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MJS - Sports Act 2016 : Les dirigeants de fédérations divisés sur la Section 9 (9)

26 janvier 2017, 15:55

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MJS - Sports Act 2016 : Les dirigeants de fédérations divisés sur la Section 9 (9)

C’est désormais une réalité. Le sport mauricien est régi par une nouvelle loi. Plusieurs amendements ont été effectués et parmi ceux qui ont retenu l’attention, il y a la section 9 (9). Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elle divise les dirigeants de fédérations.

La fameuse section 9 (9) stipule que si une fédération nationale ou une organisation «multisport» ne peut plus fonctionner en raison de conflits internes, un «supervising officer» pourra, à travers un «written order», dissoudre le comité directeur et mettre en place, après consultation avec le Comité Olympique Mauricien (COM), un comité temporaire pour gérer les affaires de la fédération jusqu’à la mise en place d’un nouveau comité directeur. Ceci, dans un délai de trois mois à partir de la date de la dissolution du comité.

Il est bon de faire ressortir que dans la précédente version de la loi, soit la Sports Act 2013, le concept de «caretaker committee» avait été supprimé suite aux recommandations du Comité international Olympique (CIO) qui considérait que cela constituait une ingérence dans les affaires internes d’une fédération.

Régler une situation chaotique

Mais le ministre de la Jeunesse et des Sports, Yogida Sawmynaden, a assuré que cette clause partait d’une bonne intention. Lors de la présentation du projet de loi à l’Assemblée nationale, le 20 décembre dernier, il a précisé qu’elle ne serait appliquée qu’en dernier recours arguant que son ministère ne pouvait rester les bras croisés alors que des situations malsaines avaient un impact négatif sur les athlètes et les relations avec les «stakeholders».

L’on sait que le judo mauricien se retrouve actuellement paralysé par un conflit avec deux groupes qui se battent pour le contrôle de la fédé- ration. La section 9 (9) de la Sports Act 2016 sera utilisée pour la première fois pour «régler» la situation chaotique qui existe au sein de la FMJ.

Toujours est-il que plusieurs dirigeants de fédération contactés ne voient pas d’un bon œil l’existence de cette clause de la loi. «Cette loi va à l’encontre des principes généraux de la séparation entre le gouvernement/instances politiques et les autorités sportives internationales. Elle va à l’encontre de la Charte Olympique et de ses directives qui précisent qu’un gouvernement ne doit pas s’immiscer dans le fonctionnement des fédérations sportives qui dépendent du Comité international olympique (CIO). En appliquant cette loi, le gouvernement ne respecte pas le statut du CIO et les règles des fédérations internationales», indique Raj Gaya, vice-président de l’Association mauricienne de Badminton. Un avis que partage Alain St-Louis, président de la Fédération mauricienne de Triathlon : «Ce serait une grande ingérence de la part du ministère. Les élections sont là pour élire les membres d’une fédération au nom de la démocratie. Je pense que le Comité Olympique a son mot à dire dans cette affaire. Il aurait aussi fallu que le ministère et les fédérations puissent discuter autour d’une table avant d’aller de l’avant avec de telles dispositions».

Harold Lai, président de la Fédération mauricienne de Natation, n’y est pas favorable non plus. «Je peux comprendre le pourquoi d’une telle loi. Dans le passé, le président de la FMN n’était pas en speaking terms avec le ministère des Sports ni les clubs de natation. Pendant 18 mois, nous étions pris en otage. Le ministère peut agir comme facilitateur mais n’a pas à prendre des décisions à la place d’une fédération. Du moment qu’une équipe est élue, le ministère ne peut la destituer. Je pense que les mesures du ministère de dissoudre un comité directeur selon la Sports Act ne sont pas justifiables pour autant. Si le ministère le fait, il s’agira d’une ingérence dans les affaires de la fédération et les instances internationales n’approuveraient pas cela. Cependant, ce que peut faire le ministère, c’est ne pas reconnaître une fédération et cesser de lui verser des subsides.»

Consultation avec le com

Le président de la Fédération mauricienne de Tir à l’arc, Yousouf Bayjoo, trouve que le ministère de la Jeunesse et des Sports s’octroie un rôle qui n’est pas le sien. «Je ne suis pas d’accord avec cette section dans la mesure où la loi prévoit déjà la mise en place d’un Tribunal Arbitral du Sport pour régler les conflits. De plus, les fédérations peuvent aussi se tourner vers le Comité Olympique Mauricien pour régler des différends. Il n’y a pas nécessité que le MJS intervienne. Un ministère n’est pas un tribunal, ce n’est pas son rôle. Mais la loi existe et il faudra faire avec», dit-il.

Pour Vivian Gungaram, président de l’Association mauricienne d’Athlétisme (AMA) et secrétaire général du Comité Olympique Mauricien, ladite section aurait dû être formulée différemment. «Le Supervising Officer du MJS ne peut pas prendre la décision de dissoudre le comité d’une fédération tout seul. Il faut qu’il y ait, au préalable, consultation avec le Comité Olympique Mauricien. Quand une fédération ne fonctionne pas comme il le faut, il faudrait d’abord lui donner un avertissement avant de procéder à la dissolution de son comité», indique-t-il.

