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Malgré la trêve, le Venezuela ne voit pas le bout du tunnel

5 novembre 2016, 19:09

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Malgré la trêve, le Venezuela ne voit pas le bout du tunnel

 

Après des mois d’escalade, la trêve entre l’opposition et le gouvernement vénézuélien se délite à vue d’oeil : dès les premiers jours, les menaces et les insultes ont fusé entre ces deux camps, faisant craindre un échec des discussions.

Les deux parties doivent à nouveau s’asseoir à la table des négociations le 11 novembre, sous les auspices du Vatican.

D’ici là, la Table de l’unité démocratique (MUD), qui réunit une bonne partie de l’opposition à Nicolas Maduro, a exigé des gestes de bonne volonté du chef de l’Etat socialiste, héritier politique du défunt Hugo Chavez, notamment de nouvelles libérations d’opposants. Faute de quoi elle s’en ira.

«Je n’accepte pas d’ultimatum. La paix n’admet pas les délais» imposés, a déclaré vendredi M. Maduro.

«A court terme, l’opposition a une nécessité impérieuse de montrer des faits concrets issus du dialogue, sinon les gens vont commencer à le lui reprocher», juge l’analyste Eugenio Martinez, interrogé par l’AFP.

Pourtant, au début, chacun a fait un pas vers l’autre.

A la libération de cinq opposants politiques par le gouvernement, lundi, le Parlement contrôlé par la MUD a répondu en décidant mardi de suspendre le vote de défiance contre le chef de l’Etat, ainsi que la marche à haut risque prévue deux jours après sur la présidence.

Mais, «en dix jours, ils ne vont pas régler les problèmes du pays», fait valoir M. Martinez.

Et l’objectif affiché par l’opposition, lors de ce prochain round de discussions, celui d’organiser une élection présidentielle anticipée au premier trimestre 2017, au lieu de décembre 2018, comme prévu, n’a fait qu’attiser la colère de Nicolas Maduro.

«Je veux tous vous alerter, et surtout vous les sympathisants de l’opposition : ils (les dirigeants de l’opposition, ndlr) vous mentent», a rétorqué le président vénézuélien, qui accuse la MUD de créer de «faux espoirs».

Méfiance et invectives

Il l’a dit et répété : il compte bien gouverner jusqu’au dernier jour de son mandat, en janvier 2019.

Pour l’analyste Benigno Alarcon, le gouvernement ne fait que «gagner du temps» : «Après avoir tout fait pour empêcher le référendum, je le vois mal accepter des élections anticipées», a-t-il dit à l’AFP.

Malgré les bonnes intentions du début, lorsque gouvernement et opposition s’étaient engagés à «réduire le ton agressif du débat politique afin de préserver un climat de paix et d’entente», les invectives ont repris le dessus.

Le jour même, M. Maduro a traité de groupe «terroriste» le parti Voluntad Popular, l’aile dure de l’opposition qui veut intensifier les manifestations, tandis que le N.2 du chavisme a ensuite accusé la MUD d’être des «bourgeois apatrides» aux ordres des Etats-Unis.

Les antichavistes ont répondu que le gouvernement en place était «décadent et moribond» ou ont qualifié le président d’être «pathétique» et de «menteur compulsif».

Mais au-delà du langage fleuri, le politologue Nicmer Evans voit là un risque réel : la «polarisation fait beaucoup de mal au pays, car la majorité de la population se sent de moins en moins identifiée» avec le pouvoir chaviste ou avec la MUD.

Sans compter la méfiance qui règne de part et d’autre. Pour M. Maduro, l’opposition est à l’affût du moindre prétexte pour quitter la table des négociations quand les antichavistes assurent ne faire confiance qu’aux émissaires du pape François.

Le Vatican, qui a joué un rôle clé dans les dossier cubain et colombien, aura fort à faire dans la complexe crise vénézuélienne.

«La MUD pense que (le Vatican) est venu pour faire chuter le chavisme, et ce n’est pas nécessairement le cas. Il est plutôt là pour essayer de rendre le Venezuela gouvernable, et cela peut vouloir dire maintenir les chavistes au pouvoir avec la reconnaissance de l’opposition», déclare l’analyste Eugenio Martinez.

Pour le sous-secrétaire d’Etat américain Thomas Shannon, de retour de Caracas où il s’est rendu pour exprimer son soutien au dialogue, sa réussite va «beaucoup dépendre de la bonne foi» des participants, mais c’est le gouvernement qui «a la clé» du succès.