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Deva Armoogum, ancien Chairman du Mauritius Institute of Directors : «C’est la puissance du capital qui parle»

5 février 2017, 20:01

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Deva Armoogum, ancien Chairman du Mauritius Institute of Directors : «C’est la puissance du capital qui parle»

 

Diriez-vous que le secteur privé fonctionne de manière démocratique ?

Tout d’abord, nous devons comprendre que notre système économique capitaliste repose sur le droit incontesté à la propriété privée, qui se transmet de génération en génération et qui reste dans la famille. On ne devrait donc pas être surpris que les entreprises familiales n’acceptent jamais de laisser le contrôle de la société à des étrangers. À mon avis, la notion de démocratie, au sens d’un homme un vote, ne s’applique pas au secteur privé. C’est plutôt la puissance du capital qui parle, c’est-à-dire une part, un vote.

Il n’y a rien que nous puissions faire, sauf nous lamenter sur notre malheur de ne pas être membre d’une riche famille.

Y a-t-il de la méritocratie et de la transparence pour les nominations sur les conseils d’administration ?

Bien que tenus par la loi de travailler dans le meilleur intérêt de l’entreprise, les conseils d’administration sont le plus souvent représentatifs des intérêts des actionnaires. Par conséquent, vous verrez tous les membres de la famille siégeant au conseil. Peut-être, par respect pour le code de bonne gouvernance, il y aurait un ou deux administrateurs indépendants, soigneusement sélectionnés par le comité de nomination.

Votre constat est très sévère… Cela ne signifie pas que la méritocratie n’existe pas. Mais nous savons tous que les membres de la famille sont préparés et intégrés dans l’entreprise dès leur plus jeune âge. Ils apprennent comment se connecter aux bonnes personnes influentes (y compris les politiciens), comment utiliser le pouvoir de leur argent pour acheter des alliances et influencer les décisions en leur faveur. Ils ont accès à la meilleure éducation, ils voyagent et ils apprennent les rouages du métier par leur famille. Donc, comment peuvent-ils ne pas être les personnes les plus compétentes pour prendre en charge l’entreprise et la gérer ? Même s’ils font des erreurs dans leur processus d’apprentissage, ils savent qu’il y aura des yeux paternalistes dans le conseil d’administration pour montrer une certaine clémence à leur égard. Par contre, une telle clémence ne sera pas étendue aux professionnels extérieurs qui sont nommés pour diriger la compagnie.

Ceux-ci sont traités sans pitié, en ouvrant la voie pour que le fils, le frère, le cousin, le neveu, le beau-frère ou le gendre prenne le dessus le moment venu.

Donc les professionnels pareillement qualifiés n’ont aucune chance d’accéder à de hauts postes de dirigeants ?

Je me réfère à votre première question sur l’existence de la démocratie dans le secteur privé. La réponse est, selon moi, clairement non. Il est impensable qu’un brillant élève rejoignant les rangs d’une entreprise familiale puisse aspirer à gravir les échelons pour devenir son directeur général et éventuellement son président. Au mieux, il peut réussir à gérer une filiale, mais même alors, il devra rivaliser avec l’expatrié professionnel, qui apporte son lot d’expertise internationale, tout en ne représentant aucune menace pour les propriétaires de l’entreprise.

Dans quelle mesure peut-on faire évoluer les choses alors ?

Tout ce dont j’ai parlé est parfaitement conforme à la notion de propriété privée. Les choses pourraient évoluer si l’actionnariat est ouvert, comme c’est le cas aux États-Unis par exemple. Sinon, il n’y a rien que nous puissions faire, sauf nous lamenter sur notre malheur de ne pas être membre d’une riche famille.