonnes pourrait être atteinte. D’une part, cette anticipation résulte de l’élongation de la canne à sucre, qui nous paraît optimale. D’autre part, Maurice n’a pas subi de pluies excessives à ce stade. Par contre, nos cultures avaient été affectées par les intempéries les années précédentes. Ce qui avait influé sur la production.

La diversification vers les sucres spéciaux et la culture biologique sont-elles suffisamment intégrées dans le modèle économique de l’industrie ?

La diversification est un processus qui a démarré à Maurice dans les années 2010. Notre sucre roux devait alors être raffiné par la firme Tate & Lyle, en Angleterre. Maintenant, il existe plusieurs raffineries locales qui assurent ce procédé. Celles-ci semblent désormais avoir atteint leur vitesse de croisière. Parallèlement, des marchés niches se sont développés sur l’Europe. Ceci implique l’émergence de di- verses variations comme les cubes et les sucres spéciaux, qui constituent une valeur ajoutée pour le marché.

Corcernant le bio, c’est une notion nouvelle à Maurice. Nous n’avons pas vraiment une canne à sucre biologique. Les planteurs sont quelque peu conservateurs et il est difficile d’éradiquer totalement les fertilisants chimiques. Néanmoins, un premier pas a été franchi avec les fertilisants biologiques et organiques depuis 2014. Dans cet esprit, nous mettons l’accent sur les fertilisants à base de légumes et d’écumes de canne à sucre. Parallèlement, des fertilisants biologiques ont été fournis à 850 planteurs en 2016 par Altromercato. Nous voulons encourager les planteurs à préconiser ces méthodes.

Comment l’abolition des quotas sucriers en Europe pourrait-elle affecter l’avenir de l’industrie locale ?

Je suis serein quant à l’avenir de la canne à sucre. Il faut susciter l’intérêt des planteurs et des sociétés coopératives, entre autres. Il faut redynamiser ces terrains délaissés ou qui frisent l’abandon. Nous pouvons trouver des accords afin qu’un autre planteur les cultive et des arrangements pour que la production soit établie avec le propriétaire.

En termes d’abolition des quotas européens, la betterave pose une sérieuse concurrence à la canne à sucre. Elle a une plus grande durée de vie comparativement à la canne qui doit obligatoirement être coupée à la saison. Nous devons conserver des coûts de production minimes et maintenir de bonnes pratiques de culture, tout en respectant la qualité.

Récemment, il a été évoqué que huit sociétés coopératives de sucre ne répondent pas au label de commerce équitable. Comment votre fédération peut-elle agir dans cette optique ?

Nous sommes au courant de cela. La MCAF est disposée à prêter main-forte. En fait, ces huit sociétés coopératives qui ne répondent pas au label de commerce équitable pour la vente de sucre ne sont pas pour autant désenregistrées. Elles peuvent faire appel auprès de la Mauritius Fairtrade Federation Ltd afin de remédier à la situation.

Qui est Ellanah Appanah ?

<p>Avant d&rsquo;assumer la présidence de la MCAF, Ellanah Appanah, détenteur d&rsquo;un diplôme en travail social, a exercé comme enseignant à l&rsquo;école primaire de Cottage. Après dix ans de service dans le domaine éducatif, il a été <em>&laquo;Community Officer&raquo;</em> au sein de la <em>Sugar Industry Labour Welfare Fund.</em> Retraité de cette fonction, il a été directeur de la fédération pendant neuf ans avant d&rsquo;être nommé président en 2008, 2012 et plus récemment pour 2016- 2017. La MCAF compte 155 sociétés coopératives et environ 7 000 petits planteurs de canne à sucre.</p>

 

En chiffres

<p>Selon le rapport de juin 2016 et le président de la MCAF :</p>

<p>366 070 tonnes de sucre ont été produites d&rsquo;une récolte de 4 009 232 tonnes de canne à sucre en 2015</p>

<p>Rs 13 166,36 : tel est le prix par tonne de sucre pour 2015 fixé par l&rsquo;Union européenne. En 2011, ce montant était de Rs 16 020,16. Ce qui équivaut à une chute de 17,8 %.</p>

<p>7 000 à 8 000 planteurs sont regroupés au sein de la fédération. Vers les années 2000, ce nombre était estimé à 25 000.</p>