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Fabien de Marassé Enouf: «Le sucre mauricien trouvera toujours sa place sur le marché européen»

19 décembre 2016, 17:24

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Fabien de Marassé Enouf: «Le sucre mauricien trouvera toujours sa place sur le marché européen»

Le «Chief Finance Officer» du groupe Alteo fait le bilan de la récolte de la canne à sucre pour 2016. Il parle des perspectives de développement pour le groupe en Afrique et à Maurice sur les court et long termes.

Quel bilan faites-vous de la récolte qui s’est achevée vendredi ?

La coupe s’est terminée avec un tonnage inférieur à celui de l’année dernière. Cela se chiffre dans les environs de 815 000 tonnes de cannes récoltées. Ce qui est en baisse comparé aux 867 000 tonnes de l’année précédente. La raison principale, c’est une baisse de rendement due à des facteurs climatiques, qui étaient plus favorables pour la coupe de 2015 comparé à celle de cette année. Ce qu’on note comme point positif pour la récolte, c’est le taux de sucrose dans la canne, qui est nettement supérieur au taux de l’année dernière. Une amélioration due au fait que la partie Nord de l’île a réalisé des taux de sucrose très élevés. Donc, sur la production de sucre, on se retrouve, malgré le tonnage en baisse.

Comment vous préparez-vous à la fin des quotas sur le marché européen en 2017 ?

Selon nos indications, la production en Europe augmentera. La surface de culture de betterave a été augmentée. Nous nous assurons d’investir dans la qualité de notre sucre destiné au marché européen. De plus, nous investissons dans des facilités d’emballage à la raffinerie afin d’être plus flexible par rapport à la demande de notre clientèle européenne. Il faut aussi relativiser. Maurice représente 400 000 tonnes de sucre sur un marché européen qui fait 15-17 millions de tonnes. On est dans certains marchés niches et on trouvera toujours notre place, malgré la concurrence.

Quelle est la position d’Alteo par rapport au syndicat des sucres, d’autant plus que certains usiniers avaient signifié leur intention d’aller négocier individuellement sur le marché européen ?

 Nous sommes membres du syndicat et nous voyons d’un bon œil ses initiatives de se restructurer par rapport à la commercialisation des sucres. Pour le moment, nous supportons cette initiative et nous pensons que l’on peut trouver des solutions qui seraient acceptables pour tout le monde.

Qu’en est-il de la performance des autres segments du groupe, comme l’énergie, la production industrielle ou encore l’immobilier ?

Au niveau de l’activité industrielle, 2016 est la troisième saison depuis la centrali- sation de nos opérations sur Union Flacq. Pour rappel, Alteo c’était aussi la sucrerie de Deep-River–Beau-Champ qui a fermé début 2014. La première récolte de 2014 allait être centralisée sur l’usine d’Union Flacq. Nous sommes très satisfaits de la performance de l’usine sur 2016. Elle opère aujourd’hui à un niveau de 410 tonnes de cannes par heure, ce qui est au-delà de nos objectifs de départ. On note aussi une reprise de notre marché de sucres spéciaux, ce qui nous permet d’augmenter notre production de manière importante cette année. Notre principal marché reste l’Europe, bien que les sucres spéciaux soient vendus dans une quarantaine de pays. C’est très diversifié. Ce que l’on note sur 2016, c’est que de nouveaux marchés se sont développés, dont le Kenya, récemment. Et c’est très bénéfique pour nous.

Au niveau du segment immobilier, nous avons l’activité de promotion immobilière à Anahita, qui existe depuis une dizaine d’années. En 2016, nous avons complété la partie sud. En gros, les deux tiers du développement ont été vendus. Les dernières villas seront livrées d’ici la fin d’année. Depuis quelque temps, on se concentre sur la partie nord, avec de nouveaux produits. Notre marché principal reste la France, la Suisse, l’Angleterre, essentiellement, même si le marché sud-africain est toujours présent.

Au segment énergie, sur 2016, l’activité a été impactée vu que le cours du charbon n’a pas cessé de baisser pendant une bonne partie de l’année. Les prix auxquels on vend notre électricité sont indexés en partie sur le cours du charbon. Si le prix du charbon tombe, nos tarifs aussi tombent. Ce qui affecte notre performance au niveau de nos opérations…

Sur le cluster énergie, nous avons travaillé sur notre projet que nous avons proposé aux autorités et qui concerne le remplacement de nos capacités à Union Flacq et à Beau-Champ, dont les contrats avec le Central Electricity Board (CEB) expirent fin 2018. Le dossier a été déposé au CEB en début d’année. Depuis, nous faisons le suivi avec les autorités pour faire avancer les choses.

