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L'Arabie compte sur Trump, mais craint la mort de l'accord nucléaire iranien

5 janvier 2017, 13:18

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L'Arabie compte sur Trump, mais craint la mort de l'accord nucléaire iranien

L'Arabie saoudite et ses alliés du Golfe espèrent que Donald Trump va les remettre en selle face à l'Iran, mais redoutent qu'un éventuel effondrement de l'accord sur le nucléaire iranien ne déstabilise davantage le Moyen-Orient, selon des experts.

«Huit ans d'administration Obama ont complètement détruit l'équilibre» des forces dans la région, ravagée par des guerres et l'expansion du jihadisme, estime Mustafa Alani, analyste au Gulf Research Center de Genève.

Barack Obama «a ignoré la politique expansionniste de l'Iran et a été très prudent dans son soutien aux Etats du Golfe», qui espèrent que «l'équilibre régional sera rétabli sous Trump», ajoute-t-il.

Les pays arabes du Golfe se sont insurgés contre «l'interventionnisme» de l'Iran en Syrie, au Liban, en Irak et au Yémen et ont très mal vécu le refus de M. Obama d'agir militairement contre le régime de Damas.

Parmi les hommes-clés de la future administration Trump, trois sont connus pour leur méfiance vis-à-vis de Téhéran: le conseiller pour la sécurité nationale Michael Flynn, le chef du Pentagone James Mattis et le secrétaire d'Etat Rex Tillerson. 

«Les trois voient l'Iran comme une menace potentielle sérieuse et reconnaissent l'importance stratégique de l'Irak et le rôle des Etats arabes pour dissuader l'Iran», souligne Anthony Cordesman, analyste au Center for Strategic and International Studies de Washington.

Failles nucléaires

Dès son investiture le 20 janvier, Donald Trump sera observé de près sur sa politique vis-à-vis de l'Iran, en particulier sur l'accord historique conclu en 2015 pour contenir le programme nucléaire de Téhéran en échange d'une levée de sanctions.

Durant la campagne, M. Trump a promis de «déchirer» ce réglement international, qu'il a qualifié de «pire accord jamais négocié».

Une telle perspective inquiète les pays du Golfe, qui avaient pourtant critiqué cet accord perçu comme un rapprochement de Washington avec le rival chiite des pétromonarchies sunnites.      

Même s'il comporte «de nombreuses failles et faiblesses», Ryad et ses alliés «ne veulent pas voir M. Trump le modifier, voire l'annuler, sans savoir par quoi il sera remplacé», affirme M. Alani.

Les Iraniens ne feront pas concessions avant l'élection présidentielle prévue en mai. Et «s'il s'agit de remplacer (l'accord nucléaire) par la guerre, je ne crois pas que la région soit prête à relever ce défi», ajoute l'expert.

Richard LeBaron de l'Atlantic Council à Washington prédit que l'accord «survivra avec quelques ajustements aux sanctions et beaucoup de discours musclés». Les Etats du Golfe «conseilleront à Trump de (le) maintenir plutôt que de créer une nouvelle incertitude énorme dans la région».

Selon M. Cordesman, M. Trump pourrait «choisir de vivre avec (l'accord) et se concentrer sur d'autres aspects de la menace iranienne comme le développement des missiles et le risque (...) sur la navigation dans le Golfe».

Les missiles balistiques iraniens constituent «une préoccupation majeure dans la région», confirme M. Alani.

Islam: incompréhension?

Les relations s'étaient également tendues avec M. Obama lorsqu'il avait reproché l'an dernier aux Saoudiens d'avoir cherché à influencer d'autres pays musulmans par le truchement de leur idéologie wahhabite, une version rigoriste de l'islam.

De fait, ils sont régulièrement accusés en Occident de financer des mosquées radicales et d'alimenter l'extrémisme, bien qu'ils fassent partie de la coalition en guerre contre le groupe Etat islamique.

La question de l'islam devrait rester sensible dans les relations avec l'équipe Trump, dont certains membres se sont livrés à des amalgames jugés dangereux dans les pays arabes, selon des analystes.

«Il y a un manque de compréhension» dans l'entourage de M. Trump sur les efforts des pays du Golfe dans la lutte contre l'islamisme radical, dit M. Alani, rappelant que ces Etats souffrent eux-mêmes du «terrorisme».

Autre pomme de discorde: la loi, dite Jasta, adoptée en septembre par le Congrès américain qui autorise les victimes des attentats du 11 septembre 2001 à poursuivre l'Arabie saoudite en justice. Quinze des 19 pirates de l'air étaient Saoudiens.

Après avoir rappelé les relations stratégiques que Washington et Ryad entretiennent depuis 70 ans, M. Cordesman semble douter que cette loi devienne un sujet de conflit. Sans preuve de l'implication du gouvernement saoudien dans le 11-Septembre, «la Jasta pourrait mourir discrètement de mort naturelle».

M. LeBaron «ne sait pas ce qu'il adviendra de la Jasta, mais le ciblage de musulmans comme source de problème sécuritaire assombrira inévitablement les relations saoudo-américaines».

Enfin, Ryad et Washington ont des intérêts divergents dans le secteur pétrolier qu'ils dominent. M. Trump sera certainement «très favorable au développement du pétrole et du gaz de schiste» et «je ne pense pas» que cette politique servira les intérêts de Ryad, souligne Jean-François Seznec, spécialiste au Global Energy Center de l'Atlantic Council.