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Kanwars: Tradition vs exagération

19 février 2017, 21:00

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Kanwars: Tradition vs exagération

Shivji lui-même a probablement du mal à en croire ses yeux. Depuis quelques années maintenant, il voit défiler sur les routes qui mènent vers Ganga Talao, des chars, des avions, des trains. Sans parler des autres kanwars, plus grands que les chaînes de l’Himalaya. Ou encore de ceux avec table de mixage, enceinte acoustique intégrée, diffusant des bhajans (NdlR, prières) remixées, avec son en Dolby Surround. Et si d’un côté, on parle de compétition et d’exagération, de l’autre, on parle de créativité et de modernité.

Pour Shyama Sohun, 41 ans, il ne s’agit ni plus ni moins que d’une aberration. «Bann zeness-la fer konkour, gueté kisana ki pou aranz pli bel kanwar. Anfin si kapav apel sa kanwar», lâche l’habitante de Gokhoola. Pourtant, cette mère de deux adolescentes dit comprendre, quelque part, que les jeunes veulent se réapproprier les traditions. Mais, «il y a un minimum de décence à respecter».

Kevin, lui, n’hésite pas à cracher son venin sur cette «mode» qui consiste à faire compliqué quand on peut faire simple. «Heureusement que le ridicule ne tue pas sinon il y en a qui seraient déjà morts.» Que répond-il à ceux qui disent que c’est une façon d’intéresser les djeunes aux traditions ?

«Ça n’a rien à voir», martèle cet habitant de Beau-Bassin âgé de 35 ans, avec un sourire en coin. «Shiv ne voyageait pas en avion de chasse que je sache. On vole très haut là, niveau réinterprétation. À mon avis, il s’agit plutôt d’une compétition entre gens qui veulent se faire remarquer.»

Alors que pour Manisha Bundhoo, 30 ans, et qui a  plusieurs pèlerinages dans les jambes, le «concept avant-gardiste» de certains kanwars «pa match avek dévosion ek laprier. Dakor éna dimounn anvi exprim kréativité mé li inpé too much parfwa».

Des propos rejoints par ceux de Manoj. «Éoula, kot nou pé alé ?» ironise cet habitant de Goodlands. Qui affirme qu’un kanwar en forme de tank est «inapproprié. À trop vouloir faire du trendy, on tombe dans l’extrême». Et d’ajouter sur une note grave : «Ça fait penser davantage à une parade.»

Vinesh, 22 ans, tient un autre discours. «On ne fait rien de mal. C’est juste une façon de montrer notre créativité. À la fin, on va quand même à Grand-Bassin pour prier.»

En attendant, s’il vous arrive de croiser un avion en route, prière de lui céder le passage. Ou la piste d’atterrissage.

Bon à savoir

C’est en 1898 que les premiers dévots ont effectué le pèlerinage vers le lac sacré. Le groupe était emmené par le pandit Giri Gossayne, qui habitait Terre-Rouge. Le kanwar, dont la structure est fabriquée à partir de bambou, représente, en fait, la maison de Dieu.

À l’ancienne...

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	<figure class="image" style="display:inline-block"><img alt="" height="265" src="/sites/lexpress/files/images/kanwars_fabrication_-bee.jpg" width="397" />
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	</figure>
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<p>Chez la famille Sookun, à l&rsquo;Espérence-Trébuchet, une dizaine de jeunes s&rsquo;affairent. L&rsquo;objet de leur attention, en ce jeudi après-midi : un <em>&laquo;kanwar&raquo;</em> qu&rsquo;ils doivent décorer, maintenant que la structure est fin prête. Cette année, ils ont opté pour la réalisation d&rsquo;un <em>&laquo;Shivling&raquo;</em>, soit le symbole du dieu Shiva.</p>

<p>Si le groupe a choisi une structure de taille moyenne, c&rsquo;est pour éviter d&rsquo;obstruer la circulation, explique Anoop Ramlagun, qui fait partie du groupe que l&rsquo;express a rencontré. Autrefois, dit-il, ils construisaient de grosses structures.</p>

<p>Ils sont 25 à faire partie du Yuvak Sangh (groupe de jeunes) de l&rsquo;endroit. Et c&rsquo;est surtout dans le courant de la soirée qu&rsquo;ils réalisent le <em>&laquo;kanwar&raquo;,</em> la plupart travaillant en journée. <em>&laquo;On se réunit tous à partir de 18 heures et on peut travailler jusqu&rsquo;à 23 heures parfois&raquo;</em>, raconte Anoop Ramlagun. Le groupe d&rsquo;amis commence à travailler sur leur <em>&laquo;kanwar&raquo;</em> trois semaines avant la grande nuit de Shiva. <em>&laquo;Chaque année, c&rsquo;est au tour de l&rsquo;un d&rsquo;entre nous d&rsquo;accueillir les autres chez lui&raquo;</em>, confie notre interlocuteur. <em>&laquo;On fait perdurer la tradition car elle symbolise surtout l&rsquo;unité qui existe entre nous et qu&rsquo;on veut transmettre aux autres.</em></p>