Comment se passent vos opérations en Afrique, notamment au Kenya et en Tanzanie ?
Sur nos opérations africaines, les choses se déroulent de manière très satisfaisante. En Tanzanie, on a récemment augmenté notre capacité de production. Depuis quelques années, les rendements au champ étaient très forts. L’usine avait du mal à broyer toute la canne sur l’année. Donc, on a effectué les investissements nécessaires dans l’usine l’année dernière qui ont permis d’augmenter sa capacité. Nous voyons déjà les résultats cette année et sur début 2017. Nous avons investi 5 millions de dollars. Cette augmentation de capacité en Tanzanie est la première phase d’un programme d’investissement qui se fera sur plusieurs années. Sur la saison qui se terminera en mars 2017, on pense atteindre une production au-delà de 100 000 tonnes.

 Au Kenya, nous avons investi une quinzaine de millions de dollars l’année dernière, toujours dans l’augmentation de capacité. Sur l’année calendaire 2016, nous estimons que nous allons atteindre un volume de production de 90 000 tonnes.

Quelles ont été les principales difficultés auxquelles le groupe a été confronté cette année ?

 Le défi principal pour nous a été de pouvoir gérer nos coûts d’opération dans un contexte de prix du sucre très faible. En 2014 et 2015, le prix du sucre avait beaucoup baissé pour atteindre Rs 12 500 la tonne. En 2016, le cours du sucre est monté à Rs 15 300 la tonne, ce qui est nettement plus favorable. Mais le challenge à Maurice est de pouvoir opérer à un coût de production viable. On a mis en place plusieurs pistes de réflexion sur l’optimisation de nos opérations à tous les niveaux.

Sur l’Afrique, c’est un contexte différent, avec une situation de croissance forte. Donc, le défi c’est d’arriver à investir dans nos capacités usinières et de développer de nouveaux marchés sur des segments qui nous permettront de bénéficier des opportunités de croissance.

Quelles sont les attentes d’Alteo par rapport à 2017, notamment pour l’économie locale ?

 Pour la plupart de nos secteurs, nous sommes surtout impactés par des conditions économiques internationales. Au niveau local, on peut peut-être mentionner le secteur énergétique, où les projets se réalisent évidemment en partenariat avec les autorités. Nous espérons donc que nous pourrons participer activement à l’effort national pour augmenter la part d’électricité produite à partir de sources renouvelables comme la bagasse ou le solaire.

 De plus, c’est toujours plus réconfortant pour les investisseurs de pouvoir faire confiance aux autorités afin de mettre en place une politique économique stable et transparente qui permette d’investir avec confiance. Beaucoup de choses ont été faites en ce sens et il faut continuer dans cette direction.

Quels sont vos projets sur le court et long termes ?

Nous avons des projets dans nos différents secteurs d’activités. Il y a d’abord ce nouveau projet énergétique proposé aux autorités. On espère pouvoir en première partie de l’année concrétiser l’accord avec le CEB et avancer sur l’implémentation du projet. Nous avons aussi récemment été retenus sur un projet photovoltaïque de 9 mégawatts. Nous sommes en discussion avec le CEB pour finaliser les accords. C’est un projet qui peut être lancé début 2017 si les choses se passent comme prévu.

Au niveau immobilier, nous avons aussi des projets en dehors du développement d’Anahita. Ce sont des projets pour le marché local comme le développement de morcellement résidentiel. Nous avons récemment livré deux morcellements à l’Est, Providencia à Providence et Balnea dans la région de Trou-d’Eau-Douce. Nous travaillons également sur d’autres projets dans la région qui seront lancés dès que tous les permis auront été finalisés. Parmi les régions qui nous intéressent le plus, il y a Trou-d’Eau-Douce, Bonne-Mère et Mont-Piton, où une 1re phase a été lancée sur le marché il y à 3-4 ans. Nous prévoyons d’autres phases de développement dans un avenir proche.

 Au niveau du continent africain, dans notre activité sucre, nous avons récemment constitué une équipe de business developpement très active à explorer les opportunités dans la région. On a tendance à se concentrer sur l’Afrique de l’Est mais nous sommes tout à fait ouverts à d’autres régions sur le continent. Notre objectif est de continuer à investir en Afrique si nous arrivons à trouver des projets intéressants.

Au niveau de nos activités au Kenya et en Tanzanie, nous pensons qu’il y a des possibilités d’investissement dans un futur proche, notamment du fait que dans les deux pays, nous avons des saisons beaucoup plus longues qu’à Maurice pour la coupe. Ce qui fait que la bagasse est disponible presque tout au long de l’année. Cela nous permettrait de réaliser des projets de centrales thermiques rattachées à nos usines sur ces deux pays.