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Jocelyn Chan Low: «Pravind Jugnauth part avec un handicap»

22 janvier 2017, 10:00

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Jocelyn Chan Low: «Pravind Jugnauth part avec un handicap»

Après l’annonce de sir Anerood Jugnauth (SAJ), quelle devrait être la suite des événements?

SAJ démissionne comme Premier ministre (PM) et demande à la présidente de la République de nommer son successeur. L’ensemble du cabinet est également révoqué. Il faudra un remaniement in toto et tous les ministres devront prêter serment. S’il y a des problèmes, la présidente peut également dissoudre le Parlement. Mais je ne crois pas qu’elle le fera. La question qui se pose: que deviendra SAJ?

Justement, pourquoi SAJ reste-il au gouvernement?

D’abord, parce qu’il y a la question d’une élection partielle qui servira de test pour la légitimité de la passation. Avec le «labour revival» et la baisse de la cote de popularité de l’alliance au pouvoir, ce sera compliqué pour le gouvernement. Je ne dis pas que celui-ci va perdre les élections, mais tactiquement, c’est difficile. Puis, SAJ reste parce qu’il ne peut pas devenir président. Il faut aussi qu’il perpétue cette légitimité acquise en 2014. Le peuple a voté pour lui comme PM et sa présence rassure certains.

Ne fera-t-il pas de l’ombre à son fils, surtout s’il devient un «ministre-mentor», à la Lee Kuan Yew?

Certes, le fait que SAJ reste est également perçu comme négatif. Cela risque de gêner le nouveau PM. Mais, il se peut aussi que le père reste «tranquille» pour que le fils puisse exister. L’on se souvient que lorsque SAJ était PM, personne ne l’a écouté sur Heritage City. Maintenant, est-ce qu’on va lui prêter une oreille attentive?

Mais il continuera tout de même à toucher un salaire…

À Singapour, l’opposition a fait entendre sa voix lorsque Lee Kuan Yew est devenu ministre-mentor parce que, justement, il avait droit à un beau pactole en termes de salaire. Relativement aux dépenses publiques, c’est effectivement un problème. Pour moi, cette manœuvre n’est qu’un «face saving device» pour ne pas humilier SAJ.

C’est la première fois qu’un père passe le pouvoir à son fils à Maurice. Que doit-on retenir de ce chapitre de l’Histoire?

Que tout est fait dans la légalité. C’est constitutionnel. Il est vrai que SAJ est le père de Pravind mais ce dernier est quand même le leader du Mouvement socialiste militant, le parti majoritaire du gouvernement. L’ambiguïté est que SAJ n’est pas le leader d’un parti. Techniquement, Pravind Jugnauth devait être PM depuis le départ.

Des voix sont pourtant montées au créneau pour dire que cette passation n’est pas morale…

Il y a un problème de légitimité morale car l’alliance Lepep a présenté SAJ comme PM pour affronter le tandem Ramgoolam-Bérenger. Durant la campagne électorale, il n’a jamais été question que Pravind Jugnauth devienne PM. D’autant que MedPoint était à la base de la cassure entre le MMM et le MSM. Le contexte est assez difficile. Un gouvernement et son chef doivent être perçus comme légitimes. Le nouveau PM part donc avec un handicap. C’est dommage.

Et si les deux principaux partis de l’opposition mettent leur menace, qui consiste à démissionner en bloc, à exécution?

Il y a eu des menaces semblables par le passé mais cela ne s’est jamais produit à Maurice. C’est risqué pour l’opposition parce que des élections ne sont jamais gagnées d’avance. Je ne vois pas cela arriver. Par contre, les démissions de Paul Bérenger et Jean Claude de l’Estrac avaient provoqué la partielle de janvier 1995 à Stanley–Rose-Hill; ce scénario peut se reproduire. Toujours est-il que des démissions au sein de l’opposition déstabiliseront le pays.