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Malawi: prison ferme pour un séropositif coupable de pratiques sexuelles «nuisibles»

22 novembre 2016, 20:50

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Malawi: prison ferme pour un séropositif coupable de pratiques sexuelles «nuisibles»

 

Un homme séropositif, qui s'était targué de relations sexuelles tarifées avec une centaine d'adolescentes ou de veuves dans le cadre de pratiques rituelles controversées, a été condamné mardi à deux ans de prison au Malawi.

«Je vous condamne à deux ans de prison», a lancé le juge Innocent Nebi à l'accusé, Eric Aniva, dans la salle d'audience pleine à craquer du tribunal de Nsanje (sud-est). 

L'accusé malawite n'a "montré aucun remords" pendant son procès et n'a «absolument aucune considération vis-à-vis des veuves, aucune dignité vis-à-vis des femmes», a ajouté le magistrat, «et il y a même des doutes qu'il ait utilisé des préservatifs».

«Une telle culture n'a aucunement sa place au Malawi», a-t-il martelé.

Agé de 45 ans, Eric Aniva a fait scandale en racontant, dans un entretien accordé en juillet à la BBC, avoir eu des rapports sexuels avec des jeunes filles en échange de 4 à 7 dollars réglés par leurs familles, et ce malgré sa séropositivité.

Certaines de ses victimes avaient à peine 12 ans, selon ses dires.

Sa confession a provoqué un tel tollé qu'elle a poussé, quelques jours plus tard, le président du pays Peter Mutharika à ordonner son arrestation.

Selon une coutume locale pratiquée dans le sud du Malawi, des parents d'adolescentes embauchent un homme, surnommé «la hyène», pour déflorer les jeunes filles après les premières règles.

Le rituel est censé leur apprendre à devenir de bonnes épouses et les protéger des maladies ou d'autres malheurs risquant de porter préjudice à leur famille ou leur village.

La «hyène» est aussi payée pour avoir des relations sexuelles avec des veuves récemment endeuillées, afin d'exorciser le mal et éviter tout autre décès.

Au prononcé de sa condamnation mardi, Eric Aniva s'est dit «déçu». «Je pensais avoir une peine avec sursis», a-t-il déclaré à l'AFP, tandis que son avocat Michael Goba Chipeta annonçait son intention de faire appel.

Une peine de prison avec sursis aurait été «une parodie de justice», a estimé le juge.

«Purification sexuelle»

Aucune des jeunes adolescentes victimes d'Eric Aniva n'a témoigné lors du procès, au cours duquel l'accusé qui plaidait non coupable est resté muet. 

Sa condamnation à deux ans de prison porte uniquement sur les «pratiques nuisibles» infligées à des veuves. 

Cette affaire intervient dans un pays qui enregistre l'un des taux d'infection par le virus du sida les plus élevés au monde (9% chez les 15-49 ans, selon l'Onusida). 

Charles Mazenga, directeur adjoint au ministère malawite du Genre, s'est réjoui du verdict.

«Cette affaire représente la réalité sur le terrain» et ce jugement constitue «une avancée», a-t-il réagi, espérant que ce verdict «permette de mettre fin à la pratique dite de purification sexuelle». 

Maziko Matemba, de l'ONG malawite Health and Rights Education Program, a également salué la condamnation de la «hyène»: «ceux qui propagent le virus sauront désormais les conséquences d'un tel comportement».

Le Malawi a encore «un long chemin à parcourir pour sensibiliser» aux dangers du sida, a-t-il cependant ajouté, regrettant que l'accusé n'ait pas été poursuivi pour propagation du virus. 

Dans son entretien à la BBC, Eric Aniva affirmait que toutes les filles avec qui il avait eu des relations sexuelles «trouvaient du plaisir à (l)'avoir comme ‘hyène’». 

«Des filles ont 12 ou 13 ans, mais je les préfère plus âgées», ajoutait-il, avouant avoir des rapports sexuels non protégés avec les adolescentes bien qu'étant porteur du virus du sida.

L'une des jeunes filles victimes d'Eric Aniva avait expliqué à la BBC qu'elle ne "pouvait pas éviter" cette initiation sexuelle.

«Je devais en passer par là pour mes parents. Si j'avais refusé, des membres de ma famille auraient pu tomber malades ou même mourir, j'avais peur», avait-elle déclaré, témoignant du poids des superstitions dans cette région.