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Manifestations géantes en Roumanie: le gouvernement sous pression

2 février 2017, 20:27

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Manifestations géantes en Roumanie: le gouvernement sous pression

 

Après des manifestations historiques, le nouveau gouvernement roumain est sous pression maximum, critiqué par la rue et à l’étranger pour l’assouplissement de la législation anticorruption et affaibli par la démission d’un ministre.

Lors d’une mobilisation sans égal depuis la chute du régime communiste de Nicolae Ceausescu fin 1989, entre 200.000 et 300.000 personnes ont battu le pavé mercredi soir à Bucarest et dans une quarantaine de villes du pays.

Beaucoup réclamaient la démission du nouveau gouvernement formé il y a à peine un mois par le parti social-démocrate (PSD), qui a adopté mardi, en catimini, un décret d’urgence dépénalisant plusieurs délits de corruption.

Face à la perspective de voir échapper à la justice des élus et hommes d’affaires soupçonnés de malversations, la mobilisation a été immédiate dans ce pays pauvre où la lutte contre la corruption s’est intensifiée ces dernières années sous la pression de l’UE et de magistrats très offensifs.

Le parquet anticorruption (DNA) est l’institution qui bénéficie du plus fort taux de confiance du pays après l’Eglise orthodoxe et l’armée tandis que 95% des Roumains souhaitaient, avant les élections de décembre, que la lutte contre la corruption, fléau endémique, soit une priorité du futur gouvernement.

Plusieurs manifestants interrogés par l’AFP disaient craindre «un retour en arrière».

A Bucarest, où environ 100.000 personnes sont descendues dans la rue, la manifestation s’est terminée par des échauffourées, faisant six blessés légers.

L’exécutif justifie sa réforme par la nécessité de désengorger les prisons et de mettre en conformité le code pénal dont une soixantaine d’articles ont été invalidés par la Cour constitutionnelle. Les dirigeants du PSD étaient réunis jeudi pour préparer leur riposte aux accusations.

Des fissures ont commencé à apparaître au sein du gouvernement dont le ministre des Milieux d’affaires, du Commerce et de l’Entrepreneuriat Florin Jianu a démissionné jeudi, critiquant «l’erreur» du pouvoir.

Le ministre de la Justice Florin Iordache, dont les manifestants ont exigé le départ, a affirmé qu’il ne démissionnerait pas, annonçant toutefois qu’il déléguait ses pouvoirs à un adjoint pour une semaine, sans en expliquer les raisons.

 «Mobilisation spontanée» 

La Commission européenne et plusieurs ambassades occidentales ont exprimé leur préoccupation face au projet du gouvernement. Les adversaires du décret misent désormais sur une intervention de la Cour constitutionnelle.

Le président de centre droit Klaus Iohannis, en guerre ouverte avec le gouvernement, a annoncé jeudi avoir saisi la haute juridiction. Le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) avait fait mercredi une démarche similaire.

Le gouvernement a par ailleurs soumis au Parlement un projet de grâce visant environ 2.500 détenus purgeant des peines allant jusqu’à cinq ans de prison.

Après avoir dû quitter le pouvoir fin 2015, sous la pression d’importantes manifestations, le PSD a reconquis une majorité en parlement aux législatives de décembre en s’engageant notamment à améliorer le niveau de vie des Roumains.

Plusieurs de ses promesses sont entrées en vigueur: hausse du salaire minimum, des retraites, des bourses et transport gratuit sur les chemins de fer pour les étudiants.

Mais selon l’éditorialiste Malin Bot du quotidien Romania Libera (proche du centre droit), «leur seul but est de se mettre à l’abri de la justice et de conserver les fortunes accumulées en parasitant l’Etat».

Dans la rue, plusieurs pancartes des manifestants lançaient un message sans équivoque: «Vous ne pouvez pas nous acheter».

Les rangs du PSD, au centre de la vie politique depuis la fin du communisme, ont été particulièrement touchés par les enquêtes du DNA.

Si les législatives de décembre avaient été marquées par un fort taux d’abstention, les Roumains «se sont mobilisés spontanément lorsqu’ils ont eu l’impression que la justice et la lutte anticorruption étaient menacées», indique à l’AFP l’expert politique Radu Magdin. Selon lui, les manifestants sont notamment des jeunes et des membres de la classe moyenne.

Sans concession du gouvernement, le bras de fer devrait continuer surtout si, estime M. Magdin, la victoire de Donald Trump aux Etats-Unis encourage le gouvernement à se dire «il y a d’autres leaders qui passent en force et laisse penser que l’Occident s’occupe d’autre chose» que de la Roumanie.