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Arnaud Lagesse: «La gouvernance est un état d’esprit, un savoir-vivre ensemble»

22 février 2017, 16:55

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Arnaud Lagesse: «La gouvernance est un état d’esprit, un savoir-vivre ensemble»

Pour Arnaud Lagesse, la gouvernance est une manière de fonctionner, avec, à la clé, une garantie de résultats positifs pour toutes les parties prenantes. Elle améliore l’attrait des entreprises pour les investisseurs.

Le nouveau code de gouvernance se différencie de l’ancien par le nouveau concept d’«Apply & Explain». Puisque l’accent est moins sur la conformité, ne craignezvous pas que les entreprises prennent à la légère les dispositions de ce code ? Comment le comité compte s’y prendre pour que ces entreprises s’impliquent ?

Le National Committee for Corporate Governance (NCCG) travaille en étroite collaboration avec le Mauritius Institute of Directors (MIoD), qui a la responsabilité de disséminer les principes du nouveau code et de former les parties prenantes dans les secteurs public et privé. Il ne faut pas non plus oublier qu’un code datant de 2003 existe déjà et que la plupart des entreprises d’intérêt public y adhèrent. Donc, le nouveau code est une mini révolution mais pas une nouveauté dans le fond.

Il y a, dans notre île, une méfiance à l’égard des entreprises familiales qui n’est pas légitime.

Treize ans après la parution du premier code, certaines entreprises, privées comme publiques, ne semblent toujours pas convaincues des avantages d’adhérer aux principes de bonne gouvernance. Que leur répondez-vous ?

De nos jours, l’adhésion aux principes de bonne gouvernance est une condition incontournable à la bonne gestion des entreprises, donc un facteur qui permet de générer de bons résultats, à la fois dans les secteurs privé et public.

Nous constatons que le choix d’ignorer ces principes est souvent lourd de conséquences pour les individus, les sociétés en général et, parfois, pour des nations entières. Tout comme nous avons de plus en plus de preuves pour démontrer que l’adhésion aux principes de bonne gouvernance améliore la performance financière des entreprises et des organismes concernés.

Dans le monde des affaires, des valeurs telles que l’intégrité et la transparence séduisent les investisseurs. Elles jouent un rôle important dans le processus de prise de décision. La bonne gouvernance est un facteur d’attractivité et de valeur ajoutée pour les entreprises.

En 2000, le cabinet McKinsey a sondé 200 investisseurs institutionnels en Asie, parmi lesquels 89 % ont déclaré que pour deux entreprises à performance financière comparable, ils étaient disposés à payer davantage pour les actions d’une entreprise gérée selon les principes de bonne gouvernance.

En bref, les entreprises ont tout à gagner à adopter des règles de bonne gouvernance et je suis certain que l’ensemble des parties prenantes à ce processus comprend le bien-fondé de notre démarche. Le challenge sera surtout pour les organismes du secteur public qui, dès cette année, devront appliquer les principes de gouvernance et expliquer comment elles ont traduit ces principes par des mesures concrètes.

L’entreprise publique reste justement le mauvais élève de la gouvernance. Or, elle devra s’y mettre. C’est visiblement un grand défi pour le comité.

L’adhésion du secteur public est importante, c’est pourquoi le nouveau code y consacre un volet entier sous le titre Guidance for Statutory Bodies, qui s’applique de manière spécifique à cette partie prenante de taille. Il est primordial que les compagnies du secteur public qui, de par leur activité, utilisent les fonds publics, se mettent à la page de la bonne gouvernance.

Outre les sessions de formation dispensées par le MIoD, il reviendra aux ministres qui chapeautent ces organismes et aux autorités responsables de s’assurer que le code soit appliqué et respecté.

Il ne faut pas croire que les crises sont indicatrices d’échec des principes de bonne gouvernance.

Estimez-vous qu’à terme, il faudrait donner force de loi aux «guidelines» pour que le nouveau code soit une réussite au niveau des entreprises publiques ?

Non, le mécanisme d’Apply and Explain et l’autodiscipline constituent la recette du succès de ce code. Le NCCG n’a jamais envisagé l’éventualité d’en faire la base d’une législation ou même d’un règlement. La gouvernance est un état d’esprit, un savoir-vivre ensemble, une manière de fonctionner qui implique la bonne volonté des parties prenantes avec, à la clé, une garantie de résultats positifs à tous les niveaux.

Le nouveau code s’inspire de celui en vigueur en Afrique du Sud. Or, la gouvernance d’entreprise fait débat dans ce pays où sévit une forte corruption…

L’Afrique du Sud a compris la nécessité de la gouvernance d’entreprise dans le contexte plus large de sa réforme politique après l’effondrement de l’apartheid. Ils ont préparé le rapport King dans un contexte de changement où coexistaient deux éléments importants : les nouvelles opportunités d’acceptation par l’économie mondiale et les aspirations à un développement économique équitable et rapide.

Ce rapport est le fruit d’une démarche des organismes représentatifs des entreprises, et moins d’une initiative du gouvernement ou des organismes de réglementation, mais il a initié des comportements d’autoréglementation, avec plusieurs entreprises qui l’ont adopté. Il a aussi le soutien des régulateurs.

Il ne faut pas croire que les crises, qu’elles soient financières ou humaines, sont indicatrices d’échec des principes de bonne gouvernance d’entreprise. La qualité des principes de gouvernance n’est pas remise en cause. L’échec réside dans le manque d’application de l’esprit de ces principes, en particulier en ce qui concerne la gestion des risques.

À mon sens, la leçon à tirer des crises passées et présentes est que les entreprises ne fonctionnent pas en autarcie. Elles exercent dans un milieu interconnecté et sont, en conséquence, responsables du maintien de l’équilibre de leur microcosme.

La bonne gouvernance, dites-vous, permet d’assurer la protection des actionnaires minoritaires. Comment au niveau de la gouvernance d’entreprise, les principes généraux de ce nouveau code prennent en considération les intérêts familiaux?

Il y a, dans notre île, une méfiance à l’égard des entreprises familiales qui n’est pas légitime. N’oublions pas que les entreprises familiales représentent les deux tiers des entreprises mondiales et ont fait l’objet de nombreuses études qui ont mis en exergue leur compétitivité et de leur longévité.

En Inde, par exemple, où on estime que 90% des compagnies sont familiales, PwC a étudié de près les caractéristiques de ces family businesses et a souligné quelques aspects intéressants. Par exemple, elles prennent soin de leurs employés même en temps de crise, elles apportent un support important à leur communauté et la grande majorité d’entre elles atteignent leurs objectifs d’expansion avec facilité.

A Maurice, où la famille est un pilier de notre société, il est normal que les entreprises soient créées et gérées ou cogérées par des cellules familiales.

Notre nouveau code est basé sur huit principes de gouvernance, qui existent pour faire valoir les droits de toutes les parties prenantes et pour harmoniser leurs relations.

Il est donc normal que les entreprises familiales y aient leur place et soient soumises aux principes définis au même titre qu’un autre stakeholder. De ce fait, une section leur est consacrée au sein du volet Unlisted Family Companies.