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Après les inondations, l’avenir incertain des maraîchers d’Ile-de-France

23 août 2016, 22:01

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Après les inondations, l’avenir incertain des maraîchers d’Ile-de-France

 

Plus de deux mois après les inondations, l’eau s’est retirée des terres et les cultures font leur retour. «On a pris le pari de planter, mais aujourd’hui, je ne sais pas si je vais pouvoir récolter», explique à l’AFP Jean-Claude Guehennec.

Au Mesnil-le-Roi, petite commune des Yvelines, ce maraîcher a vu disparaître sous l’eau de la Seine, qui coule juste derrière son exploitation, 30 de ses 32 hectares cultivés. «Le 4 juin, au plus fort de la crue, j’avais en moyenne 1m50 d’eau, c’était un lac», se remémore-il, photos à l’appui.

A présent, les rangées d’une quarantaine de variétés de légumes occupent l’essentiel de l’espace. Mais à certains endroits, les salades bien alignées s’interrompent, face à des parcelles toujours nues.

L’une d’entre elles est couverte de gros blocs de terre. «Des +parpaings+», commente M. Guehennec. Son tracteur avance péniblement pour les transformer en terre fine.

Une fois que l’eau s’est retirée, le maraîcher a dû labourer les sols pour les aérer puis les préparer pour semer à nouveau. Un travail effectué avec l’aide des 10 salariés de l’exploitation, qu’il n’a pas eu besoin de mettre au chômage technique.

«La crue je l’ai vécue, mais jamais à cette période-là», affirme l’agriculteur qui s’est installé il y a 35 ans. «Au mois de juin, on est en pleine production de printemps, on voyait arriver de la salade, du persil, des épinards»... Les récoltes d’automne et d’hiver étaient également engagées: certains légumes, comme le potiron par exemple, se plantent dès le mois de mai.

«Toutes les cultures ont été complètement anéanties, on n’a pas eu de salades pendant un mois et demi», ajoute-t-il. Une situation difficile à gérer en plein pic de la demande.

Pour l’instant, M. Guehennec estime le coût des dégâts «aux alentours de 800.000 euros pour la perte globale». La situation peut encore évoluer, en fonction des conditions météorologiques des prochains mois. Si elles se montrent favorables, les productions, décalées par rapport à leur cycle habituel, devraient arriver à terme.

Avenir incertain

«Le coût réel, je le connaîtrai dans un an, en juillet/août l’année prochaine», précise-t-il.

Les courgettes plantées tardivement donnent pour l’instant de belles feuilles vert foncé. Le champ de pommes de terre est également en fleurs.

«La récolte devrait intervenir à partir de maintenant, mais là tout est vert, explique le maraîcher qui écoule sa production auprès de particuliers sur les marchés, de restaurants et de supermarchés. Comme on est décalés (dans le temps, par rapport au calendrier habituel de récolte), il va falloir faire attention aux maladies comme le mildiou».

Au total, 219 exploitations ont été inondées en Ile-de-France, parmi lesquelles, 73 spécialisées (maraîchage, arboriculture, horticulture, pépinière), selon la Chambre interdépartementale d’agriculture, soit plus de 1.500 hectares inondés et 3,5 millions d’euros de pertes.

Conséquence des aléas météorologiques, dans toute la France, les prix des fruits et légumes ont battu des records cet été augmentant de 18 et 10% sur un an en raison principalement de la mauvaise météo, selon le baromètre annuel de Familles Rurales paru mardi.

«La pluie excessive et les inondations ont +impacté+ de 30 à 40% le potentiel de production de légumes de l’Ile-de-France», souligne M. Guehennec qui est également président de l’Union des producteurs régionale.

Suite à ce genre de sinistres, les exploitations spécialisées, ainsi que les élevages, peuvent être reconnus en état de calamité agricole et recevoir une aide financière, à condition d’avoir perdu plus de 30% de leur production et plus de 13% du chiffre d’affaires.

Mais les délais sont longs: de 12 à 18 mois.

M. Guehennec, qui fait partie des agriculteurs très touchés avec plus de 80% de pertes, peut y prétendre. Son montant sera déterminant pour la poursuite de son activité, mais il s’inquiète face au risque d’une reproduction du phénomène.

«Si les pouvoirs publics ne nous aident pas, on ne peut pas faire de provisions suffisamment importantes pour les aléas climatiques donc dès qu’on perd un certain pourcentage du chiffre d’affaires, on peut passer à la trappe», assure-t-il.

Le dernier recensement général agricole de 2010 a comptabilisé 83 exploitations maraîchères en Ile-de-France, sur 409 fermes spécialisées, et la tendance est à la baisse du nombre d’exploitations.