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La vraie lutte pour l’indépendance peut enfin démarrer

6 juillet 2016, 09:00

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La vraie lutte pour l’indépendance peut enfin démarrer

 

Les Chagos, symbole d’une domination annoncée à l’origine, vont nous permettre de réécrire l’histoire de notre pays. Et cette fois-ci, de manière glorieuse. Aujourd’hui, les puissances étrangères veulent nous faire revivre, à quelques nuances près, des instants d’un autre temps, lorsque pressurisés par des colonisateurs lors des pourparlers sur le statut futur de l’île, nos dirigeants cédèrent à leurs diktats. À l’époque, les Anglais, ayant vite décelé l’attirance de nos dirigeants politiques pour le pouvoir et cerné leurs ambitions propres de vouloir gouverner la vie de l’ensemble des Mauriciens, se firent offrir une partie de notre territoire sur un plateau. Et cela, sans même le recours à un Order in Council pour obliger nos négociateurs à leur donner les Chagos.

Et même si dans leurs manuels scolaires, depuis presque un demi-siècle, nos enfants apprennent que le rouge du drapeau mauricien symbolise la lutte pour l’indépendance, ce n’est qu’après mars 68 que le mot lutte commença à prendre du sens. Aujourd’hui, notre revendication est portée par un nouveau souffle pour marquer le rejet d’un chapitre de notre histoire : celle qui nous rappelle honteusement qu’il y a plus de 50 ans, les dirigeants mauriciens de tous bords se rendaient à Londres par la BOAC aux frais de Sa Majesté, et qu’ils en sont revenus après avoir consenti à la cession d’une partie de notre territoire aux Anglais. Le consentement fut donné au cours d’une grande partie de poker bluffant puisque les Anglais voulaient, sans le faire savoir, se débarrasser de Maurice en lui imposant son indépendance. Et des Mauriciens couillons, voulant à tout prix prendre la place des maîtres colonisateurs, même s’il s’agissait de régner sur un pays anémique qui ostensiblement coulait, furent pris au piège de leurs propres ambitions.

Les choses ont évidemment changé depuis ces années où les puissances avaient mené les Mauriciens, dirigeants et population confondus, en bateau. Sur un fond idéologique qui s’est installé à la fin des années 60/début 70 dans le paysage politique mauricien, ceux qui n’avaient pas participé à la grande braderie dénoncèrent l’insultant coup fourré que nous ont fait les Anglais. Est survenue une mouvance pour l’intégrité territoriale du pays. Et aujourd’hui nos politiques, piqués par une missive renouvelant l’insulte des puissants, sont déterminés à exiger le respect de nos droits.

Le contexte évoluant, tout le peuple mauricien connaît aujourd’hui l’histoire de la violation de nos droits par les Britanniques, et en saisit l’importance. Le courant de pensée qui condamne l’excision de notre territoire prend de l’ampleur. Un soutien populaire à une revendication se dégage, et l’on peut dire sans se tromper qu’il ira en s’amplifiant. Une telle situation devra conférer à nos dirigeants la force de hausser le ton afin que notre souveraineté sur l’ensemble du territoire mauricien soit respectée.

La vraie lutte pour l’indépendance va enfin pouvoir démarrer ou, du moins, prendre un nouvel élan car le contexte nous oblige à revenir sur notre histoire, et à la réécrire de manière plus glorieuse. C’est ainsi que les prochaines générations ne pourront pas nous culpabiliser de n’avoir rien fait pour rétablir l’intégrité de notre territoire ou de notre complaisance vis-à-vis de l’histoire de notre pays. Elles ne pourront pas nous accuser, tout comme nous accusons aujourd’hui nos dirigeants des années 60, d’avoir vendu les Chagos. Pour la seconde fois.

Toutefois, une lutte que l’on veut mener contre un ennemi commun suppose le soutien de la population. L’unanimité du soutien populaire est essentielle, constituant l’âme d’une revendication faite au nom d’un pays. La lutte pour récupérer les Chagos ne pourrait relever exclusivement que de la compétence des politiciens. Elle requiert l’appui de tout un peuple, qui doit se sentir concerné par cette volonté de rétablir le pays dans ses droits. Inclusive, cette lutte ne devrait pas être que l’affaire des seuls experts. Elle doit pouvoir compter sur toutes les communautés, toutes nos églises, la société civile, la diaspora mauricienne, de même que sur les nombreux étrangers amis de Maurice.

Au constat des failles dans la conscience populaire, force est d’insister que le peuple soit convaincu qu’il ne s’agit plus d’un soutien du bout des lèvres, d’un rapport distant à une dé- marche juridico-politique quelconque. Mais que l’enjeu est d’envergure à mériter un engagement appelé à être sans cesse renforcé. Le peuple, souvent excusé de son désintérêt pour la chose publique, ne peut plus jouer à l’indifférent dans un combat pour la souveraineté nationale. Tous concernés. Tous indignés. D’où cette urgence à consolider le soutien populaire, l’engagement. Et construire l’unanimité autour

C’est un peuple seul, averti, et armé de sa vigilance qui peut pousser nos politiques, et même les obliger, à foncer. Son engagement permet de donner du poids à l’action des politiques et leur offrir une raison de mener la lutte, d’être intransigeants. Il n’y a pas d’instant plus fort pour un pays que lorsque le peuple, comme un seul être, montre sa détermination à se faire respecter par quelque puissance que ce soit. Doit-on se rappeler à ce propos que c’est aussi sur une division du peuple mauricien que les Anglais ont capitalisé et obtenu la cession des Chagos ?

Les symboles sont souvent de nature évolutive. Les Chagos, autrefois symbole d’une domination coloniale annoncée, peuvent connaître un nouveau destin. Ils seront peut-être, demain, le symbole d’une souveraineté retrouvée, d’une domination néocoloniale avortée. Si le peuple y consent…