Daniel Gérard, président de l’Association mauricienne de Handball, avance, lui, que cette partie de la loi ne doit pas être utilisée de manière abusive. «Je pense que cette section donnant le droit au MJS d’intervenir en cas de conflit dans une fédération doit être sujette à une utilisation réfléchie et judicieuse. Je ne suis pas contre l’intervention dans les cas de conflits majeurs. C’est-à-dire, là où une fédération n’a plus de quorum ou quand deux factions s’opposent et pénalisent les athlètes. Celle-ci doit être menée de concert avec le Comité Olympique Mauricien. Mais, si cette action relève d’une autre motivation ou de quelque influence subie par le MJS de la part de personnes malintentionnées, là, ce n’est pas bien», analyse-t-il.

Certains dirigeants sont d’avis que les athlètes doivent avoir un «voting power» au sein de leur fédération de tutelle.

Ne pas pénaliser les athlètes

Par contre, d’autres dirigeants accueillent sans réserve aucune la démarche du ministère à l’instar de Vimal Basanta Lala, président de l’Association mauricienne de Tennis de Table. «Je suis tout à fait d’accord et je me réjouis qu’il y ait quelqu’un pour trancher en dernier recours car en 2003, il y avait un conflit au sein de la fédération que nous n’arrivions pas à résoudre. Nous sommes passés par l’assemblée générale mais le problème avait persisté et nous avions perdu beaucoup de joueurs car il n’y avait pas eu de compétition pendant un an. Le ministère de la Jeunesse et des Sports avait fini par dissoudre le comité et avait mis en place un caretaker committee pour résoudre ce problème. Sans leur intervention, la situation aurait perduré et c’est le sport et les athlètes qui en auraient souffert. Je suis d’accord que les fédérations doivent être autonomes mais il ne faut pas que cette autonomie soit au détriment du sport. C’est mauvais quand c’est un premier recours mais en dernier recours quand personne n’a pu résoudre le problème, il faut qu’il y ait quelqu’un pour apporter une solution car les sportifs ne doivent pas être pénalisés», maintient-il.

Lawrence Wong, président de la Fédération mauricienne de Cyclisme, trouve également que la démarche est positive. «Je trouve que c’est une mesure correcte. Notre fédération est elle-même passée par une crise il y a quelques mois avec le départ de plusieurs membres et de ce fait, elle ne pouvait plus fonctionner comme il se doit. Si le ministère intervient pour nommer un comité intérimaire pour gérer les affaires de la fédération en attendant que de nouvelles élections se tiennent dans un délai de trois mois, je crois que c’est une bonne chose. Ainsi, les athlètes ne sont pas pénalisés parce qu’une fédération est paralysée à cause de conflits entre dirigeants», laisse-t-il entendre.

Le président de la Mauritius Football Association (MFA), Samir Sobha, ne trouve rien à redire mais pense que la Fédération internationale de Football Association (FIFA) pourrait ne pas être du même avis que lui. «Je suis satisfait de la nouvelle Sports Act et cela ne pose aucun problème à la fédération que le MJS ait son mot à dire sur la manière dont elle est gérée. Toutefois, cela peut faire tiquer la FIFA qui n’aime pas trop les ingérences du gouvernement au sein des fédérations nationales. Nous allons bientôt écrire à l’instance de Lausanne pour lui demander de fermer les yeux sur la Sports Act», a-t-il affirmé.

Étonnamment, certains dirigeants «n’ont pas encore eu le temps» d’étudier la Sports Act 2016. «Je n’ai pas encore pris lecture de la nouvelle loi et je dois bien voir dans quel contexte cette section de la loi peut être appliquée. Je dois bien l’analyser avant de faire un quelconque commentaire », ont ainsi déclaré Fayzal Bundhun, président de l’Association mauricienne de Volley-Ball, et Hedley Han, celui de la Fédération mauricienne de Basket-Ball.

«Je n’ai pas encore reçu de copie de la nouvelle Sports Act, ce qui fait que je ne peux pas trop m’avancer sur ce dossier. Mais d’après les échos que j’ai eus, il y a quelques amendements intéressants qui ont été apportés. Je pense notamment au droit de regard que détient le MJS sur les activités des fédé- rations. Le MJS apporte son soutien financier aux fédérations et c’est dans la logique des choses qu’il intervienne dans certains cas», fait ressortir, quant à lui, Poorun Bholah, fraîchement réélu à la présidence de la Fédération mauricienne d’Haltérophilie.

Kamil Patel, quant à lui, a préféré ne pas se prononcer. «C’est une question difficile. Tout dépend de comment cela est implémenté à mon avis.» Et de s’interroger : «Est-ce qu’on a plus d’informations sur les détails des points a) b) et c) ?» Les détails sont importants afin qu’il n’y ait pas d’ambiguïté si le ministère invoque cette clause», dit encore le président de la Fédération mauricienne de Tennis.

 Tout le monde est d’accord sur le fait qu’il faut à un moment intervenir pour mettre de l’ordre dans une situation chaotique qui paralyse une fédération et partant le mouvement sportif. Il est souhaitable qu’il y ait unanimité aussi sur l’autorité qui doit opérer cette intervention pour le bon fonctionnement des instances sportives. La concertation vaut mieux que s’arroger des pouvoirs et ajouter à la difficulté d’une réalité qui doit tenir en compte le point de vue des instances internationales et du Comité international olympique. Il faut assainir et mettre de l’ordre mais pas à n’importe quel prix.