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Face aux preuves réunies: la commission Lam Shang Leen ne peut plus reculer

27 janvier 2017, 15:03

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Face aux preuves réunies: la commission Lam Shang Leen ne peut plus reculer

 

La commission d’enquête finalise les derniers détails avant de convoquer les premiers avocats d’ici une dizaine de jours. A ce stade, très peu d’informations filtrent en raison de la nature très confidentielle de cette minutieuse enquête. Au moins six noms d’avocats et d’avocates sont cités avec persistance dans les milieux concernés.

Parmi lesquels une jeune avocate, ayant fait l’acquisition de plus d’une voiture de luxe récemment, ainsi que trois jeunes du barreau ayant aussi brandi des signes de richesse assez troublants, eu égard à leurs activités professionnelles. Après ces seconds couteaux, des avocats seniors seront appelés à expliquer leurs liens avec les trafiquants de drogue à l’étranger et ceux qui sont derrière les barreaux. Trois sont proches du Sun Trust.

Au sein de la commission Lam Shang Leen, l’on réfute catégoriquement le fait que des pressions pourraient faire reculer l’enquête qui a atteint un stade avancé. Beaucoup d’indices et de preuves ont déjà été collectés, dont plusieurs seraient «damning», apprend-on. Ce sont ces éléments qui rendent quasi impossible la fin des travaux de la commission avant l’audition de ces avocats.

En mars 2016, l’ancien juge Paul Lam Shang Leen avait poussé un cri de colère en public en constatant que les nombreuses dépositions devant la commission ne comprenaient aucune information sur les trafiquants de drogue et leur modus operandi. «Lorsque j’avais déposé, l’ancien juge avait fait remarquer que les ONG ne dénonçaient pas les trafiquants. J’ai répliqué que la dénonciation n’est pas de notre ressort, plutôt de celui de la police, avec la brigade antidrogue. Il voulait savoir si les jeunes que nous encadrons n’ont pas les noms de ceux auprès desquels ils s’approvisionnent. Ce n’est pas notre rôle», avait soutenu Dany Philippe, coordonnateur de LEAD. «Flinguer les ONG est contre-productif. Pourquoi le président de la commission d’enquête n’a-t-il pas fait de coup de sang envers l’ADSU, les avocats et le système judiciaire? C’est-à-dire tous ceux qui connaissent la situation de la drogue et des trafiquants mieux que nous», avait, pour sa part, affirmé le directeur de PILS, Nicolas Ritter.

C’est alors que la commission a fait appel, en avril 2016, à l’assistant surintendant de police (ASP) Hector Tuyau, qui possède une vingtaine d’années d’expérience au sein de l’ADSU. Ce dernier n’a pas tardé à monter une équipe de cinq-six enquêteurs, rodés au combat contre la drogue. L’équipe s’est alors rendue dans les différentes prisons pour discuter avec trafiquants condamnés, suspects en détention provisoire, garde chiourmes, etc. Au fil du temps, il devenait évident que les maillons qui manquaient entre les gros trafiquants qui faisaient leur commerce de la mort derrière les barreaux et le monde extérieur étaient les hommes de loi, soit une trentaine d’avocats et d’avoués - dont les noms figuraient régulièrement dans les Visitors' Books. Ces livres sont aujourd’hui entre les mains de la commission et ils livrent, petit à petit, leurs lourds secrets…

Les enquêteurs de la commission n’ont pas lésiné sur les moyens pour saisir les liens entre hommes de loi et trafiquants. Ainsi, grâce la Commission of Enquiry Act, la police et l’Asset Recovery Unit ont été sollicitées, ainsi que des Judge’s Orders pour faire parler les nombreuses SIM cards saisies en prison (et qui incriminent plusieurs avocats !)…

Les comptes bancaires des avocats peuvent être épluchés

Comment se déroulera la séance? Seront-ils obligés de tout dévoiler? Que se passera-t-il ensuite? L’express a sollicité une source proche du dossier pour qu’elle nous en dise plus.

Dans un premier temps, l’avocat convoqué peut solliciter l’aide d’un autre homme de loi. C’est un inquisitional system, où il doit répondre aux questions des membres de la commission d’enquête alors que l’avocat qui le représente peut interroger ces derniers pour obtenir des éclaircissements sur les questions posées. «La commission n’est pas une cour de justice, elle ne peut décider de poursuivre ou d’arrêter une personne», indique notre source.

Elle explique également que la commission n’a pas besoin d’un ordre du juge pour réclamer des informations et documents à la personne convoquée, que ce soit des documents personnels ou ses comptes bancaires. D’ailleurs, l’homme de loi de celle-ci n’a nullement le droit d’objecter aux réclamations des membres de la commission.

L’avocat convoqué peut toutefois refuser de révéler la teneur des conversations entre le détenu et lui. Mais il doit fournir une explication sur les raisons de ses visites au prisonnier. Il doit aussi s’expliquer sur sa déclaration d’impôts et sur la façon dont il a été payé par son client. «La commission veut savoir si c’est du blanchiment d’argent ou si c’est grâce au trafic de drogue que le prisonnier a pu payer son homme de loi. Et par exemple, si l’avocat s’est acheté des voitures, la commission peut s’enquérir de la provenance de l’argent pour ces achats.» De plus, l’avocat se doit de révéler le nom de ceux ou celles qui l’ont approché pour représenter le détenu.

C’est dans le cas où la commission d’enquête soupçonne l’homme de loi de blanchiment d’argent ou d’unexplained wealth qu’elle peut réclamer les comptes et les documents des biens immobiliers de celui-ci auprès de sa banque. Une banque qui refuse de se soumettre aux exigences de la commission est passible d’une amende maximum de Rs 1 million.

Par la suite, dans le cas d’un prima facie, la commission peut demander le gel des avoirs de la personne convoquée. Ce n’est qu’ensuite qu’un rapport est envoyé à la présidence de la République, qui le rendra public. «En se basant sur ce rapport, le commissaire de police décidera alors s’il faut déposer une plainte en cour contre l’avocat avant que le Directeur des poursuites publiques ne se prononce sur cette affaire.» Une charge provisoire est retenue contre l’homme de loi s’il est arrêté.

Me Yahia Nazroo, secrétaire au Bar Council, soutient, pour sa part, qu’il n’y a aucune intervention tant qu’un jugement n’a été prononcé contre la personne. «Elle peut continuer à exercer.»